Que vous soyez en infraction ou pas, si vous vous faites contrôler par des policiers de la Compagnie de la circulation routière (CCR) à Bamako, il est probable que vous deviez donner un petit billet pour ne pas repartir à pied. C’est ce qui est arrivé à notre Observateur, qui a tout filmé.
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Des policiers interpellent des motards sur le carrefour le 14 juin. Photo prise par notre Observateur.
Que vous soyez en infraction ou pas, si vous vous faites contrôler par des policiers de la Compagnie de la circulation routière (CCR) à Bamako, il est probable que vous deviez donner un petit billet pour ne pas repartir à pied. C’est ce qui est arrivé à notre Observateur, qui a tout filmé.
En moyenne, un policier malien est payé 100 000 francs CFA, soit 150 euros par mois. Un salaire que les agents de la circulation chargés de surveiller le carrefour de Daoudabougou, à Bamako, ont choisi de compléter sur le dos des usagers de la route. Les habitants, blasés, qualifient ce racket de "tracasseries policières".
Le 14 juin, notre Observateur a filmé son interpellation. À la fin de la vidéo, on le voit donner 500 francs CFA à un agent de la CCR afin de récupérer son véhicule.
La CCR n’a pour l’heure pas réagi à ces images. Contacté par FRANCE 24, un policier du 4e arrondissement de Bamako, où se trouve le carrefour Daoudabougou, a expliqué ne pas être au courant de ces pratiques.
En 2012, le Mali a été classé au 105e rang sur 174 pays du classement consacré à la corruption de l’organisation Transparency International, soit au même niveau que le Mexique ou le Kosovo.
"Ils te disent : 'Si tu veux garder ta moto, il faut me gérer', sous-entendu donner de l’argent"
Moulaye Oumar Haidara est technicien en informatique à Bamako, au Mali.
J’ai été interpellé après avoir passé un feu rouge en moto sur le carrefour de Daoudabougou, le 14 juin. Visiblement, les policiers se postent là car la signalisation n’est pas claire. Je me suis donc arrêté au niveau des policiers, qui étaient quatre ou cinq. Leur technique, c’est de commencer par mettre la pression sur les contrevenants. Ils m’ont tout de suite dit que ma moto allait être envoyée à la fourrière et que je devrai payer 3 000 francs CFA [4,5 euros] pour la récupérer. Mais, rapidement, ils changent de discours et te disent : 'Si tu veux garder ta moto, il faut me gérer', sous-entendu que tu t’en sortiras si tu lui donnes quelque chose.
Des policiers interpellent des motards sur le carrefour le 14 juin. Photo prise par notre Observateur.
Comme j’allais simplement récupérer des médicaments pour les envoyer à ma mère dans le Nord, je n’avais quasiment rien sur moi. J’ai dû supplier l’agent pour qu’il accepte mes 500 francs CFA [70 centimes], sachant qu’autour de moi, les gens donnaient des billets de 1 000, voire 2 000 francs CFA [entre 1,5 et 3 euros]. Après un certain temps, il a finalement accepté et j’ai pu m’en aller. Et il n’y a aucune trace écrite, cela va sans dire.
"À la fin de la journée, ça fait un pécule non négligeable"
Comme tout monde accepte ce système, c’est quasiment impossible d’y échapper. En ma présence, ils ont dû arrêter au mois une vingtaine de motos. À la fin de la journée, ça fait un pécule non négligeable !
Et il n’y a évidemment pas que les motards. Ces derniers temps, si vous vous faites contrôler dans la rue et que vous n’avez pas de carte d’identité ou qu’elle a expiré, on peut vous demander 15 000 francs CFA [23 euros] pour vous laisser repartir.
La corruption policière n’est pas un phénomène nouveau au Mali, mais depuis le putsch, les hommes portant l’uniforme ne se cachent plus et se croient absolument tout permis [le 22 mars 2012, le capitaine Sanogo et ses hommes annonçaient avoir suspendu les institutions maliennes forçant le président Amadou Toumani Touré à quitter le pouvoir. Au terme d’une médiation internationale, c’est finalement Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale, qui a été nommé président de la République par intérim]. Il nous faudra élire un président fort pour reprendre en main nos forces de l’ordre. Un homme d’État, un vrai.