Les opposants bahreïnis s’exposent… à la censure du régime
Publié le : Modifié le :
Des douilles de grenades lacrymogènes, des vêtements tachés de sang, des photos de personnes torturées : ce sont certaines des pièces qui étaient exposées au Musée de la révolution ouvert lundi par Al Wefaq, le principal parti d’opposition au régime sunnite du Bahreïn. L’exposition aura été éphémère : les forces de l’ordre sont intervenues dès mercredi pour confisquer les pièces et fermer les lieux.
La reconstitution d'un incident au cours duquel un opposant a été tué par la police bahreinie.
Des douilles de grenades lacrymogènes, des vêtements tachés de sang, des photos de personnes torturées : ce sont certaines des pièces qui étaient exposées au Musée de la révolution ouvert lundi par Al Wefaq, le principal parti d’opposition au régime sunnite du Bahreïn. L’exposition aura été éphémère : les forces de l’ordre sont intervenues dès mercredi pour confisquer les pièces et fermer les lieux.
Pour les organisateurs, l’idée était de constituer un musée retraçant l’histoire politique du Bahreïn, en mettant surtout l’accent sur le soulèvement qui a cours depuis février 2011 dans le vent des Printemps arabes. Les organisateurs disent notamment s’être inspirés du mémorial israélien de Yad Vashem en exposant les effets personnels de "martyrs" du mouvement.
Sur le compte Flickr d’Al Wefaq, on peut encore voir des images de certains éléments exposés.
Composition autour de la place de la Perle où a commencé le mouvement de protestation en 2011. Le Monument à la perle a depuis été démonté par le régime.
Photo d’un manifestant grièvement blessé, avec la mention "ne pas toucher".
Les effets personnels de Sajida, un bébé décédé après avoir inhalé du gaz lacrymogène au cours d’une manifestation en 2011.
Caméra du photographe Jaffar al Karrany qu’il avait avec lui lorsqu’il a été tué au cours d’une manifestation en mars 2011.
Reconstitution de la " Black Room", lieu où sont interrogées et torturées les personnes arrêtées pendant les manifestations.
Ces objets ont déplu au ministère de l’Intérieur qui y a vu du "matériel incitatif" et a ordonné mercredi la fermeture de l’exposition et la saisie des objets exposés. Plusieurs responsables du parti Al Wefaq ont également été arrêtés.
Depuis le 14 février 2011, le Bahreïn est le théâtre de manifestations menées par la large majorité chiite du pays, qui réclame des réformes démocratiques et s'estime lésée par la monarchie sunnite dirigée par le roi Hamed ben Issa al-Khalifa soutenu, notamment, par l’Arabie saoudite. Au moins 65 personnes ont trouvé la mort dans ces manifestations.
"Nous savions très bien que le régime n’allait pas apprécier mais nous ne pensions pas qu’il ferait fermer l’exposition"
Khalil est conseiller politique du parti Al Wefaq.
Le but de cette exposition était de montrer l’histoire politique du Bahreïn, et notamment d’évoquer le mouvement de protestation contre la monarchie qui a commencé en février 2011. Les œuvres et les pièces exposées sont tout simplement faites de ce qui a été ramassé dans la rue pendant et après les manifestations, mais également de reconstitutions de lieux importants, comme des maisons d’opposant ou des mosquées chiites détruites. Al Wefaq a collecté les objets auprès de toute personne qui était prête à les donner, c’est une exposition participative qui s’adressait à tous, citoyens, journalistes, activistes...
Nous savions très bien que le régime n’allait pas apprécier mais nous ne pensions pas qu’il ferait fermer l’exposition. Il n’y avait en soi rien de provocateur envers les autorités, nous nous sommes contentés d’exposer des faits qui sont clairs : la répression de manifestations pacifiques organisées dans le but de demander un dialogue [dans plusieurs manifestations, les opposants se sont violemment opposés aux forces de l’ordre, utilisant notamment des cocktails Molotov; NDLR]. Or, les seules réponses reçues sont des gaz lacrymogènes, des manifestants frappés, arrêtés, torturés, tués.
Par ailleurs, cette exposition n’était pas illégale : nous n’avions pas à demander de permission, puisqu’elle se tenait dans les bureaux d’Al Wefaq. Et en tout état de cause, c’était une forme d’expression pacifique. Notre exposition est pour nous le moyen le plus civilisé de montrer les violations des droits de l’Homme auxquelles se livre le régime. Ce qui s’est passé prouve qu’aucune expression n’est possible ici, le régime se sent visé par tout et n’importe quoi, c’est une forme de paranoïa.
"Cette exposition montre que la résistance au gouvernement peut être non- violente"
Mohammed al-Maskati est président du groupe de défense des droits de l’Homme BYSHR.
Je suis très déçu de voir que le gouvernement a mis fin à cette exposition. Beaucoup de gens ont visité l’exposition durant les quatre jours où elle était ouverte, c’était selon moi un vrai succès qui montre qu’il y a au sein des Bahreïnis un vrai intérêt dans le mouvement d’opposition au régime qui secoue le pays depuis 2011. Cette exposition était un autre moyen de mettre la pression sur le gouvernement, mais ça n’aura pas duré. Néanmoins, elle montre que la résistance au Bahreïn peut être non-violente, j’espère que ça inspirera d’autres opposants.