Festival de Cannes : un exploitant de salle du Périgord dans la jungle cannoise
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Malgré la pluie, le Festival de Cannes s’annonce encore cette année comme un moment magique. Steven Spielberg, Leonardo Di Caprio, Ryan Gosling, Eva Mendes, tous ont répondu présents. Au milieu de ces stars planétaires, simple anonyme dans ce grand raout cinématographique, le propriétaire d’un petit cinéma du sud-ouest de la France, raconte "son" Festival.
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Arnaud Vialle et son épouse Florence à la soirée "Gatsby".
Malgré la pluie, le Festival de Cannes s’annonce encore cette année comme un moment magique. Steven Spielberg, Leonardo Di Caprio, Ryan Gosling, Eva Mendes, tous ont répondu présents. Au milieu de ces stars planétaires, simple anonyme dans ce grand raout cinématographique, le propriétaire d’un petit cinéma du sud-ouest de la France, raconte "son" Festival.
Le Festival de Cannes fête cette année sa 66e édition. Chaque année pendant douze jours, la ville se transforme en capitale du cinéma et du glamour et vit au rythme des projections. Chaque année pendant douze jours, tout ce que le monde compte de célébrités se donne rendez-vous sur la Croisette et amène avec lui son flot d’admirateurs et de journalistes, faisant doubler, voire tripler, la population locale.
Mais pendant que Leonardo Di Caprio remonte le tapis rouge pour assister à la projection de "Gatsby" sous les flashs des photographes, alors que Sofia Coppola et Emma Watson viennent présenter "The Bling Ring" dans des robes somptueuses, que les stars éphémères de la télé-réalité se pressent dans des soirées flamboyantes, en coulisses, les acteurs de l’industrie cinématographique s’activent pour tisser leur réseau ou promouvoir des films ignorés par le grand public.
Car derrière les paillettes, au-delà du buzz médiatique, le Festival de Cannes est surtout l’occasion pour les professionnels du cinéma de se rencontrer et faire vivre leur métier, qu’ils soient producteur hollywoodien, starlette montante, jeune réalisateur ou, comme ici, exploitant d’un petit cinéma de province.
"Il n’y a pas que des stars à Cannes, il y a aussi des gens qui s’investissent énormément pour le cinéma et qui ne sont pas forcément récompensés"
Arnaud Vialle est propriétaire d’un cinéma à Sarlat, une petite ville de 10 000 habitants en plein cœur du Périgord Noir, dans le sud-ouest de la France. Chaque année depuis plus de seize ans il se rend au Festival de Cannes.
Je ne passe que sept jours à Cannes cette année. Je suis venu avec mon épouse. D’habitude, j’y reste dix ou douze jours. Le Festival de Cannes est l’occasion idéale pour faire des échanges professionnels, rencontrer des distributeurs et, surtout, voir plein de films. J’en ai vu neuf pour l’instant, notamment ceux de Guillaume Gallienne et de Valeria Golino, ainsi que "Jeune et jolie" de François Ozon, que j’ai beaucoup aimé.
Cannes est une ville qui respire le cinéma. Pendant dix jours, on vit cinéma. Les distributeurs y présentent les films qu’ils vont sortir pendant l’année. J’ai pu discuter avec des gens de Gaumont, je m’apprête à voir ceux d’EuropaCorp. Ça nous permet à nous, en tant qu’exploitants de salle, de préparer notre programmation. Dès que je rentre chez moi, je reprends mes notes sur tous les films que j’ai vus. Je commence à étudier les événements que je pourrais mettre en place en partenariat avec des associations… Dans le milieu rural, il faut chercher chaque spectateur chez lui pour l’amener au cinéma en ciblant les thèmes qui peuvent l’intéresser.
Entre les projections et les rencontres avec les distributeurs, les journées à Cannes sont très chargées. Elles commencent à 8h30 et se terminent parfois tard dans la nuit, en fonction de la fatigue et des opportunités pour aller en soirée. On n’est vraiment pas là pour se reposer !
"Entre exploitants, on s’échange les places et les bons plans"
Si je devais avoir un regret, ce serait sur la difficulté de voir des films. C’est compliqué d’obtenir un pass. On a un badge avec lequel on peut réserver des places, mais les horaires de réservation sont limités et il ne faut pas rater le coche. Les places les plus compliquées à obtenir sont celles pour les films en compétition officielle. Je pense que ce n’est pas le cas pour tout le monde, certains bénéficient de passe-droit. Il n’y a pas que des stars à Cannes, il y a aussi des gens qui s’investissent énormément pour le cinéma et qui ne sont pas forcément récompensés.
Alors, entre exploitants, on s’échange les places et les bons plans. Entre les anciens et les nouveaux venus, il y a une sorte d’initiation naturelle. On leur donne des codes, une méthodologie. On leur explique dans quels lieux aller, comment choisir une file d’attente plutôt qu’une autre, pour qu’ils passent un bon festival. Parce que quand on débarque à Cannes et qu’on ne connaît rien, on peut perdre deux jours à comprendre le fonctionnement. C’est la jungle, c’est un truc de dingue !
Participer aux soirées est également assez difficile. Il est rare qu’on ait une invitation par personne. Alors on y va à quatre avec trois invitations, ou même parfois à six avec une seule, et on tente, on fait le forcing. Une fois à l’intérieur, on est un peu spectateur. On se mêle rarement aux célébrités, qui restent généralement dans leur carré VIP, entourées de gardes du corps. On ne les aborde pas pour leur demander un autographe ou une photo, contrairement aux groupies qui ne se gênent pas pour le faire. Nous, on est respectueux. Le cinéma est un milieu très fermé et très codifié.
Mais il y a quand même des moments exceptionnels. Mercredi, à la soirée "Gatsby", on s’est retrouvés à danser avec Baz Luhrmann, le réalisateur. On a pu aussi échanger quelques mots avec Daniel Auteuil, qui s’est montré très disponible.
Florence Vialle, l'épouse d'Arnaud, pose avec l'acteur français Daniel Auteuil lors de la soirée "Gatsby".
Mon meilleur souvenir reste la soirée Marie-Antoinette en 2006 à laquelle participaient Francis Ford Coppola et Tim Burton. Je m’étais retrouvé par hasard à discuter avec eux. C’était féérique.
Article écrit avec la collaboration de François-Damien Bourgery, journaliste à FRANCE 24.