GABON

Rien n’apaise la colère des étudiants de l'Université Omar-Bongo

 Depuis plus d’un an, une partie des étudiants de l’Université Omar-Bongo (UOB) est en grève pour dénoncer le non-paiement de leurs bourses et des conditions de travail inacceptables. Les autorités gabonaises faisant la sourde oreille à leurs revendications, ces jeunes grévistes radicalisent leur mouvement. Quitte à en découdre avec la police.  

Publicité

Les étudiants répondent aux forces de l'ordre par des fumigènes. Photos publiées entre le 26 février et le 4 mars sur le compte Facebook de Ballack Obame.

 

Depuis plus d’un an, une partie des étudiants de l’Université Omar Bongo (UOB) est en grève pour dénoncer le non paiement de leurs bourses et des conditions d’étude inacceptables. Les autorités faisant la sourde oreille à leurs revendications, ces jeunes grévistes se radicalisent et commencent à en découdre avec la police.

 

Tous les lundis depuis le milieu du mois de février, les étudiants se donnent rendez-vous dans leur campus pour tenter de faire entendre leurs revendications. Au départ, c’est le paiement des bourses d’études et l'annulation du critère de l’âge pour leur attribution, fixé à 25 ans, que ces derniers revendiquaient. Mais depuis octobre dernier, de nouvelles demandes concernant le logement des étudiants, les transports et la vie universitaire en général se sont ajoutées aux revendications initiales. Lors de leurs rassemblements, les étudiants barricadent désormais l’entrée de leur université, bloquent les routes de Libreville en mettant le feu à des pneus et usent de fumigènes pour faire face aux forces de l’ordre.

 

 

En janvier, la grogne s’est propagée aux enseignants de l’université qui se sont eux-aussi mis en grève, pour réclamer le paiement de primes promises l’an dernier. La plupart des cours de l’université sont donc actuellement interrompus.

 

Tous les lundis, les étudiants de l'Université Omar-Bongo bloquent l'entrée de leur établissement en guise de protestation.

 

"C’est la présence policière permanente qui nous encourage à poursuivre le mouvement"

Edvine Ballack Obama, 22 ans, est étudiant à l’Université Omar-Bongo. Il participe depuis janvier au mouvement étudiant.

 

 

Lundi [4 mars], nous étions 200 étudiants à nous rassembler. Nous n’étions pas nombreux parce que la plupart des étudiants ne mettent plus les pieds à l’UOB à cause de la grève des professeurs. Ça fait deux mois qu’il n’y a pratiquement aucun cours !

 

C’est la présence policière permanente qui nous encourage à poursuivre le mouvement . Ce matin, il y a six camions de gendarmes qui sont venus nous encadrer, ils nous ont dit qu’ils avaient l’ordre de nous empêcher de manifester. La plupart du temps, il n’y a pas de heurts, mais nous sommes encore marqués par l'épisode de juin dernier où nous avions été enfermés dans un cachot.

 

Les étudiants dénoncent une présence policière permanente lors de leurs rassemblements.

 

"Louer une chambre nous coûte la moitié de nos bourses"

 

Nos revendications principales n’ont pas été satisfaites : nos bourses ont à peine été augmentées de 17 000 francs CFA [26 euros]. Que voulez vous faire avec 83 000 francs CFA par mois de bourse [128 euros] ? Louer une chambre nous coûte déjà la moitié de cette somme ! Seulement une infime partie des étudiants de l’UOB ont accès à une chambre universitaire. Enfin beaucoup d’entre nous doivent payer très cher leur transport car ils habitent encore chez leurs parents et viennent de loin. Et puis notre université est sale, il n'y a pas de routes et de la boue partout.

 

Les étudiants se plaignent de l'état de leur université et notamment des chemins boueux. Vidéo publiée par Jerry Bilbang.

 

"On s’est vraiment dit qu’ils se foutaient de nous lorsqu’ils ont organisé un carnaval international à Libreville"

 

On dénonce aussi les 'éléphants blancs', c'est-à-dire des chantiers qui coûtent très cher mais dont on doute de l’utilité. Un pavillon de l’université a été rénové, il est terminé depuis plusieurs mois, mais en ce moment, il est fermé et aucun étudiant n’y est logé ! Notre bibliothèque est aussi désespérément vide et nous n’avons accès à aucun ouvrage récent pour travailler correctement.

 

Nous ne sommes pas malhonnêtes, on reconnaît que l’université fait des efforts : des murs des salles de cours ont été repeints, la climatisation a été installée et un restaurant universitaire vient d’ouvrir ses portes. Mais on a le sentiment qu’il y a un problème dans les priorités du gouvernement. Quand on voit que ce dernier organise un carnaval à Libreville qui aurait coûté 120 millions de francs CFA [183 000 euros], on se dit qu’ils se foutent de nous.

 

"C’est un problème plus général et ancien du sytème éducatif gabonais"

Marc Ona Essangui travaille dans une ONG locale.

 

 

J’ai étudié à l’université UOB dans les années 1990, et je peux vous dire que les problèmes étaient déjà les mêmes : le manque de place pour se loger sur le campus, le coût de la vie étudiante et les problèmes de transports.

 

Ces manifestations ne sont pas isolées : l’université des sciences et des techniques de Masuku, à Franceville, dans le sud-ouest du pays, est également en grève depuis le mois de février [ces derniers dénoncent les conditions de sécurité dans la ville après la mort d’un de leur camarade]. C’est un problème plus général et ancien d’un système éducatif qui peine à se réformer en profondeur.

 

Les étudiants bloquent les routes avec des conteneurs à poubelle pour faire connaître leurs revendications.

 

Droit de réponse de l’université

Gabriel Zomo Yebe, doyen de la faculté de sciences économiques de l’Université Omar-Bongo.

 

On ne s’oppose pas aux mouvements de grève des étudiants et on comprend leurs revendications. Mais on subit ces manifestations qui perturbent le déroulement d’une année déjà difficile. La présence policière permanente s’explique par le fait que des personnes mal intentionnées pourraient se joindre aux étudiants pour mettre la pagaille, il faut donc être vigilant. Le gouvernement semble bien conscient de tous ces problèmes, et a notamment créé l’Agence nationale des bourses pour y remédier. Derrière ces manifestations, je vois un problème plus profond qui est celui de l’emploi et de la peur du chômage à la sortie de l’université [le taux de chômage des jeunes au Gabon était de 30 % en 2011].