IRAK

L’ouest irakien à feu et à sang après une opération anti-terroriste

 Le démantèlement d’un camp suspecté être un "repaire Al-Qaïda" a déclenché une série d’affrontements confessionnels à l’ouest de Bagdad, doublée d’une crise politique. Dans cette région à majorité sunnite, l’intervention militaire a été vécue comme une énième discrimination envers cette communauté et, selon notre Observateur, fait le jeu des terroristes.

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Un barrage sur la route de Falloujah. Capture d'écran issue de cette vidéo.

 

Le démantèlement d’un camp suspecté être un "repaire Al-Qaïda" a déclenché une série d’affrontements confessionnels à l’ouest de Bagdad, doublée d’une crise politique. Dans cette région à majorité sunnite, l’intervention a été vécue comme une énième discrimination envers cette communauté et, selon notre Observateur, fait le jeu des terroristes.

 

À l’origine, ce campement était un "sit-in" organisé par la population locale sunnite contre les nombreuses mesures anti-terroristes prises dernièrement par le gouvernement. Quelques jours avant le démantèlement du camp, des soldats irakiens étaient tombés dans un guet-apens à l’ouest de Bagdad dans lequel cinq officiers et dix soldats ont péri. Le Premier ministre avait alors promis qu’il réagirait en "frappant d'une main de fer les bandes de malfaiteurs".

 

Quelques jours plus tard, la police locale venait détruire les tentes du campement de protestataires sunnites qualifié de "repaire d'Al-Qaïda" par les autorités. La grande route, que le campement bloquait, a ainsi pu être rouverte. Selon la télévision publique nationale, cette opération faisait suite à un accord entre les forces de sécurité, des chefs religieux et des responsables tribaux.

 

Un barrage sur la route de Falloujah. Vidéo postée ici.

 

Sur cette même route qui part de Bagdad vers l’extrême-ouest du pays, frontalier de la Syrie, deux villes se sont soulevées pour dénoncer cette opération et l’arrestation d’un député sunnite qui s’était rendu plusieurs fois sur le campement. À Ramadi, à proximité du camp, les fidèles sunnites ont été appelés dans les mosquées à "aller faire la guerre sainte". Des hommes armés ont pris plusieurs artères de la ville et des tirs ont été échangés avec l’armée irakienne. Peu après, à Falloujah, ville située entre Bagdad et Ramadi, des hommes armés ont attaqué des patrouilles de l'armée déployées le long de la route. Mardi 31 décembre, trois hommes armés et un sniper de l’armée irakienne ont encore été tués, tandis que la veille dix personnes sont mortes dans des accrochages.

 

Photo postée sur la page Facebook d'un habitant de Falloujah.

"La zone est entrée dans un cercle vicieux qui renforce Al-Qaïda"

Ali Al-Mousawi travaille à Bagdad pour la chaîne irakienne Al Baghdadia.

 

Le pays est en guerre et les autorités mènent de nombreuses offensives contre les terroristes sunnites implantés dans la région. Dans ce cadre, il y a eu des abus comme des arrestations opérées sur de simples délations anonymes, des détentions et des fouilles de maisons sans motif, etc.

 

Des membres d’Al-Qaïda se sont peu à peu greffés à cette contestation, d’où le démantèlement du campement. Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que des groupes armés existent partout en Irak. Dans les villes chiites, il y a des groupes armés chiites et dans les villes sunnites, c’est Al-Qaïda. Mais comme ces derniers s’attaquent directement au gouvernement [dominé par les chiites] et aux civils, ils sont dans le collimateur des autorités.

 

C’est un cercle vicieux : étant donné qu’Al-Qaïda est présent dans la province d’Al-Anbar, l’armée irakienne y multiplie les opérations, provoquant chaque fois davantage la colère de la population. Et Al-Qaïda gagne en popularité. Ils sèment la division entre le pouvoir central et les notables locaux. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à instrumentaliser la population : les députés sunnites comme le gouvernement chiite utilisent ce conflit pour rafler des voix.

 

 

"Reprendre le contrôle de cette route permet aussi de renforcer la frontière avec la Syrie"

 

Un des autres objectifs de cette opération était de reprendre le contrôle de la route et d’essayer de renforcer la sécurité à la frontière avec la Syrie, qui est actuellement une véritable passoire. Les combattants d’Al-Qaïda vont et viennent d’un pays à l’autre.

 

De manière générale, les habitants de la région se rangent aux positions des chefs de tribu. Ceux-ci sont partagés : certains soutiennent l’action du gouvernement car ils ont été eux-mêmes victimes d’Al-Qaïda. D’autres au contraire soutiennent les terroristes car leurs fils combattent à leurs côtés, étant donné qu’ils sont contre les opérations militaires dans la région, ou tout simplement dans une logique confessionnelle.

 

En signe de protestation contre cette opération de démantèlement, 44 députés sur un parlement de 325 ont annoncé qu'ils souhaitaient démissionner. Ces derniers considèrent que le gouvernement, dominé par les chiites, abuse de la loi antiterroriste pour museler la contestation sunnite.  

 

D'après l'Onu, plus de 8 000 personnes ont  été tuées en Irak en 2013 dans des violences interconfessionnelles.