CENTRAFRIQUE

Pied de nez à l’insécurité, des écoles rouvrent en Centrafrique

 Huit mois après le début du conflit en Centrafrique, la plupart des écoles, pillées et saccagées, restent fermées à Bangui, la capitale centrafricaine et dans l'arrière-pays. Mais certaines localités de l’ouest refusent de tomber dans la psychose, et commencent à rouvrir. 

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Huit mois après le début du conflit en Centrafrique, la plupart des écoles restent fermées à Bangui, la capitale centrafricaine et dans l'arrière-pays, où de nombreux établissements ont été pillés et saccagés. Mais certaines localités de l’ouest refusent de tomber dans la psychose, et commencent à rouvrir. Un challenge de chaque instant dans un pays en proie aux violences communautaires.

 

Depuis le mois de mars, le pays est secoué par des violences qui opposent les éléments de l’ex-rébellion Séléka - composée majoritairement de musulmans et officiellement dissoute en septembre par le président Michel Djotodia - et la population centrafricaine majoritairement chrétienne. Jeudi, le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius a estimé que le pays est "au bord du génocide". La France, qui dispose déjà de 400 hommes sur place, prévoit de renforcer prochainement son contingent en Centrafrique.

 

Des enfants dans une cour d'école à Bozoum. Toutes les photos et vidéos ont été prises par Aurelio Gazzera.

 

Nos Observateurs s’accordent à dire que si la violence gangrène la capitale, le climat de tension existe partout. Les membres de la Séléka continuent de piller, torturer et rançonner la population. Pour pallier l’impuissance de l’État, des groupes de civils ont constitué des milices d’auto-défense, les anti-Balakas, qui n’hésitent plus à employer la violence contre les ex-rebelles.

 

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime à 395 000 le nombre de déplacés dans l’ensemble du pays depuis le début du conflit.

“Il est inconcevable d’empêcher ces enfants d’aller à l’école et de céder à la peur”

Jonas Nodjitouloum est le directeur des écoles publiques du district de Bozoum, une ville de l’ouest de la Centrafrique.

 

Nous avons rouvert huit écoles à Bozoum et en avons créé une nouvelle pour permettre à environ 500 enfants déplacés réfugiés dans la ville avec leur famille d’aller à l’école. Les élèves ont repris le chemin des classes la semaine dernière grâce à des donations des organisations à but caritatif dont Caritas aide humanitaire et une ONG tchèque. Nous avons reçu des fournitures, des tableaux, de la craie, des cahiers et même des uniformes.

 

Distribution de fournitures scolaires à des enfants déplacés pendant les combats autour de Bozoum.

 

Ça n’a pas été facile de ramener les enfants à l’école : nous avons vraiment dû communiquer avec les familles. Avec des professeurs volontaires et des parents d’élèves, nous avons fait le tour de la ville avec des mégaphones pour annoncer que l’école allait rouvrir, et nous avons parlé à tous les autres parents inquiets de laisser leurs enfants quitter la maison. La plupart disaient "on continue d’entendre des tirs !" et ils ont raison, car il y a des affrontements autour de Bozoum. On essaye de leur expliquer que ces combats ne toucheront pas les enfants, qu’ils sont autant en sécurité à l’école qu’à la maison. Ce qui a contribué à convaincre les parents, c’est que l’école offre des repas gratuits grâce aux donations. La situation économique est catastrophique et les récoltes ont été tellement mauvaises qu’un repas offert à un enfant est un argument décisif.

 

Les enfants de Bozoum avec les uniformes offerts par des associations caritatives.

 

Peu importe la situation actuelle, il faut que ces enfants retournent à l’école . L’éducation est un droit fondamental, c’est inconcevable de les empêcher d’aller étudier et de céder à la peur. Si on fait ça, quel sera leur avenir ?

 

“Être professeur, ce n’est pas juste un métier, mais une vocation ; les enfants ont plus que jamais besoin d’eux en ce moment

 

Nous avons également eu beaucoup de mal à convaincre les professeurs de retourner au travail. L’année dernière, la plupart n’ont pas été payés pendant des mois. La Centrafrique est un État fantôme qui ne sait plus gérer ses fonctionnaires. Alors, on rappelle à ces professeurs qu’ils font pas juste un métier, mais ont une vocation, et que les enfants ont plus que jamais besoin d’eux dans ces temps difficiles. Ils sont prêts à faire des sacrifices, mais on espère vraiment que l’État pourra les payer bientôt. Dans le cas contraire, je crains que beaucoup perdent leur motivation.

 

Les élèves doivent se serrer dans les rangées pour pouvoir assister à la classe.

 

 

Une autre grande difficulté que l’on rencontre concerne les enfants déplacés. Ils ont vécu des choses terribles, la plupart ont tout perdu en fuyant avec leur famille. Leurs maisons ont été brûlées ou pillées. Certains n’ont même plus de papiers d’identité. En classe, ils sont très difficiles à gérer, et on peut difficilement les mélanger avec les autres enfants. Ces enfants ont droit à des cours spéciaux, dans l’après midi, avec des professeurs recrutés spécifiquement pour les canaliser. Certains de ces professeurs viennent de très loin. S’ils ne reçoivent pas leur salaire, ils ne seront pas rembourser de leurs frais et devront rentrer chez eux.

 

 

Une soixantaine d’écoles a également ouvert leurs portes dans les régions de Bossemptele, Bohong et Herba grâce à des dons de l’Unicef Mais la plupart des écoles publiques du pays, y compris dans la capitale Bangui, sont toujours fermées. Les écoles privées catholiques, qui sont encore en mesure de rémunérer leurs enseignants, ont quant à elles rouvert début octobre.