CENTRAFRIQUE

Bangui vit au ralenti : "Cela rappelle le coup d’État de 2003"

 Les habitants de Bangui, capitale de la Centrafrique, vivent dans l’angoisse d’une possible arrivée des rebelles. Nos Observateurs sur place racontent comment ils s’organisent au quotidien pour prévoir le pire.

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Manifestation à l'appel des associations de femmes? vendredi matin? à Bangui.

 

Les habitants de Bangui, capitale de la Centrafrique, vivent dans l’angoisse d’une possible arrivée des rebelles. Nos Observateurs sur place racontent comment ils s’organisent au quotidien pour prévoir le pire.

 

Les Banguisois se préparent matériellement et psychologiquement à vivre des jours difficiles et anticipent une pénurie de nourriture et d’eau. La cause de leur inquiétude : la coalition Séléka, qui avance depuis le 10 décembre vers la capitale centrafricaine.

 

Les habitants craignent qu’après avoir pris Bambari, le 23 décembre, et Kaga Bandoro, le 25 décembre, à environ 300 kilomètres de la capitale, ils arrivent sur Bangui et organisent son blocus.

 

Vendredi matin, une marche pro-gouvernementale s’est déroulée à l’appel d’associations de femmes de Bangui pour demander la fin des hostilités.

 

Depuis lundi, les manifestations de soutien à François Bozizé se succèdent. Photo envoyée par notre Observateur à Bangui.

"Je n’ai pas mis les pieds sur mon lieu de travail depuis trois jours"

Serghion (pseudonyme) habite Bangui. Il constate que la population ne sort que pour faire des provisions.

 

Cela fait 72 heures que Bangui semble vivre au ralenti. Au centre ville, toute l'administration est fermée, quelques boutiques sont encore ouvertes et les transports circulent mais pas avec le trafic habituel. Les débits de boisson sont de moins en moins fréquentés et on évite de traîner dehors la nuit. Je n'ai pas mis les pieds sur mon lieu de travail depuis trois jours. Cela rappelle les mutineries, le coup d’État de 2003 [ Le15 mars 2003, François Bozizé, alors chef d'une rébellion, s’était emparé du pouvoir par un coup d'État provoquant des scènes de pillages dans Bangui, NDLR].

 

J’ai commencé à faire des réserves de manioc, de haricots et de riz. Dans ma zone, il n'y a pas de flambée des prix pour les produits de première nécessité mais quelques denrées comme la viande et les légumes se font rares.

 

"J’ai évacué ma famille et je lui apporte des vivres et de la monnaie"

Singab ne souhaite pas quitter son domicile mais a essayé de trouver une solution pour ses proches. Il témoigne anonymement.

 

J’ai évacué ma femme, mon enfant, ma grande sœur et ses enfants à quelques kilomètres à l’ouest de la ville. Pour ma part, je reste chez moi à Bangui parce qu’à chaque fois qu'il y a une situation tendue, les jeunes qui sont dans le quartier en profitent pour voler et piller. J’essaie d’avoir en permanence sur moi au moins 30 000 francs CFA (environ 45 euros), au cas où. Chaque nuit, j’amène des vivres et de l’argent à ma femme en me faufilant dans le quartier, de peur de croiser des voleurs.

 

"Les gens font la queue pendant des heures pour retirer de l’argent"

Wumeu (pseudonyme) est allé en centre ville pour voir quelles boutiques étaient fermées.

 

Les taxis-motos ont interdiction de circuler entre 18 heures et 6 heures du matin. Certaines boutiques comme les agences de voyage ouvrent seulement pour accueillir des clients et baissent leur rideau rapidement derrière eux. Les gens font la queue pendant des heures dans les banques encore ouvertes pour retirer de l’argent.

 

J’en ai marre de la situation en Centrafrique, j’ai l’impression qu’on retourne en arrière tous les cinq ou dix ans et que ça ne s’arrête jamais. Demain, il y aura même une marche [pro-gouvernementale, NDLR] qui invite tous les croyants - chrétiens, juifs et musulmans - de Bangui à exprimer leur ras-le-bol. C’est symbolique car ces communautés s’affrontaient il y a un peu plus d’un an.

 

 

 

"Les Blancs envoient leur personnel faire les courses à leur place"

Gérard B. est un homme d’affaires résidant à Bangui.

 

Je n’ai pas eu un seul client depuis 24 heures. Actuellement, je cherche des billets d’avion pour que mes collaborateurs quittent le pays, mais il y a des listes d’attente allant jusqu’à 500 personnes pour tous les vols. Nous avons organisé une équipe de volontaires qui va rester dans nos locaux et se relayer pour protéger les lieux. Nous avons des stocks de nourriture, d’eau et d’essence pour une dizaine de jours. Les Blancs évitent de sortir et ils envoient leur personnel faire les courses à leur place.

 

 

Ce billet a été rédigé avec la collaboration d'Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.