ÉGYPTE

En images : policiers et civils main dans la main pour mater les Frères musulmans

 En pleine journée, des affrontements meurtriers ont éclaté dimanche entre partisans et opposants aux Frères musulmans. De sa fenêtre, notre Observateur a filmé des civils qui maltraitent un sympathisant présumé de la confrérie sous le regard impassible des policiers. Une collusion entre forces de l’ordre et manifestants qui a choqué notre Observateur.

Publicité

 

En pleine journée, des affrontements meurtriers ont éclaté, dimanche 6 octobre, entre partisans et opposants aux Frères musulmans. De sa fenêtre, notre Observateur a filmé des civils qui maltraitent un sympathisant présumé de la confrérie sous le regard impassible des policiers. Une collusion entre forces de l’ordre et manifestants qui a choqué notre Observateur. 

 

Les affrontements ont eu lieu en marge de célébrations qui devaient marquer la victoire de l'Égypte contre Israël lors de la guerre de 1973, au terme de laquelle l’Égypte a récupéré la péninsule du Sinaï. Dès samedi soir, des manifestants se sont rassemblés place Tahrir pour exprimer leur soutien aux autorités égyptiennes, et notamment au chef d’État major, le général Abdel Fattah al-Sisi, nouvel homme fort du pays depuis que l’armée a pris le pouvoir. Mais dimanche dans la journée, alors que des partisans des Frères musulmans tentaient de s’approcher de la place pour dénoncer le "coup d’État" militaire, des affrontements ont éclaté. Chaque camp se renvoie la responsabilité de cette journée de violences au cours de laquelle 51 civils sont morts. Le pouvoir, aux mains des militaires, avait mis en garde le mouvement des Frères musulmans, une organisation politique désormais interdite en Égypte, contre toute manifestation hostile à l'armée en cette journée anniversaire.

"La police continue de choisir un camp dans ces conflits, celui du pouvoir"

Wael Eskandar est un journaliste et blogueur habitant Le Caire.

 

Nous avons filmé ces images d’un appartement situé sur Tahrir Street [aussi connu sous le nom de Behouth Street]. Avant de commencer à filmer, nous avions vu des milliers de manifestants des Frères musulmans passer sur l’avenue en bas de chez nous en direction de la place Tahrir. Ils venaient de Sudan Street. Quand ils sont sortis de notre champ de vision, on a entendu des tirs et les pro-Morsi ont commencé à reculer. Sur leur passage, ils ont tout détruit. 

 

Sous nos yeux, ils ont saccagé une banque, des panneaux, des entrées d’immeuble. Un portier de l’avenue m’a raconté peu après que l’un d’entre eux était armé et avait tiré dans son hall. C’est après ça que nous avons vu un groupe d’anti-Morsi revenir. Ils venaient d’attraper un homme, très probablement un manifestant pro-Morsi. On voit très bien sur les images qu’ils le tiennent, l’encerclent et le battent à répétition [l’homme est torse nu, il est traîné, tenu par les cheveux. À partir de 1’00, les véhicules de police passent devant lui mais n’interviennent pas].

 

 

C’est à cet instant que deux véhicules de police blindés fendent la foule. Mais visiblement, ça ne leur pose aucun problème que les manifestants retiennent et frappent cet homme [à cet instant, la victime est entre les mains des manifestants juste devant eux]. Après de courts échanges avec des hommes de la foule, les policiers à bord du véhicule décident de poursuivre leur route. Je n’ai pas pu entendre ce qu’ils se disaient. Et je n’ai pas d’information sur ce qu’il est ensuite advenu de cet homme.

 

"Ça ne fait que renforcer la propagande des Frères musulmans"

 

Ce quartier est très proche de Bein el-Sarayat, une zone particulièrement hostile aux Frères musulmans, notamment depuis que plusieurs habitants y ont été tués en juillet dernier par des membres du mouvement. Dans la foule, il y a donc très probablement des habitants des environs venus en découdre. Mais il est aussi possible qu’il y ait des policiers en civil. Je n’ai pas de preuves mais c’est une stratégie très répandue ces derniers temps [la présence de policiers en civil et armés pourchassant les pro-Morsi aux côtés de résidents dimanche a été signalée par des journalistes de l’Agence France-Presse].

 

Ce système n’a rien de nouveau. La police se rangeait aux cotés des Frères musulmans pour combattre les opposants. La police continue de choisir un camp dans ces affrontements, celui du pouvoir. C’est stratégique, ils choisissent ouvertement de soutenir ceux qui assurent la continuité du corps policier, sa survie. Mais c’est un manque total de professionnalisme.

 

Je suis vivement opposé aux Frères musulmans, pour autant, cette façon de faire est déplorable. D’une part, les droits des Égyptiens ne sont pas respectés, d’autre part, ça ne fait qu’affaiblir le caractère démocratique de notre mouvement et renforcer la propagande des Frères musulmans. 

 

La scène a eu lieu au niveau du marqueur rouge.