SÉNÉGAL

Makaila NGuebla, un blogueur dans la ligne de mire du Tchad

 Un de nos Observateurs, opposant tchadien en exil à Dakar, a été expulsé dans la nuit du 7 au 8 mai par les autorités sénégalaises. Actuellement à Conakry, en Guinée, il témoigne de sa vive inquiétude quant à une éventuelle extradition au Tchad et en appelle à la mobilisation pour la liberté d’expression.

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Un de nos Observateurs, opposant tchadien en exil à Dakar, a été expulsé dans la nuit du 7 au 8 mai par les autorités sénégalaises. Actuellement à Conakry, en Guinée, il témoigne de sa vive inquiétude quant à une éventuelle extradition au Tchad et en appelle à la mobilisation pour la liberté d’expression.

 

Fervent opposant au président tchadien Idriss Déby, Makaila était réfugié à Dakar depuis 2005. Malgré de multiples demandes, jamais le statut de réfugié ne lui a été donné par les autorités. Le blogueur a finalement été arrêté le 7 mai dans l'après-midi avant d’être présenté à la Division de la surveillance du territoire sénégalaise (DST), puis expulsé du pays par avion tard dans la soirée.

 

Sur son blog, Makaila n’a de cesse de dénoncer les dérives du pouvoir tchadien et n’hésite pas à appeler à la démission du président Déby. Il a collaboré avec le site des Observateurs en décembre 2012 dénonçant, vidéo à l’appui, le gaspillage de l’argent public lors du mariage d’un des fils du président. Cinq mois plus tard, il racontait, toujours sur notre site, l’histoire d’un Soudanais qui attend depuis trois ans, dans une tente à Dakar, le statut de réfugié politique. 

 

Affiche de soutien diffusée sur les réseaux sociaux par le Réseau des journalistes en ligne et des blogueurs sénégalais.

 

Injoignable pendant plusieurs jours, nous avons pu à nouveau parler avec Makaila NGuebla ce matin. Voici son témoignage :

 

 

Les autorités sénégalaises m’ont reproché une intervention récente dans les médias nationaux pour dénoncer des atteintes à la liberté d’expression. Ils ont réussi à accéder à ma boîte mail et m’ont posé des questions sur mes liens avec tels ou tels journalistes d’opposition tchadiens. En faisant référence à plusieurs de ces courriels, ils m’ont accusé d’essayer de soulever le peuple tchadien. Enfin, ils ont insisté sur le fait que j’avais envoyé des images à FRANCE 24.

 

Les autorités guinéennes n’étaient pas du tout au courant de mon arrivée. Je suis en situation irrégulière et donc sujet à toutes les manœuvres du pouvoir tchadien. Je ne suis plus en sécurité en Afrique car si le Tchad a réussi à faire pression sur le Sénégal, il essaiera de faire de même avec d’autres pays.

 

 

Quelques jours avant l’expulsion de Makaila, le ministre de la Justice tchadien Jean-Bernard Padaré, était en déplacement au Sénégal pour y rencontrer les autorités en vue du procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré. Plusieurs activistes soupçonnent les autorités sénégalaises d’avoir céder aux pressions du ministre.

 

Sur place à Conakry, des activistes et les organisations de la société civile guinéenne se mobilisent pour lui venir en aide. Contacté par FRANCE 24, un de ces blogueurs, qui a souhaité rester anonyme, affirme que Makaila n’est absolument pas en sécurité dans la capitale guinéenne.

 

L’organisation Reporters sans frontières a dénoncé "une vague d’arrestations sans précédent de journalistes et collaborateurs de médias orchestrée depuis quelques jours par les autorités tchadiennes" et s’est dite "révoltée par la décision des autorités sénégalaises de ne pas protéger Makaila Nguebla". Eric Topona et  Moussaye Avenir de la Tchiré, deux journalistes tchadiens de premier plan ont été arrêtés les 6 et 7 mai. Ils sont accusés de complot contre le président Déby

 

Le jour de son arrestation Makaila s’inquiétait dans un billet de blog de ces récentes arrestations affirmant que lui-même ne céderait pas devant la "persécution des opposants hors du Tchad."