La Chine en guerre contre les paraboles télé des Tibétains : "C’est pour museler la contestation"
Les autorités de la province de Tso-Ngon (Qinghai en chinois) situé dans le Tibet historique ont lancé une vaste opération de destruction des antennes satellitaires diffusant les chaînes étrangères dans les foyers. Si les motivations officielles de cette campagne restent vagues, notre Observateur y voit une tentative de censurer toutes les informations concernant la vague d’immolations qui frappe le Tibet et les zones tibétaines des provinces limitrophes depuis plusieurs mois.
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Photo : Radio Free Asia.
Les autorités de la province de Tso-Ngon (Qinghai en chinois), situé dans le Tibet historique, ont lancé une vaste opération de destruction des antennes satellitaires diffusant les chaînes étrangères dans les foyers. Si les motivations officielles de cette campagne restent vagues, notre Observateur y voit une tentative de censurer toutes les informations concernant la vague d’immolations qui frappe le Tibet et les zones tibétaines des provinces limitrophes depuis plusieurs mois.
Selon Radio Free Asia, la campagne a commencé en décembre dernier et se poursuit actuellement. Des milliers de paraboles auraient déjà été confisquées dans la province. Des photos sur lesquelles des membres de forces de l’ordre brûlent des satellites ont d’ailleurs été envoyées à la radio par des habitants.
Les autorités régionales ont par ailleurs distribué des notices expliquant la mise en application de cette nouvelle interdiction. La photo de l’une d’entre elles a été repostée sur Internet (ci-dessous). Le texte a été traduit du tibétain par l’organisation Tibet Times.
“1. À partir du jour de publication de ce document, toute organisation ou individu doit cesser de vendre, installer et utiliser des systèmes de réception satellite pour la radio et la télévision. (…) 3. Dans notre province, les individus ou les organisations qui utilisent des connexions, avec ou sans fil, à des satellites doivent immédiatement être inspectées afin que ces récepteurs soient détruits et remplacés par des "récepteur normaux" [fabriqués par les autorités, NDLR]. ]4. Aucun individu ou organisation n’est autorisé à recevoir les signaux de chaînes étrangères sans l’accord des autorités.
Photo postée par Ling Lhamo sur Facebook.
Photo d’un satellite détruit envoyée de la province de Tso-Ngon à des activistes basés à l’étranger. Photo : Ling Lhamo.
Le 24 janvier, une autre notice a été distribuée dans la préfecture de Malho (Huangnan en chinois), toujours dans la même province, expliquant que les contrevenants sont passibles d’amendes allant jusqu’à 5 000 yuan (près de 600 euros) ainsi que d’ "autres conséquences".
Près d’un quart de la population de la province de Tso-Ngon est tibétaine. De nombreux Tibétains accusent Pékin de ne pas respecter leur culture et leur religion et réclament l’indépendance de cette province de l’ouest de la Chine ainsi que le retour de leur chef spirituel, le Dalaï Lama. Le Tibet, ainsi que les zones tibétaines des provinces limitrophes, sont totalement interdites d’accès aux journalistes.
"Les images des immolations fuitent régulièrement à l’étranger, puis sont diffusées sur des chaînes de télévision par satellite"
Tenzin Namgyal est un Tibétain qui vit en exil à Paris, où il co-préside la branche française de "Students for a Free Tibet". Comme souvent, il était impossible de joindre des Tibétains sur place, qui craignent de subir des répercussions s’ils s’adressent à des médias étrangers.
Au Tibet, dès qu’il y a des manifestations ou des troubles, la première réaction des autorités chinoises est de censurer l’information, par exemple en bloquant les ondes radio et l’accès à Internet [lequel est surveillé de près : les usagers de la province du Tibet qui veulent se connecter doivent s’enregistrer auprès des autorités]. Et le fait qu’ils s’attaquent directement aux paraboles satellites est, selon moi, lié à la recrudescence des immolations par le feu dans la région. [Depuis 2009, plus de 90 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre la présence chinoise, dont 28 personnes au cours du seul mois de novembre 2012, NDLR].
Les images de ces incidents fuitent régulièrement à l’étranger, puis sont diffusées sur des chaînes de télévision par satellite. Ce sont des images marquantes. Et il est arrivé que sur les notes laissées par ceux qui s’immolent, certains aient expliqué qu’ils s’étaient inspirés d’autres personnes ayant eu recours au même geste.
Si la campagne vise la région de Tso-Ngon c’est certainement à cause de son passé. C’est ici que se sont déroulées la plupart des manifestations en 2008.
"En ce qui concerne la télévision chinoises, les Tibétains la résument par cette boutade : 'Pour connaître les nouvelles, regardez les informations chinoises, et croyez tout le contraire'"
Pour les Tibétains avec qui je suis en contact sur place, les télés et les radios qui émettent de l’étranger sont comme une bouée de sauvetage. Les programmes de Voice of America en tibétain sont très populaires, de même que ceux de la télévision du gouvernement tibétain en exil. Mais pour eux, l’un des principaux avantages en captant la télévision par satellite, c’est qu’ils peuvent voir le Dalaï Lama [un sujet censuré dans les médias chinois, NDLR]. En ce qui concerne la télévision chinoise, les Tibétains la résument par cette boutade : "Pour connaître les nouvelles, regardez les informations chinoises, et croyez tout le contraire."
L’interdiction des paraboles satellites montre que la Chine pense que la cause des troubles se trouve hors de la région, mais c’est une erreur. Ce n’est que lorsque les autorités chinoises réaliseront que le malaise provient de leurs politiques arbitraires que les Tibétains pourront entrevoir une paix durable .
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