JORDANIE

Sur fond de conflit tribal, une rixe étudiante dégénère en bain de sang

 Des accrochages meurtriers ont éclaté lundi sur le campus de l’université de Maan, dans le sud de la Jordanie. Sur place, notre Observateur s’inquiète de la multiplication des règlements de compte armés sur les campus du pays, des violences qui sont le plus souvent à caractère tribale.

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Photo postée sur la page Facebook AHU News

 

Des accrochages meurtriers ont éclaté lundi sur le campus de l’université de Maan, dans le sud de la Jordanie. Sur place, notre Observateur s’inquiète de la multiplication des règlements de compte armés sur les campus du pays, des violences qui sont le plus souvent à caractère tribale.

 

Quatre personnes ont été tuées et 25 autres blessées lors de heurts entre deux groupes d’étudiants. Ces derniers se sont affrontés avec des armes automatiques sur le campus de l’université Hussein Bin Talal à Maan, dans le sud de la Jordanie, a indiqué le ministre de l'Intérieur, Hussein Majali.

 

'La police a fait usage de gaz lacrymogène, arrêté 22 personnes et saisi quatre armes, dont deux armes automatiques", a détaillé le ministre. Il affirme par ailleurs qu’un ancien prisonnier aurait pris part aux violences. La police a mis en place un cordon de sécurité autour de l'université après avoir évacué les personnes présentes.

 

Vidéo publiée sur YouTube, mardi 30 avril,  par Abdelfattah Alrefai.

 

Les violences sur les campus jordaniens se sont multipliées ces dernières années. Un rapport publié par le mouvement réformiste Thabahtuna indique que pas moins de cinquante heurts ont éclaté sur l’année 2011 dans des universités jordaniennes.

 

La société jordanienne est en grande partie composée de réfugiés palestiniens et de tribus bédouines. Les tribus, qui sont plus d’une centaine, représentent près de 40% de la population.

 

Vidéo publiée sur YouTube, mardi 30 avril, par Mohammed Ali.

"À l’université, j’ai désormais peur pour ma vie"

Ali H est étudiant à l’université Hussein Bin Talal de Maan.

  

Ce jour-là, une journée portes ouvertes avait été organisée pour fêter l’anniversaire de l’université. Plusieurs activités y étaient prévues : concerts, concours de poésie, dessins, etc. Tout s’est emballé quand un jeune étudiant est venu se réfugier auprès des membres du clan al-Houaytet [tribu originaire du sud du pays venue participer à l’événement, NDLR]. Ce jeune, qui est originaire d’une autre ville, a demandé protection aux gens de cette tribu. Il fuyait une bande de jeunes originaires de la ville de Maan qui l’accusaient d’avoir frappé l’un d’entre eux. Les al-Houaytet, avec leur pointilleux sens de l’honneur, ont bien évidemment refusé de livrer le jeune. Et c’est de là que tout est parti.

 

Photo postée sur la page Facebook AHU News.

C’était vers 15 heures. Je ne peux pas vous dire qui a commencé. Mais les deux camps se sont affrontés à coups de pierres puis les premiers tirs d’armes à feu ont retenti. Les heurts se sont poursuivis plus d’une heure avant que la police intervienne. Un étudiant et mon professeur Mahmoud al-Baouab sont décédés après avoir été touchés par des balles perdues.

 

Les gens de la tribu al-Houaytet étaient très en colère car ils ont aussi perdu deux des leurs. Ils ont brûlé des pneus et coupé la route principale [dite la route sahraouie, NDLR] et même vérifié les pièces d’identité des passants. Ils semblaient avoir une idée précise des gens qu’ils cherchaient.

 

Photo postée sur la page Facebook AHU News.

 

C’est la première fois qu’un tel drame se produit ici. Toutefois, les conflits intertribaux sont malheureusement courants dans nos universités. Des accrochages ont notamment lieu en période d’élection des comités d’étudiants car chaque tribu veut que son clan soit élu. Le pire, c’est que les armes à feu - pistolets et armes automatiques - circulent beaucoup parmi les tribus, bien souvent sans autorisation, et l’État semble incapable de maîtriser ce phénomène.

 

L’université a fermé ses portes jusqu’à dimanche prochain. Je ne suis pas pressé d’y retourner car j’ai désormais peur pour ma vie et je suis encore secoué par la mort de mon professeur qui avait deux enfants et était très apprécié parmi les étudiants.