Les "anti-machette" se soulèvent contre la Séléka
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Depuis début septembre, la région de Bossangoa, au nord-ouest de la Centrafrique, est en proie à de violents affrontements entre les forces gouvernementales issues de la Séléka, et un regroupement d’habitants qui a pris les armes. Surnommés les "anti-Balaka" (anti-machettes en sango), ils ont chassé les troupes loyalistes de plusieurs villages et seraient aux portes de Bossangoa une des principales villes du pays (environ 40 000 habitants) où sont retranchés les éléments de l’ancienne rébellion. Ces violences auraient fait des dizaines de morts et ont provoqué l’exode de nombreux habitants.
Des membres d'un groupe "anti-Balaka" à Zéré, le 14 septembre 2013. Photo : Hervé Cyriaique Séréfio.
Depuis début septembre, la région de Bossangoa, au nord-ouest de la Centrafrique, est en proie à de violents affrontements entre les forces gouvernementales issues de la Séléka, et un regroupement d’habitants qui a pris les armes. Surnommés les "anti-Balaka" (anti-machette en sango), ils ont chassé les troupes loyalistes de plusieurs villages et seraient aux portes de Bossangoa une des principales villes du pays (environ 40 000 habitants) où sont retranchés les éléments de l’ancienne rébellion. Ces violences auraient fait des dizaines de morts et ont provoqué l’exode de nombreux habitants.
Bossangoa est un des fiefs de l'ancien président François Bozizé, qui y possédait une résidence où il venait régulièrement en villégiature. Si bien que depuis leur prise de pouvoir par la force en mars 2013, les membres de la Séléka s’employaient à contrôler la zone.
Selon nos Observateurs sur place, ils y ont perpétré nombre d’exactions, dont des exécutions sommaires à l’encontre de chrétiens, les membres de la Séléka étant majoritairement de confession musulmane. Exaspérés par ces débordements, les "anti-Balaka" ont cherché à se venger, prenant le contrôle de la plupart des villages alentours, où ils auraient commis des bavures similaires mais à l’encontre des populations musulmanes. Toujours d’après nos Observateurs dans la région, ils encerclent actuellement Bossangoa, où sont retranchés les éléments de la Séléka.
Des milliers de personnes ont fui ou se sont réfugiées dans l’évêché (lien RFI) de Bossangoa. Plusieurs témoins et analystes craignent que les violences ne dégénèrent en conflit religieux. L’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga et plusieurs imams ont multiplié les appels au calme. Il était le week-end dernier à Zéré, village situé à 25 kilomètres au sud de Bossangoa, avec des soldats de la Fomac [Force d’Afrique centrale chargée du maintien de la paix en Centrafrique] pour venir à la rencontre des habitants en colère.
Des membres d'un gropupe "anti-Balaka" à Zéré, le 14 septembre 2013. Photo : Hervé Cyriaique Séréfio.
L’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga et des responsables religieux à Zéré.
Thierry, le chef des anti-Balaka de Zéré.
L’un de nos Observateurs était avec eux sur place, et a également rencontré des membres des groupes « anti-Balaka » dont il a pris plusieurs photos, postées sur son profil Facebook.
La région de Bossangoa est une région agricole où est notamment cultivé le coton. Depuis une dizaine d’années, ses terres verdoyantes attirent chaque été des éleveurs tchadiens, qui viennent y faire paître leurs troupeaux. Mais la cohabitation a souvent été difficile avec les paysans autochtones, qui pour défendre leurs terres se sont organisés en groupe d’autodéfense armés. Ce sont ces mêmes groupes qui se sont réactivés début septembre contre les troupes gouvernementales.
Au pouvoir depuis mars 2013, Michel Djotodia, ancien leader de la Seleka, a officiellement dissous sa milice le 14 septembre, dont les quelque 25 000 membres sont supposés intégrer l’armée centrafricaine. La majorité d’entre eux reste cependant incontrôlable.
"Les "anti-Balaka" n’ont pas d’entraînement militaire, mais ils sont organisés"
Hervé Cyriaque Séréfio est journaliste pour l’agence Diaspora. Il fait régulièrement des reportages en Centrafrique.
En revenant de Zéré le week-end dernier avec les troupes de la Fomac, nous sommes passés par une série de villages qui avaient été incendiés, et nous avons rencontré un groupe d’anti-Balaka.
Ce sont essentiellement des jeunes, entre 17 et 30 ans. Mais l’un deux n’avait sans doute pas plus de 14 ans. Ils sont issus des villages autour de Bossangoa. Ils sont armés de fusils artisanaux, qu’ils ont visiblement fabriqués eux-mêmes. Faute de réelles munitions, ils taillent eux-mêmes du plomb pour en faire des balles.
"Ils disent être unis par leur volonté de chasser la Séléka de la région"
D’après mes informations, ces hommes sont nombreux, environ 700, si ce n’est plus. Ils n’ont pas réellement d’entraînement militaire, mais ils sont organisés. Ils obéissent à des chefs, il y a une hiérarchie. Le fait qu’ils aient pris plusieurs villages montre qu’ils savent se battre, de même que l’attaque qu’ils ont menée sur Bossangoa en milieu de semaine. Leur chef m’a expliqué que certains souhaitaient le retour de François Bozizé, mais d’autres non, et qu’ils sont surtout unis par leur volonté de chasser la Séléka de la région.
Tous portent autour du coup des grigris qui sont censés les protéger contre les forces gouvernementales et leurs machettes. Il est très probable qu’ils cherchent à attaquer à nouveau la Seleka à Bossangoa.
"Je n’ai jamais vu autant de sang de ma vie"
Dieudonné (son nom a été changé) est chrétien, il vit et travaille à Bossongoa, qu’il a fui pour Bangui en début de semaine.
Depuis que les anti-Balaka se sont soulevés et ont commencé à combattre les éléments de la Séléka, on a peur de se faire tuer à n’importe quel moment. Il y a eu des combats entre les deux groupes, extrêmement violents, dans les villages alentours.
Les anti-Balaka ont décidé de se venger des exactions de la Séléka. Et ils ne se contentent pas de se battre conte les soldats, mais commettent des exactions similaires contre les musulmans pillant et incendiant les maisons. Et surtout, il y a eu des exécutions sommaires de musulmans. J’étais il y a quelques jours dans un des villages, je n’ai jamais vu autant de sang de ma vie.
Devant toute cette violence, j’ai décidé de partir, car j’ai peur d’être moi aussi victime de ces affrontements et que la Séléka s’en prenne aux chrétiens de Bossongoa. J’ai demandé au colonel de la Séléka en poste à Bossongoa une autorisation de quitter la ville, que j’ai obtenue, et je suis parti pour Bangui.
Cet article a été écrit en collaboration avec Corentin Bainier (@cbainier), journaliste à France 24.