NIGER

Coup de gueule du Niger : "touche pas à mon uranium"

Deux mois après une première mobilisation, quelques centaines de nigériens ont à nouveau manifesté à Niamey pour dénoncer une mauvaise gestion de l’exploitation de l’uranium. À l’heure où Niamey et le géant français Areva sont en pleines négociations sur la révision du taux d’imposition des ressources minières, les organisations locales, elles, demandent des comptes aux deux parties.

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Un manifestant nigérien, jeudi 6 février. Photo prise par notre Observateur Assan Midal.

 

Deux mois après une première mobilisation, quelques centaines de nigériens ont à nouveau manifesté à Niamey pour dénoncer une mauvaise gestion de l’exploitation de l’uranium. À l’heure où Niamey et le géant français Areva sont en pleines négociations sur la révision du taux d’imposition des ressources minières, les organisations locales, elles, demandent des comptes aux deux parties.

 

Depuis le début de l’année, le gouvernement nigérien exige l’application du nouveau code minier du pays, mis en place en 2006, pour augmenter le taux d’imposition à 12 % de la valeur des ressources extraites, contre 5,5% actuellement. Niamey demande aussi la révision des exonérations fiscales dont bénéficie la compagnie Areva, qui exploite les sous-sols de la région d’Arlit, dans le nord du pays. Ces exonérations représentent de 22 à 30 millions d’euros par an. L’État français, qui est le principal actionnaire d’Areva, qualifie ces revendications de "légitimes".

 

Mais la compagnie française s’y refuse, invoquant le code minier communautaire de l’Umoa, l’Union monétaire Ouest Africaine, entré en vigueur en 2003 et garantissant une stabilité fiscale sur la durée des titres miniers. Or ce titre est valable pour Areva jusqu’en 2043.

 

L’uranium représente 70 % des exportations du Niger mais ne représente que 4 à 6 % dans le budget de l’État. Le pays figure dans le classement des pays les plus pauvres du monde.

 

La manifestation devant l'Assemblée nationale nigérienne. 

"Nous ne manifestons pas en soutien au gouvernement"

Abdellay Seydou est membre du Réseau des organisations pour la transparence et l'analyse budgétaire (Rotab). Il a participé à la manifestation qui a eu lieu devant l’Assemblée nationale.

 

Nous continuons à nous mobiliser même si nous n’obtenons pas d’autorisation pour le faire, car nous sommes coincés entre le marteau d’Areva et l’enclume de l’État.

 

Nous ne manifestons pas en soutien au gouvernement, mais nous appuyons ses exigences auprès d’Areva. Il faut effectivement que la compagnie française respecte le nouveau code minier de 2006, à l’instar des autres entreprises étrangères qui exploitent l’uranium. Areva ne doit pas être au-dessus des lois.

 

Mais ces exigences ne nous suffisent pas, car même si Areva verse plus d’argent au gouvernement nigérien, rien ne dit que nous, citoyens, nous en verrons la couleur. C’est pour cela que nous exigeons également aujourd’hui l’application de la Constitution, qui stipule que les revenus de ces ressources aillent en priorité au secteur de l’agriculture, de l’élevage, de la santé et de l’éducation et la création d’un fonds pour les générations futures. Ce fonds aurait pour but de stopper la course à l’endettement, en payant aujourd’hui les dettes du Niger au lieu de les transmettre à nos enfants. Il servirait aussi à protéger le pays des déchets toxiques qu’engendre l’exploitation de l’uranium. Mais ce projet n’a toujours pas vu le jour.

 

Par ailleurs, les ressources naturelles sont officiellement la propriété du peuple nigérien, or aujourd’hui, la compagnie Areva les exploite sans en avoir le droit [Les contrats miniers d’Areva ont expiré le 31 décembre et sont en attente d’être renouvelés. L’entreprise a toutefois repris son activité le 1er février]. L’État laisse faire cela, dans la plus grande opacité.

Les manifestants appelant au respect du Code minier de 2006.

 

Des manifestantes appelant à l'application des articles de la Constitution portant sur les ressources minières et naturelles.

 

Toutes les photos ont été prises par notre Observateur Assan Midal.

 

Cet article a été rédigé par Sarra Grira (@SarraGrira), journaliste à France 24.