Typhon aux Philippines: "On craint qu’une partie de l’aide soit détournée"
Le typhon Haiyan qui a frappé les Philippines vendredi 8 novembre est le plus violent jamais enregistré. On estime qu’il a fait plus de 12 000 morts et 14 milliards de dollars de dégâts. Trois jours après la catastrophe, l’aide gouvernementale peine à se mettre en place et de nombreux Philippins restent encore livrés à eux-mêmes.
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La ville de Palo, sur l'île de Leyte, a été touchée de plein fouet par le typhon. Capture d'écran d'une vidéo réalisée par Richard Dominic Dumas Navarro
Le typhon Haiyan qui a frappé les Philippines vendredi 8 novembre est le plus violent jamais enregistré. On estime qu’il a fait plus de 12 000 morts et 14 milliards de dollars de dégâts. Trois jours après la catastrophe, l’aide gouvernementale peine à se mettre en place et de nombreux Philippins restent encore livrés à eux-mêmes.
Villes entières rasées, rues jonchées de cadavres, scènes de pillage… Trois jours après le passage du typhon Haiyan, les régions les plus touchées du pays ressemblent à des paysages post-apocalyptiques. À Tacloban, sur l’île de Leyte, où les vents ont soufflé à plus de 350 km/h, des témoignages rapportés par Le Monde décrivent des vagues de plus de cinq mètres de hauteur qui ont anéanti les bâtiments avec la violence d’un tsunami. Depuis, la ville est livrée aux pilleurs qui dévalisent les commerces à la recherche de nourriture, mais aussi à des bandits qui profitent du désordre général pour faire main basse sur les produits d’électroménager. Une situation à laquelle le gouvernement a répondu en déployant l’armée.
Tacloban, sur l'île Leyte.
Pour les opérations de secours, c’est une autre histoire. Certes, l'aide internationale se met rapidement en place. L’armée américaine a dépêché ses Marines dans le pays, le Programme alimentaire mondial achemine 44 tonnes de biscuits énergétiques dans les zones dévastées, tandis que les appels aux dons se multiplient. Mais de larges zones restent inaccessibles. La faute aux voies de communication encore impraticables, obstruées par des débris en tout genre. Les humanitaires espèrent aujourd’hui une meilleure coordination que lors du tsunami de 2004. Se pose aussi le problème de la répartition des denrées et celui de la corruption, qui risque de compliquer l’aide.
"Les habitants se sont mis directement au travail, en dégageant les routes, en reconstruisant leurs maisons en bois"
Frère Marie-Etienne, prieur de la communauté Saint-Jean à Cebu.
Nous nous sommes rendus hier au nord de l’île de Cebu, dans la ville de Medellin, qui a été très touchée par le typhon. Il n’y a pas eu beaucoup de pertes humaines, ce sont surtout des dégâts matériels. 90% des bâtiments ont été détruits, il n’y a plus d’électricité et les habitants font face à un important manque d’eau et de nourriture.
Nous sommes donc partis avec des jeunes proches de la communauté. Nous étions une vingtaine. Nous avions avec nous de la nourriture, de l’eau, des médicaments que nous avions prévus au départ pour les victimes du séisme du mois dernier. Quand nous sommes arrivés à Medellin, la mairie nous a assigné deux quartiers très pauvres. Nous sommes allés de maison en maison pour distribuer les provisions.
J’ai été très impressionné par l’attitude des habitants. Ils ne se laissent pas abattre. Ils se sont mis directement au travail, en dégageant les routes, en reconstruisant leurs maisons en bois. Pour l’instant, ils comptent essentiellement sur eux-mêmes.
Dimanche matin, nous étions les premiers sur place pour aider. Puis nous avons vu des gens venir en camion, avec plus de nourriture que nous n’en avions. En repartant, nous sommes repassés par la mairie d’où l’aide s’organisait. Des fournitures y étaient rassemblées pour être ensuite redistribuées. Je pense qu’elles provenaient essentiellement de particuliers ou d’entreprises privées. À part les citernes du gouvernement qui venaient distribuer de l’eau, l’action gouvernementale n’était pas vraiment visible hier.
"Les milices NPA bloquent le pont pour rançonner les camions de secours"
Dominique Lemay dirige la fondation d’aide à l’enfance Virlanie, à Makati, dans la banlieue de Manille.
J’ai pu reprendre contact ce matin avec des familles que nous aidons à Tacloban, sur l’île de Leyte. Après le passage du typhon, l’une d’elles est partie à pied se réfugier plus au sud. Ils m’ont dit qu’ils marchaient comme des zombies au milieu de visions d’apocalypse : des morts, des petits commerces pillés par des habitants qui n’avaient plus rien à manger, des scènes de bagarre entre des gens qui se disputent le peu de provisions…
Vue aérienne de Tacloban.
Certains centres d’urgence sont mal organisés et ils se sont retrouvés complètement débordés. Les typhons aux Philippines sont quelque chose de normal, mais personne ne s’attendait à ce que celui-ci soit aussi fort.
Trois jours après la catastrophe, l’aide commence à se mettre en place. Les grandes chaînes de télévision philippines ont lancé des appels qui semblent avoir été entendus. Mais le gros problème maintenant est celui de l’acheminement. Il y a de larges zones sur les îles de Leyte et de Samar qui restent encore inaccessibles.
L’aéroport de Tacloban est totalement détruit, si bien que les camions doivent emprunter le pont qui relie Luçon [l’île où est située Manille, NDLR] à Samar. Mais d’après les médias, les milices NPA (Nouvelle armée populaire, en français) bloquent le pont pour rançonner les camions. [les rebelles communistes du NPA sont coutumiers des actions violentes. Le 23 octobre dernier, ils ont tendu une embuscade qui a coûté la vie à neuf militaires philippins, NDLR]
Le risque aussi, c’est qu’une partie de l’aide soit détournée pour être redistribuée dans d’autres circuits. Ces problèmes de corruption sont récurrents aux Philippines. On peut s’attendre à ce que des responsables de quartier ou des députés s’approprient une partie de l’aide pour la redistribuer eux-mêmes dans leurs circonscriptions, afin de s’accorder les faveurs de leurs électeurs.
Article écrit avec la collaboration de François-Damien Bourgery (@FDBourgery), journaliste à FRANCE 24.