La vie d’une tatoueuse underground en Iran
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Le tatouage, pratique interdite par les autorités iraniennes, a longtemps été associé aux criminels dans la République islamique. Pourtant, cet art commence à séduire la jeune génération qui préfère désormais le nom occidental "tattoo" au nom traditionnel persan “khalkoobi”.
Tatouage de l'artiste iranien Kambiz.
Le tatouage, pratique interdite par les autorités iraniennes, a longtemps été associé aux criminels dans la République islamique. Pourtant, cet art commence à séduire la jeune génération qui préfère désormais le nom occidental "tattoo" au nom traditionnel persan “khalkoobi”.
Si rien n’indique dans les lois iraniennes que le tatouage est défendu, les autorités disent se référer à la charia (loi islamique) pour justifier cet interdit. Une interprétation stricte de l’Islam souvent invoquée quand il s’agit de contrer des modes jugées trop occidentales.
Les tatouages ont longtemps eu mauvaise réputation. Lorsque des criminels sont arrêtés et baladés sur la place publique – une pratique commune en Iran – il arrive que les policiers exhibent les tatouages des fautifs comme signe de leur culpabilité. Les athlètes tatoués préfèrent, quant à eux, dissimuler leurs tatouages sous des bandages lors des compétitions.
Contraints de travailler dans la clandestinité, les tatoueurs exercent principalement dans les arrière-boutiques des salons de beauté et de bronzage. Beaucoup ont d’ailleurs fait leur apprentissage à l’étranger, notamment aux Émirats arabes unis ou encore au Kurdistan irakien voisin.
Cette page Facebook a été fermée par les autorités qui ont posté le message suivant : "Sur demande de la justice, le propriétaire de cette page est recherché par la police".
"Pour les autorités, les tatouages sont trop occidentaux, mais les clients demandent des motifs iraniens !"
Sara est tatoueuse à Téhéran depuis plusieurs années.
J’ai été formée par un professionnel pendant près de six mois. Puis j’ai commencé à faire des dessins tout simples sous son contrôle et c’est seulement après quelques années que je me suis lancée comme indépendante. Maintenant les gens me demandent de les former. On est de plus en plus nombreux à faire ce métier.
Tatouage de l'artiste iranien Karmin.
Travailler comme tatoueuse n’est pourtant pas de tout repos. Impossible de trouver des machines décentes, tout doit être importé. Et puis, il faut trouver de l’encre. Personnellement, j’utilise des couleurs de haute qualité, donc je compte sur mes amis qui voyagent pour m’en ramener de l’étranger.
Tatouage de l'artiste iranien Karmin.
Les autorités sont contre cette forme d’art, de la même manière qu’elles s’opposent au port de la cravate pour les hommes , pour la seule raison qu’elles associent ces pratiques à une forme d’occidentalisation. Mais ce n’est pas fondé, beaucoup de clients nous demandent des tatouages typiquement iraniens, comme des images de Zarathoustra, de combattants de l’empire des Achéménides, des Faravahar [ange gardien dans la religion zoroastriste], de la calligraphie nastaliq ou encore des figures de Shâh Nâmeh, le Livre des rois.
Un symbole de Fahavar dessiné par l'artiste iranien Kambiz.
“Un policier est venu me voir en se faisant passer pour un client ”
Il y a sept mois, un policier est venu me voir en se faisant passer pour un client. Mais comme il a vu que j’étais voilée, il m’a dit qu’il ne me signalerait pas aux autorités. J’ai eu beaucoup de chance. Depuis, je trie mes clients sur le volet. Je peux me le permettre car le bouche-a-oreille fonctionne très bien.
La plupart de mes clients sont des hommes de classe moyenne ou supérieure. Les femmes le font moins, du moins avant le mariage. Beaucoup de mes amies ont peur que leur futur mari n’apprécie pas le tatouage.
Extrait d'un poème iranien. "Si l'Iran n'existe plus, je ne veux pas exister non plus."
Un symbole de Fahavar dessiné par l'artiste iranien Kambiz.
Tatouage de l'artiste iranien Karmin.