Le coup de gueule d’un Observateur : "en Thaïlande, la police détrousse les motards"
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"Selon la loi, toutes ces motos sont en infraction". Photo prise par notre Observateur à Bangkok.
"Comment un pays qui compte 11 000 motocyclistes tués sur ses routes chaque année peut encourager les gens à conduire dangereusement ?" C’est un courriel de ras-le-bol que nous a envoyé l'un de nos Observateurs vivant à Bangkok, en Thaïlande. Il raconte une situation ubuesque où un conducteur peut être pénalisé… pour avoir évité un danger. Et devoir payer un pot-de-vin pour se sortir de l’embarras.
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"Comment un pays qui compte 11 000 motocyclistes tués sur ses routes chaque année peut encourager les gens à conduire dangereusement ?" C’est un courriel de ras-le-bol que nous a envoyé l'un de nos Observateurs vivant à Bangkok, en Thaïlande. Il raconte une situation ubuesque où un conducteur peut être pénalisé… pour avoir évité un danger. Et devoir payer un pot-de-vin pour se sortir de l’embarras.
Plus de 11 000 conducteurs ou passagers de deux roues trouvent la mort chaque année sur les routes thaïlandaises. À titre de comparaison, il y en a eu 952 en France en 2010 (4 120 en comptant les conducteurs de voitures). Principale cause de ce chiffre alarmant, l’absence de casque. Un problème que le gouvernement thaïlandais tente de prendre à bras-le-corps. Il a fait de 2010 l’année du port du casque obligatoire.
Mais selon nos Observateurs en Thaïlande, les règles imposées par le code de la route sont rarement respectées. Pire, certaines auraient même tendance à accroître le danger. Ainsi, à Bangkok, la capitale du pays, les conducteurs de deux roues sont contraints de rouler sur la voie la plus à gauche qui, comme l’explique notre Observateur, est le couloir le plus dangereux.
"La police oblige les deux roues à ne rouler qu'à gauche parce qu’elle sait que ce n’est pas possible"
Martin Lee est britannique. Il enseigne l’anglais à Bangkok, où il vit depuis trois ans. L’année dernière, il a même écrit aux Nations unies pour dénoncer la corruption policière qui est, selon lui, l’une des causes de la mortalité routière en Thaïlande.
Comment la police peut-elle forcer les deux roues à conduire uniquement sur le couloir de gauche alors que c’est dangereux ? Les bus s’arrêtent, les voitures bifurquent sans regarder et sans mettre leur clignotant. Le seul endroit où on est en sécurité, c’est sur la file du milieu ou celle de droite. Dans tous les pays où on roule à gauche, la règle est : roulez à gauche, dépassez par la droite. En Thaïlande, si un deux roues s’avise de sortir du couloir de gauche, même si c’est pour éviter un obstacle, les policiers l’arrêtent et l’obligent à payer un pot-de-vin pour le laisser partir. La police oblige les deux roues à rouler exclusivement à gauche parce qu’elle sait que ce n’est pas possible, que c’est dangereux, et elle leur extorque de l’argent quand ils ne le font pas.
"Une situation habituelle à Bangkok. Comment les motocyclistes peuvent-ils passer ?" s'interroge notre Observateur sur cette photo qu'il a prise.
Aujourd’hui encore, j’ai été arrêté deux fois pour avoir légèrement dépassé du couloir de gauche. J’ai dû payer une amende et ils m’ont pris mon permis. La nuit dernière, j’ai été arrêté une fois et ils m’ont demandé de leur verser un pot-de-vin.
En 2011, les Nations unies ont lancé la 'Décennie pour la sécurité routière'. L’année dernière, je leur ai écrit pour leur dire qu’ils pourraient ajouter la corruption à leur liste des raisons pour lesquelles les gens meurent sur la route (vitesse, manque d’équipements de protection, mauvais état des route, etc.).
"La corruption est un sport national en Thaïlande"
Frédéric est belge. Il est moniteur de plongée à Phuket, où il vit depuis trois ans. Il confirme que les agents de police chargés de la circulation sont corrompus.
Quand on conduit à moto à Phuket, il faut avoir des yeux partout. Parce que la conduite ici, c’est du grand n’importe quoi. On roule à droite, à gauche, au milieu. Il n’y a pas de limitation de vitesse et personne ne respecte la signalisation.
Le port du casque est obligatoire, mais personne n’en porte. Or, la police installe régulièrement des barrages sur les routes, exclusivement dans les zones touristiques parce que les touristes sont des proies faciles. Ils les arrêtent sous un prétexte quelconque – l’absence de casque ou un défaut d’assurance – et ils les verbalisent. Comme les policiers ne parlent pas anglais, il est impossible de s’expliquer. Ils demandent alors 400 ou 500 bahts (10,5 ou 13 euros), ça dépend, qu’ils mettent dans leurs poches. Pour les touristes, ce n’est pas une grosse somme, si bien qu’ils paient sans poser de question. C’est normal de verbaliser quelqu’un qui ne respecte pas les règles. Sauf qu’en Thaïlande, l’argent ne va pas dans la poche de l’État mais dans celle du policier. C'est un sport national [l'ONG Transparency International classe la Thaïlande à la 88e place des pays les plus corrompus].