FRANCE

"Bande de cochons !" : des Réunionnais s’insurgent contre ceux qui polluent leur île

 Plages de sable blanc, palmiers, cascades, montagnes verdoyantes… et tout plein d’ordures. L’île de la Réunion a un problème de déchets, que l’on peut voir en détail sur le site Band Cochon (en France métropolitaine, on dirait "Bande de cochons").

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Des déchets sur une plage à la Réunion. Photo via "Band Cochon". 

 

 

Plages de sable blanc, palmiers, cascades, montagnes verdoyantes… et tout plein d’ordures. L’île de La Réunion a un problème de déchets, que l’on peut voir en détail sur le site Band Cochon (en métropole, on dirait "bande de cochons").

 

Ce site, créé par deux citoyens engagés, a pour but de combattre le problème en incitant les habitants de l’île à recenser les dépôts sauvages. Depuis son lancement il y a un an et demi, plus de 7 500 photos de ces dépôts ont été publiées sur le site. Elles montrent toutes sortes de déchets : des vieux matelas, des pneus, des téléviseurs cassés ou encore des batteries de voitures… L’emplacement de chaque décharge sauvage y est indiqué ; certains sites sont par la suite marqués comme ayant été nettoyés par les autorités locales. Le site attribue également un classement des communes les plus polluées de l’île, ainsi que celles qui ont fait le plus d’efforts pour s’assainir.

 

Vidéo par "Band Cochon". 

 

Ils ont beaucoup fait parler d’eux à La Réunion et ont même créé des émules en Martinique, mais les deux personnes qui ont lancé le site – qui se font appeler Princesse Fraise et Prince Cuberdon – tiennent à conserver l'anonymat.

 

Photo via "Band Cochon". 

"Nous étions effarés de voir tous ces déchets au milieu d’un si joli paysage"

Princesse Fraise a créé avec Prince Cuberdon le site Band Cochon.

 

Un jour, lors d’un balade, nous somme tombés sur un pare-choc de voiture abandonné sur une plage déserte. Nous l’avons pris en photo sans savoir pourquoi. Puis, en continuant notre chemin, nous avons remarqué des sacs plastique et des restes de repas. Nous avons repris des photos. Un homme qui passait par là nous a demandé pourquoi on photographiait des déchets. Nous lui avons dit que nous étions effarés de voir tous ces déchets au milieu d’un si joli paysage. En discutant avec lui, nous est venue l’idée de poster des photos sur Internet et de les géolocaliser pour sensibiliser le public et les autorités. De retour chez nous, nous avons monté le site. Depuis, nous n’avons pas arrêté.

 

Le problème des déchets ne date pas d’hier. Dans les années 1950 et 1960, il n’y avait pas de structures sur l’île pour jeter les déchets et donc tout le monde les jetait dehors, dans les ravins ou au bord des chemins. À l’époque, ça ne posait pas de problème, puisqu’il s’agissait principalement de déchets organiques. Mais les années passant, avec les nouveaux arrivants [la population de La Réunion s’accroît chaque année depuis 1999 de 1,4%], de nouvelles habitudes de consommation se sont installées et les produits non biodégradables se sont accumulés. Le pli était pris, quand quelque chose ne fonctionne plus, on le jette dehors.

 

Batteries de voiture. Photo via Band Cochon.

 

"Certains vont même jusqu’à dire que lorsqu’ils jettent des détritus par terre, ils créent un emploi !"

 

À la fin des années 1980, des centres d’enfouissement de déchets ont été construits, mais ils se sont vite avérés insuffisants. Dans les années 1990, l’État a poussé à la construction d’incinérateurs sous l’île, mais en 2002, le plan a été abandonné sous la pression des groupes politiques qui brandissaient la dangerosité de fumées s’échappant de ces usines. En 2008, huit maires ont été convoqués par la justice car leurs communes étaient en retard en matière d’assainissement [seulement trois communes de l’île étaient aux normes]. L’Europe a fixé l’échéance de 2015 pour remédier à cette situation. Nous sommes en 2013… et il y a encore beaucoup de boulot.

 

Le département de La Réunion a certes lancé des campagnes de sensibilisation pour tenter de transformer les Réunionnais en "éco-citoyensé - via des spots télévisés, des activités dans les écoles, des dépliants, etc. – mais tout ceci coûte beaucoup d’argent et n’est pas bien efficace, puisque les sanctions ne suivent pas. La Réunion fait partie de la France, et la loi française prévoit bien sur des amendes très sévères [jusqu’à 1 500 euros] pour les dépôts sauvages. Mais on ne donne quasiment jamais d’amendes ici.

 

Photo via Band Cochon

 

"Nous avons eu des gros problèmes de saturnisme parce que les gens jetaient des batteries en marge des terres où ils cultivaient leurs légumes"

 

Beaucoup de Réunionnais ne comprennent pas pourquoi il faudrait faire un effort puisqu’ils paient des impôts et des taxes et les ordures. Clairement, la population n’a conscience que ceci peut nuire non seulement à la santé de leur environnement mais à leur propre santé. Nous avons récupéré plus de 1 500 batteries usées, alors que nous avons eu de gros problèmes de saturnisme dans la ville du Port parce que les gens jetaient des vieilles batteries partout… Nous avons aussi recensé plus de 6 100 pneus, qui, eux, peuvent contenir des restes de pluies et participer à la prolifération des moustiques, responsables de la dengue et du chikungunya.