Témoignages de Français à Bangui : "On fait des provisions et on reste à la maison"
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La communauté française de Bangui est inquiète depuis l’attaque de l’ambassade de France, mercredi, par des manifestants. Aucun incident sérieux n’est à déplorer, mais les expatriés, cloîtrés chez eux ou à l’ambassade, manquent d’information et craignent des pillages.
Défilé pro-gouvernement sur l'avenue Barthélémy Boganda contre l'avancée des rebelles, jeudi 27 décembre. Photos de notre Observateur à Bangui.
La communauté française de Bangui est inquiète depuis l’attaque de l’ambassade, mercredi, par des manifestants. Aucun incident sérieux n’est à déplorer mais les expatriés, cloîtrés chez eux ou à l’ambassade, manquent d’information et craignent des pillages.
Mercredi matin, des dizaines de manifestants ont jeté des pierres sur les locaux diplomatiques français et notamment sur l’ambassade de France à Bangui, dénonçant la passivité de Paris dans le dossier centrafricain. La France, mais aussi les États-Unis et l’ONU, ont rappelé leurs personnels et pris des mesures pour protéger "leurs ressortissants et leurs intérêts" tout en "condamnant la poursuite des hostilités" par les rebelles.
Certains habitants de Bangui ont de nouveau protesté, ce jeudi, contre l’avancée des rebelles, regroupés au sein de l’alliance Séléka, vers le sud. Les rebelles seraient, selon un ministre centrafricain, à environ 70 kilomètres de Bangui. Le 25 janvier, ils avaient pris la ville de Kaga Bandoro, dans le centre du pays, à 330 km au nord de la capitale.
La situation est tendue pour les Français de Centrafrique qui constatent l’hostilité d’une certaine partie de la population mais tentent de relativiser la dangerosité de la situation.
"Mes conseils : ne pas provoquer et faire des provisions"
Adete (pseudonyme) est un expatrié français qui vit depuis un peu plus de deux ans à Bangui.
Depuis quelques jours, il y a une hostilité envers les Français, et plus généralement envers les Européens. Mais ce comportement est à relativiser, car il est essentiellement le fait de jeunes désœuvrés qui sont, je pense, manipulés par le gouvernement centrafricain qui fait circuler l’idée que les rebelles sont financés par la France. Le problème, en ce moment, c’est que Bangui ne vit que de rumeurs auto-entretenues. Mes amis et collaborateurs centrafricains sont dépités, ils ne veulent pas revivre ce qu’il s’est passé en 2003 et en 1996.
Je ne me sens pas en danger et il est hors de question que je quitte Bangui. Je conseillerais aux autres expatriés de faire des provisions d’eau et de nourriture, au cas où. La bonne attitude à avoir est de ne pas provoquer.
"On a demandé aux expatriés français de rester chez eux et de ne sortir sous aucun prétexte"
Malville (pseudonyme) est un Français expatrié à Bangui. Il témoigne depuis l’ambassade de France.
La situation est très tendue en ce moment dans la ville. Il y a un sentiment anti-Français chez de nombreuses personnes. Le mot d’ordre aux Français est de rester chez soi et de ne sortir sous aucun prétexte.
Il y a pour l’instant eu un cas de pillage chez un Français de Bangui. J’ai aussi vu arriver à l’ambassade un homme qui travaillait dans le tourisme et habitait dans le nord de la Centrafrique. Il m’a dit que ses locaux et son domicile ont été pillés et qu’il cherchait à quitter le pays. Nous attendons maintenant les consignes de l’ambassadeur.
"J’ai fermé ma société et j’attends de voir comment la situation va évoluer"
Jezrom (pseudonyme) est un ressortissant français qui habite depuis plus de dix ans en Centrafrique. Il a pu constater l’hostilité de certains manifestants.
Les revendications des manifestants sont multiples : certains accusent la France d’avoir financé la rébellion du fils de Charles Massi, ou tout simplement accusent le gouvernement français de ne pas intervenir pour stopper les rebelles.
J’ai préféré fermer ma société pour quelques jours et demander à mes collaborateurs et employés de rester chez eux en attendant que la situation se calme. On ne sort pas, donc on ne sait pas ce qu’il se passe. Pour le moment, la situation est très calme par rapport à 2003 [François Bozizé, l’actuel président, s’était alors emparé du pouvoir par un coup d’État, NDLR] : à l’époque, mon magasin avait été cambriolé et saccagé.