Marée noire en Thaïlande : "On s’inquiète pour les touristes mais pas pour l’environnement !"

Des militaires et des habitants de l'île Koh Samet nettoient les dégâts de la marée noire. Photos et vidéos prises le 31 juillet, avec l'aimable autorisation de Pacharapapon.

Depuis lundi, plusieurs plages de la petite île touristique de Koh Samet en Thaïlande sont souillées de pétrole après la fuite d’un oléoduc. Tandis que les opérations de nettoyage sont toujours en cours, les habitants de l’île et les associations de défense de l’environnement s’inquiètent que l’on parle davantage du départ massif des touristes plutôt que des conséquences de ce désastre pour la faune et la flore.

L'île de Koh Samet est située dans le golfe de Thaïlande, à quelques kilomètres de la côte. Le point rouge indique la plage de Koh Samet la plus touchée par la marée noire. Avec Google Map.

C’est une brèche dans un oléoduc de la PTT Global Chemical, l’une des plus grosses compagnies pétrolières du pays, qui a causé la fuite de 50 000 litres de pétrole à vingt kilomètres de la côte dans le golfe de Thaïlande, samedi 27 juillet. Deux jours plus tard, le pétrole a atteint la plage d'Ao Phrao sur l’île de Koh Samet et son parc national aquatique. Depuis, plus de six cents personnes, dont des militaires et des villageois, tentent de nettoyer la zone polluée.

Les médias locaux et internationaux ont immédiatement annoncé une catastrophe pour le tourisme dans la région. Selon l’association touristique de Rayong, 30 % des visiteurs qui se trouvaient à Koh Samet ont quitté l’île précipitamment depuis samedi  Les tours opérateurs et les hôtels tentent, quand à eux, de minimiser l’étendue de la catastrophe et postent depuis dimanche des photos des plages non polluées pour inciter les touristes à ne pas annuler leurs vacances.

Photos postées sur la page Facebook du Tour Opérateur Koh-Samed pour montrer l'état des plages non touchées et rassurer les touristes.

Les associations écologistes locales s’inquiètent elles davantage pour l’environnement de l’île. Lundi, les militants de Greenpeace en Asie du Sud-Est ont demandé à la Thaïlande d’arrêter l’exploitation du pétrole dans le golfe de Thaïlande.

"La chaîne alimentaire marine va être bouleversée"

Tara Buakamsri est militant pour Greenpeace, chargé du programme en Asie du Sud-est.

Si on compare cette marée noire à d’autres qui ont eu lieu dans le passé, on peut dire qu’on est à une échelle de 5 sur 10 en termes de catastrophe écologique. Ce n’est donc pas l’une des pires marées noires de l’histoire, mais le problème, c’est que c’est la plus grave que la Thaïlande ait jamais connue [le ministère de l’Énergie parle quant à lui de la quatrième marée noire la plus grave de l’histoire du pays].

 

Les dégâts sont d’ores et déjà catastrophiques : les volontaires ont retrouvé de nombreuses pieuvres et des poissons morts sur la plage. On ne peut, à ce stade, évaluer complètement les conséquences sur la flore et la faune marines. Mais ce dont on est sûrs, c’est que des dégâts irréversibles sur les coraux sont à prévoir dans les prochaines décennies et que la chaîne alimentaire marine va être bouleversée.

 

 

Des espèces plus fragiles et rares, comme des hippocampes, vont très probablement disparaître. De plus, les produits chimiques utilisés pour disperser la marée noire sont dangereux pour les œufs et les planctons. L’utilisation même de ces produits, qui agissent rapidement, est le signe que le gouvernement a voulu privilégier le tourisme plutôt que de penser à long terme et trouver les meilleurs moyens d’intervention pour préserver l’environnement.

 

 

"Le fait que l’attention soit focalisée sur les touristes arrange la compagnie"

 

Par ailleurs, la compagnie PTT a annoncé que 80% des zones souillées avaient été nettoyées et qu’il ne faudrait que trois jours pour nettoyer le reste [jusqu’à mercredi soir]. Mais ils sont complètement déconnectés de la réalité. Il faudra au moins une semaine, peut-être deux, pour nettoyer uniquement la côte et la partie du parc aquatique qui a été touchée.

 

Le fait que l’attention soit focalisée sur les touristes arrange la compagnie, comme ça personne ne parle des conséquences sur la vie locale, et notamment celle des pêcheurs qui vont être très durement affectés par cette catastrophe [selon le directeur général du Ministère de la pêche Wimol Jantrarotai, le gouvernement thaïlandais indemnisera toute personne affectée].

 

La Thaïlande est l’un des pays d’Asie du Sud-est qui a la législation environnementale la plus solide sur le papier mais les lois ne sont pas réellement appliquées. Et le concept de protection des espaces naturels n’est pas véritablement rentré dans les mœurs.

Des internautes ont réalisé des photomontages des deux plages, avant et après.

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste aux Observateurs de FRANCE 24.