Pacifiquement ou armée, la population de Benghazi exige le départ d’Ansar al-Charia
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Le calme revient à Benghazi après un début de semaine sanglant, marqué par des affrontements entre les forces spéciales de l’armée libyenne et des membres du groupe islamiste armé Ansar al-Charia implanté dans la ville. Dans ce contexte, les habitants redoublent d’efforts pour soutenir les militaires dans leur lutte contre les djihadistes, que ce soit par les armes ou par la désobéissance civile.
Deux manifestants à Benghazi :"la désobéissance à Benghazi commence aujourd'hui 25-11-2013", "Oui à l'armée et aux institutions de l'Etat"
Le calme revient à Benghazi après un début de semaine sanglant, marqué par des affrontements entre les forces spéciales de l’armée libyenne et des membres du groupe islamiste armé Ansar al-Charia implanté dans la ville. Dans ce contexte, les habitants redoublent d’efforts pour soutenir les militaires dans leur lutte contre les djihadistes, que ce soit par les armes ou par la désobéissance civile.
Les combats ont éclaté dimanche soir après que l’armée a poursuivi un suspect dans un quartier de Benghazi contrôlé par le groupe islamiste armé et se sont poursuivis jusqu’à lundi matin. Les heurts ont fait neuf morts et une dizaine de blessés. Certains habitants de la ville, témoins de ces affrontements, n’ont pas hésité à prendre à leur tour les armes pour se battre aux côtés de l’armée.
Des civils armés combattant aux côtés de l'armée à Benghazi
Lundi soir une manifestation a été organisée pour dénoncer la présence d’Ansar al-Charia à Benghazi et soutenir les forces d’intervention spéciales "Le Tonnerre" en opération dans la ville. Des manifestants ont alors appelé à la désobéissance civile, en fermant la plupart des commerces et des administrations, estimant que le gouvernement central ne soutenait pas suffisamment l’armée dans sa lutte contre les djihadistes.
Des manifestantes à Benghazi :"Désobéissance civile", "Benghazi ne mourra pas".
Les éléments d’Ansar al-Charia avaient été chassés de Benghazi en septembre 2012, après l’assassinat de l’ambassadeur américain Christopher Stevens, dont ils sont accusés. Le groupe était toutefois de retour quelques semaines plus tard.
"Ansar al-charia a installé ses barrages dans la ville et contrôle des points d’entrée et de sortie"
Abdulmajeed Amrooni est un blogueur de Benghazi. Il participe à la plateforme Libyablog, un projet mené par les Observateurs de France 24 et l’Atelier des Médias de RFI.
Les reproches que formulent les habitants de Benghazi à l’égard du gouvernement sont fondées. De manière générale, l’armée libyenne régulière bénéficie de moins de moyens que les milices rebelles qui ont rejoint le ministère de la Défense. Par exemple, les salaires des miliciens, qui sont de l’ordre de 1000 dinars libyens [584 euros] représentent parfois le double du salaire d’un militaire de l’armée régulière. De même, ce sont aussi les miliciens qui profitent des nouvelles voitures, des nouvelles armes et des formations à l’étranger, et non l’armée. Or, nous savons tous que les milices utilisent les moyens de l’État pour servir leurs propres agendas et non pour défendre les habitants ou lutter contre le terrorisme.
Les fédéralistes de Benghazi [partisans d’une autonomie de la région Cyrénaïque, à l’est du pays, ndlr] soutiennent aussi l’appel à la désobéissance civile car les forces spéciales du Tonnerre sont basées dans la ville et ses éléments sont tous originaires de la région Est. Les fédéralistes estiment donc qu’à l’instar de Benghazi, ces derniers ont été lâchés par Tripoli.
"Tout le monde ici veut un retour à la sécurité"
Ce soutien sans faille à l’armée est dû au ras-le-bol ressenti par la population de Benghazi à l’égard d’Ansar al-Charia. Le groupe est revenu dans la ville à la fin de l’année 2012, en proposant d’abord de l’aide sociale. Mais petit à petit, ils ont installé leurs barrages et contrôlé des points d’entrée et de sortie de Benghazi. Quand ils arrêtent un conducteur, ils ne lui demandent pas son permis de conduire ou les papiers de sa voiture mais regardent ce qu’il a dans le coffre et vérifient que la femme qui l’accompagne est bien son épouse ou une parente. Ils ont aussi pris le contrôle d’une ancienne caserne militaire qu’ils ont transformée en quartier général et en prison. Ils font la loi dans la ville et arrêtent des gens pour vol, consommation de hashish ou d’alcool. Dans les mosquées, ils multiplient également les appels au meurtre des membres de la police ou de l’armée, en les qualifiant de suppôts du régime de Kadhafi. Si bien que dès qu’il y a un attentat dans la ville, tous les doigts accusateurs se tournent naturellement vers eux.
Après les affrontements de dimanche à lundi, le QG d’Ansar al-Charia ainsi que le siège de leur radio locale ont été brûlés. Les gens ne savent plus quels moyens employer pour lutter contre eux et les propositions divergent selon les appartenances idéologiques des uns et des autres. Mais s’il y a bien une chose qui met tout le monde d’accord, c’est le désir d’un retour à la sécurité.
Militaires et civils armés à Benghazi.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira (@SarraGrira), journaliste à France 24.