Homophobie en Russie : un étudiant du Swaziland pris pour cible
La vidéo du calvaire de cet étudiant africain dure 33 minutes. Publiée début novembre par un groupe d’homophobes de la ville de Belgorod en Russie, on y voit le jeune homme frappé, déshabillé et obligé de mimer des scènes sexuelles devant la camera. Tombé dans un piège tendu par ses assaillants, l’étudiant a tenté de se plaindre auprès de son université… mais a été renvoyé.
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L'étudiant swazi est giflé à plusieurs reprises par un membre du groupe homophobe Occupy Belgorod. Capture d'écran d'une vidéo diffusée sur VKontakte.
La vidéo du calvaire de cet étudiant africain dure 33 minutes. Publiée début novembre par un groupe d’homophobes de la ville de Belgorod en Russie, on y voit le jeune homme frappé, déshabillé et obligé de mimer des scènes sexuelles devant la caméra. Tombé dans un piège tendu par ses assaillants, l’étudiant a tenté de se plaindre auprès de son université … mais a été renvoyé.
Déjà préoccupante, la situation des homosexuels en Russie s’est dégradée après que la Douma a voté, le 25 janvier, une loi punissant tout acte public constituant une "propagande de l’homosexualité". Le texte autorise même la police à arrêter tout étranger suspecté d’être homosexuel.
"Tout au long de la vidéo, ils entretiennent la confusion entre son homosexualité présumée et des accusations de pédophilie"
La vidéo a été publiée le 5 novembre sur VKontakte, le Facebook russe. Larry Poltatsev est un défenseur de la cause LGBT (communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transsexuelle) basé aux États-Unis.
Cette vidéo a été postée par un groupe qui se fait appeler "Occupy Belgorod", qui est en fait une branche du groupe anti-LGBT "Okkupaj Pedofilyaj" (qui pourrait se traduire "Occupy Pédophilie") [L’équipe des Observateurs de FRANCE 24 avait rencontré une membre du mouvement dans le cadre d’un précédent Ligne directe en Russie]. Belgorod est une petite ville à l’échelle de la Russie [300 000 habitants] dans le sud-ouest du pays à la frontière avec l’Ukraine. C’est une zone très reculée où le racisme et l’homophobie sont très implantés.
Le modus operandi utilisé est bien connu : ils demandent à un adolescent, mineur sexuellement [Depuis 2003, la majorité sexuelle en Russie est fixée à 16 ans. L’adolescent aurait ici 15 ans selon les membres du groupe] d’appeler la personne qu’ils disent homosexuelle, et de lui donner rendez-vous. Une fois la victime piégée, ils l’humilient et essaient de le "corriger". Dans ce cas précis, ils lui demandent s’il connaît la loi russe. Tout au long de la vidéo, ils entretiennent la confusion entre son homosexualité présumée et des accusations de pédophilie et y ajoutent des insultes racistes.
FRANCE 24 a décidé de ne pas diffuser l'intégralité de la vidéo. Ci-dessous, quelques captures d'écran montrant des scènes d'humiliation dont est victime l'étudiant swazi.
Un membre du groupe Occupy Belgorod rase la tête de l'étudiant avant de lui appliquer un vernis vert sur le haut du crane.
L'étudiant est obligé de mimer des scènes sexuelles en embrassant une pastèque. Il est également poussé à mimer une scène de fellation avec une bouteille de bière.
Sur sa page VKontakte, le groupe "Occupy Belgorod" explique que l’étudiant a finalement été "expulsé de l’université". Contacté par FRANCE 24, plusieurs militants d’association LGBT qui ont suivi l’affaire expliquent que l’étudiant s’est d’abord plaint à l’Université Shukhov de Technologie de Belgorod où il étudiait, puis à la police, avant de quitter subitement la Russie. D’après les médias du Swaziland, il serait actuellement rentré dans son pays.
"Il est de retour dans son pays d’origine, le Swaziland, qui est également très homophobe"
Coenraad Kukkuk est directeur en charge de l’Afrique et du Moyen-Orient pour l’organisation "Mr Gay World". Il vit à Pretoria en Afrique du sud.
Au départ, on pensait que c’était un étudiant sud-africain, parce qu’il explique dans la vidéo qu’il étudiait avant à Johannesburg. Les autorités sud-africaines se sont saisies de l’affaire et ont identifié qu’il s’agissait d’un ressortissant swazi. Or, le Swaziland est un tout petit pays qui n’a pas d’ambassade en Russie. C’est pour cela que c’est l’Afrique du Sud qui a assuré dans un premier temps la liaison diplomatique.
Selon l’université Shukhov de Belgorod que j’ai contactée, cet étudiant a été renvoyé parce qu’il "n’a pas réussi ses études" [Contacté par FRANCE 24, les responsables de l’Université Shukhov de Technologie de Belgorod affirment être au courant de l'affaire et expliquent qu'ils "communiqueront prochainement". Nous publierons leur version des faits quand celle ci nous parviendra]. Cette université propose des programmes d’échange qui doivent permettre aux étudiants étrangers d’apprendre le russe et il est extrêmement rare qu’un étudiant soit renvoyé pour ne pas avoir réussi. Pour moi, c’est la preuve qu’ils voulaient juste se débarrasser de lui. Aujourd’hui, ce jeune homme ne s’est toujours pas exprimé, il est stigmatisé comme homosexuel, et de retour dans son pays d’origine, le Swaziland, qui est également très homophobe.
Depuis le durcissement de la législation à l'encontre des homosexuels, plusieurs associations ou groupe de presse appellent à faire pression sur la Russie en boycottant les Jeux olympique d'hiver 2014 de Sotchi.
Après la diffusion de cette vidéo, Coenraad Kukkuk s'est associé à ce mouvement en écrivant une lettre au gouvernement sud africain, lui demandant à son tour de boycotter l'événement.
A la fin de la vidéo, l'étudiant swazi est obligé de chanter des chants patriotes russes et de faire le signe du mouvement Okkupaj Pedofilyaj, un pouce en l'air cassé.