GUINÉE

Témoignages sur les exactions des forces de l'ordre à Conakry

 Depuis jeudi dernier, les scènes de pillage et de saccage se multiplient à Conakry, dans une ambiance préélectorale délétère. Plusieurs de nos contacts dans le quartier de Cosa, fief de l’opposition, affirment que des gendarmes ont participé à ces exactions.  

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Depuis jeudi dernier, les scènes de pillage et de saccage se multiplient à Conakry, dans une ambiance préélectorale délétère. Plusieurs de nos contacts dans le quartier de Cosa, fief de l’opposition, affirment que des gendarmes ont participé à ces exactions.

 

Depuis plusieurs semaines, les militants de l’opposition manifestent contre l’organisation des élections législatives qu’ils estiment faussées d’avance. Des rassemblements qui ont dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre depuis jeudi.

 

Quartier de Cosa, à Conakry. Photo : Nouhou Baldé (@nouhoubalde

 

Cosa est l’un des quartiers de la commune de Ratoma. Il est au cœur des violences car c’est le fief de l’opposition guinéenne. Des photos prises dimanche par le journaliste de "Guinée News", Nouhou Baldé, et publiées sur son compte Twitter montrent ce quartier dévasté : des voitures caillassées, des habitations et des commerces incendiés. La faute à des vandales, comme l’affirment les autorités ? D’après les habitants du quartier, des membres des forces de l’ordre se sont également joints aux pillages. Des témoins expliquent même que certains se sont attaqués à des habitants à coups de couteaux et même à balles réelles. Depuis jeudi, 15 personnes ont été tuées à Conakry, la majorité par armes à feu.

 

Quartier de Cosa, à Conakry. Photo : Nouhou Baldé (@nouhoubalde).

 

Contacté par FRANCE 24, le porte-parole du gouvernement guinéen, Damantang Albert Camara, ne nie pas que des exactions aient pu être commises par les forces de l’ordre. "Dans cette confusion, dans un contexte extrêmement difficile, il y a eu peut-être des choses incontrôlées. Nous ne pouvons pas nier les exactions commises par des membres des forces de l’ordre, mais nous ne pouvons pas non plus leur donner du crédit, à partir du moment où il n’y a pas d’indices permettant de mettre en cause telle ou telle unité. Une commission nationale d’enquête va être nommée pour faire la lumière sur ces événements", a-t-il déclaré.

 

Si vous voulez apporter des informations complémentaires sur ces incidents, écrivez-nous à : observers@france24.com

 

 

"L’incendie du marché peul n’a pu être déclenché que par les forces de l'ordre"

Habib Baldé habite le quartier de Cosa. Il était dans les rangs des jeunes de l’opposition qui manifestaient ces derniers jours.

 

Tout a commencé jeudi soir, après la manifestation. Dans la nuit, l’un des deux marchés de Cosa, le marché soussou, a été pillé. Des habitants ont vu des gendarmes être présents sans réagir [selon d’autres sources, des policiers auraient également participé à des pillages]. Alors nous, les jeunes du quartier, nous nous sommes organisés pour protéger l’autre marché, le marché peul. On a monté des barricades.

 

Samedi, les forces de l’ordre sont revenues en force et elles ont réussi à nous repousser dans le quartier. Peu après, un incendie s’est déclaré à l’intérieur du marché peul. Il n’y avait plus que les forces de l’ordre qui s’y trouvaient à ce moment-là. Le feu n’a donc pu être déclenché que par elles. Ça a provoqué un sursaut de la population. Tout le monde est venu pour essayer de l’éteindre, mais les gendarmes nous ont lancé des gaz lacrymogènes.

"Des gendarmes ont surgi avec des armes blanches en nous criant qu’ils allaient nous tuer"

Sidibé est ingénieur. Vendredi, son domicile a été attaqué par des pilleurs.

 

Ça s’est passé vendredi. J’étais resté chez moi avec mes frères parce qu’il y avait des manifestations. J’étais dans la cour de ma maison. À 11h du matin, on a entendu des jets de pierres sur le toit. On s’est réfugiés à l’intérieur.

Les loubards sont rentrés, ils ont tapé dans les murs et les fenêtres de la maison. Ils étaient une vingtaine. On a essayé de les repousser mais, à ce moment-là, des gendarmes sont sortis du poste de l’escadron 18 situé près de chez nous et nous ont tiré dessus et ont utilisé des gaz lacrymogènes. Je précise que c’est seulement sur nous qu’ils tiraient, pas sur les voyous. Alors on a fui. Les loubards sont rentrés chez moi et ils ont tout pris : la télévision, la nourriture, tout.

 

Le lendemain, ils sont revenus pour mettre le feu. Des gendarmes étaient avec eux. Ils nous ont empêchés de rentrer pour éteindre l’incendie. Avec mon frère, on a réussi à passer par un autre côté avec des seaux d’eau et là, des gendarmes ont surgi avec des armes blanches et nous criant : ‘On va vous tuer, on va vous tuer !’ Alors nous nous sommes échappés. Un peu plus tard, d’autres gendarmes ont appelé les pompiers pour éteindre l’incendie.

"J’ai entendu : 'Tirez, tirez !'"

Alpha Ousmane Diallo est lycéen.

 

Samedi, vers 15h, j’ai été prévenu par un ami que des gendarmes étaient en train de saccager la boutique d’alimentation de ma mère. J’y suis allé. Ils étaient une quinzaine avec des tee-shirts noirs et des pantalons d’uniforme. Quand j’ai essayé de m’interposer, ils ont tiré en l’air.

 

Je me suis retourné pour fuir en courant. J’ai entendu : ‘Tirez, tirez !’. Il y a eu deux coups de feu. Le deuxième tir m’a atteint à l’épaule. Je suis tombé. J’ai été secouru par des gens qui m’ont transporté à l’hôpital.

 

Vidéo sur laquelle on peut voir la blessure :