Des chaînes humaines pour protéger les églises des Taliban
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Ces deux dernières semaines, pendant les messes dominicales, des centaines de Pakistanais de toutes confessions se sont donnés la main autour d’églises à Karachi et à Lahore. Un geste de solidarité en direction de la minorité chrétienne, récemment prise pour cible par des groupes terroristes islamistes.
Devant l’église Saint Anthony de Lahore le 6 octobre. Photo : Mohammad Jibran Nasir.
Ces deux dernières semaines, pendant les messes dominicales, des centaines de Pakistanais de toutes confessions se sont donnés la main autour d’églises à Karachi et à Lahore. Un geste de solidarité envers la minorité chrétienne, récemment prise pour cible par des groupes terroristes islamistes.
Cette mobilisation est une réaction contre l’attaque, le 22 septembre, d’une église de Peshawar par un groupe lié au Mouvement des Taliban du Pakistan. L’attentat suicide a fait 81 blessés parmi les fidèles, un bilan sans précédent. Selon les assaillants, cette opération se voulait une réponse aux attaques de drones américains sur le sol pakistanais.
Les manifestants forment une chaîne humaine devant l’église Saint Anthony de Lahore le 6 octobre.
Mohammad Jibran Nasir, avocat sunnite de Karachi, est membre du collectif “Pakistan pour tous”, à l’origine des mobilisations.
"Nos frères et sœurs chrétiens ont le droit à un moment de paix dans leurs églises"
Nous avons pris exemple sur les chaînes humaines qui protègent parfois les coptes d’Égypte, pris pour cible dans de nombreuses attaques. Nos frères et sœurs chrétiens ont le droit à la paix dans leurs églises, et ne doivent pas se soucier de la sécurité quand ils prient. Notre message s’adresse aussi aux Taliban et au gouvernement. Aux premiers, nous exprimons notre profond désaccord, au gouvernement nous disons : "si vous ne prenez pas de véritables mesures pour protéger les lieux de culte, nous le ferons nous-même".
Les participants ne se sentaient pas tous en sécurité, mais le but était de montrer que nous étions prêts à prendre les risques, qui devraient être pris par les forces de l’ordre.
Il y avait beaucoup de musulmans, mais aussi des hindouistes et des athées. Et à la fin de la messe, les chrétiens nous ont rejoints. Puis des religieux musulmans, sunnites et chiites, ont fait des discours condamnant les violences.
Même si notre mouvement est non religieux, c’était important de faire participer des religieux musulmans, ne serait-ce que pour attirer l’attention, et qu’ils donnent leur vision de ce qu’est vraiment l’Islam.
Le mouvement, initié par notre Observateur,a déjà eu un impact concret. Il a reçu le soutien du groupe Pakistan Ulema Council, qui rassemble plusieurs milliers de religieux sunnites. Ce groupe a déjà demandé à ses membres, notamment dans les zone tribales, de parler du droit des minorités dans leur prêche de vendredi prochain, à l'approche de la fête de Aïd al-Adha.
Manifestants à Lahore. Photo : Mahommad Jibran Nasir.
En outre, ces rassemblements constituent un soutien symbolique important pour la communauté chrétienne du Pakistan, comme l’explique Naumana Suleman, qui travaille pour la Commission Nationale pour la Justice et la Paix. Il s'agit d'un organisme, qui défend notamment les droits des minorités religieuses. Chrétienne, Naumana a participé à la chaîne humaine de Lahore.
"On s’est souvenu qu’il y a des gens éclairés au Pakistan"
Je vais régulièrement à l’église, et après l’attentat de Peshawar, la communauté chrétienne était vraiment sous le choc. Mais le dimanche suivant, notre église n’avait pas désempli. C’était notre façon d’afficher notre détermination. Et voir que d’autres communautés religieuses nous soutiennent, c’est très encourageant, pas seulement pour nous d’ailleurs, mais pour toutes les minorités. On s’est souvenu qu’il y a des gens éclairés ici, et que la majorité refuse le terrorisme.
Le gouvernement doit combattre le terrorisme. En parallèle, l’effort doit être mis sur l’éducation des populations concernant les minorités. Il pourrait commencer par enlever des programmes scolaires les paragraphes, qui décrivent les minorités religieuses comme des ennemis du Pakistan ou par demander aux gens d’éviter les termes péjoratifs pour parler des chrétiens.
Ce n’est pas la première fois que la communauté chrétienne est prise pour cible par des intégristes, mais en général ses membres sont attaqués par des foules hostiles. Les attaques suicides sont fréquentes au Pakistan, mais touchent généralement la minorité chiite.
Les activités terroristes dans leur ensemble ont sensiblement augmenté dans le pays, selon l’organisme South Asia Terrorism Portal, qui annonce que 2500 civils ont été tués sur les neuf derniers mois. À ce rythme, l’année 2013 sera une année record.
Les chrétiens représentent 1.6 % de la population pakistanaise. Il s’agit de la deuxième minorité du pays après les hindouistes.
Billet écrit par Gaelle Faure (@gjfaure), journaliste à France 24.