YÉMEN

Danses guerrières et courses de chameaux : les séparatistes du sud du Yémen sont à la fête

 Dans la partie sud du Yémen, début janvier marque la période de commémoration de la réconciliation des peuples du Sud. Une occasion pour les populations locales de rappeler, dans une ambiance festive, leurs revendications séparatistes.

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Un cavalier chevauchant un dromadaire en portant le drapeau de la République du Yémen du Sud.

 

Dans la partie sud du Yémen, début janvier marque la période de commémoration de la réconciliation des peuples du Sud. Une occasion pour les populations locales de rappeler, dans une ambiance festive, leurs revendications séparatistes.

 

En motos ou à dromadaires, les Yéménites de plusieurs villes du Sud ont commencé, le 1er janvier, "la commémoration de la réconciliation et du pardon". Cette initiative a été lancée en 2006 à l’occasion du 20e anniversaire des sanglants affrontements déclenchés le 13 janvier 1986 qui ont opposé, pendant un mois, des factions rivales du Parti socialiste yéménite dans l'ex-Yémen du Sud.

 

Ce rendez-vous annuel est aussi le moment pour le mouvement séparatiste d’exprimer ses revendications, à savoir l’indépendance de la République du Yémen du Sud avec Aden pour capitale.

 

Après le rattachement du Sud du Yémen au Nord en 1990, une guerre civile avait éclaté en 1994 entre les sécessionnistes armés du Sud et les forces du Nord. Elle s'est conclue par la victoire du Nord et la réunification définitive du pays. Depuis, les regains de tensions meurtriers sont réguliers entre le pouvoir central et les groupes armés locaux. En 2007, un mouvement séparatiste civil a par ailleurs été créé : le Mouvement du Yémen du Sud, lequel tente de mettre en avant une lutte pacifiste pour l’autonomie. C’est aussi le principal organisateur de cette commémoration.

 

Marche et festivités à Tarim, dans le cadre de la commémoration. Vidéo filmée par notre Observateur.

 

"La commémoration est aussi l’occasion de mettre en avant le folklore de la région"

Amjad Sabeeh est activiste séparatiste du Mouvement du Yémen du Sud. Il vit à Tarim, ville historique de la vallée de l’Hadramaout, située dans le sud-est du Yémen.

 

La commémoration commence d’abord dans les différentes villes du Yémen du Sud avant de culminer le 13 janvier à Aden. Le but est de tourner la page des différends passés et de renforcer les liens entre les villes et tribus de la région, car il ne peut pas y avoir de république sans union des peuples du Sud.

 

Au cours de cette commémoration, nous organisons des marches géantes où nous portons les drapeaux de la République du Yémen du Sud. Des activités sont organisées en marge de ces manifestations comme des ateliers de débat et de réflexion où sont invités des intellectuels locaux et d’anciens hommes politiques de la République du Yémen du Sud.

 

La commémoration est aussi l’occasion de mettre en avant l’héritage culturel de la région. Parmi ce folklore, il y a par exemple le 'chebwani', une danse de guerre où les hommes se mettent en rang parallèle et dansent avec des bâtons qu’ils manient comme des épées.

 

Cette année, la course de dromadaires a été pour la première fois introduite dans les festivités. Cette course est une tradition de la région de l'Hadramaout qui a lieu d’habitude 15 jours avant le ramadan. Pour nous, organiser cette course avec des cavaliers qui portent les drapeaux du Yémen du Sud est une manière supplémentaire d’ancrer le mouvement indépendantiste dans la tradition du Sud. Il faut dire aussi que l’armée yéménite est moins présente dans notre ville depuis les élections de février dernier [des membres du mouvement séparatiste armé ont tenté d’empêcher l’armée d’organiser l'élection présidentielle voulue par l’ancien président Ali Abdellah Saleh avant son départ, NDLR]. Cela nous a encouragés à mettre plus en avant les traditions de la région.

 

Chaque année, la commémoration est marquée par des affrontements violents entre manifestants séparatistes et forces de l’ordre [le 13 janvier 2012, les tirs de l’armée contre une marche à Aden ont fait 3 morts et 18 blessés, NDLR]. Cette année, tout se passe dans le calme jusque-là mais j’attends de voir le 13 janvier à Aden. Ce n’est pas parce que Saleh n’est plus au pouvoir que le système a changé [ le président est Abd Rabbo Mansour Hadi, le vice-président de Saleh et seul candidat de l’élection présidentielle de février, NDLR].

 

En mettant l’accent sur l’aspect culturel, nous voulons montrer que notre mouvement est pacifique. Mais, si le gouvernement central reste sourd à nos revendications et continue à nous réprimer, nous serions forcés de prendre les armes.