Après une avancée fulgurante sur le nord du pays, la coalition de factions rebelles du Séléka (alliance) se trouve aujourd’hui à 300 km de Bangui, la capitale. Au sud de la ligne de front, deux Observateurs témoignent de cette spirale de violence dont personne ne parle.
Publicité
Manifestation de députés contre la guerre le 18 décembre 2012 à Bangui. Photo : Hippolyte Donossio.
Après une avancée fulgurante sur le nord du pays, la coalition de factions rebelles du Séléka (alliance) se trouve aujourd’hui à 300 km de Bangui, la capitale. Au sud de la ligne de front, deux Observateurs témoignent de cette spirale de violence dont personne ne parle.
Selon l’armée centrafricaine, les rebelles de la coalition ont pris ce matin la ville de Batangafo, à 300 km de la capitale et se dirigent maintenant vers Bouca, située 20 km plus au sud. Les Forces armées centrafricaines (FACA) affirment en revanche avoir repris "après de violents combats" le contrôle de Kabo, une ville passée mercredi aux mains des rebelles.
Sollicité par Bangui, dont elles sont un fidèle allié, les autorités tchadiennes ont envoyé des soldats sur le terrain "pour s’interposer entre les belligérants". Le ministre de l’Information tchadien a par ailleurs annoncé la tenue de négociations, vendredi, entre les chefs du Séléka et le pouvoir de Bangui. Les rebelles ont toutefois affirmé qu’ils ne se retireraient pas de leurs positions tant qu'ils n'obtiendraient pas un "dialogue sincère" avec le pouvoir central.
Les chefs du Séléka estiment que le président Bozizé, arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2003, n’a pas respecté les accords signés entre 2007 et 2011 avec les principaux groupes rebelles du Nord, notamment sur le volet désarmement-démobilisation-réinsertion des combattants. Le Séléka exige par ailleurs l’ouverture d’enquêtes sur plusieurs disparitions ou encore la fin du "clientélisme" et du "tribalisme" à la tête de l’État centrafricain.
Selon la Croix rouge des "milliers de personnes ont fui" depuis le début des combats.
"On sait bien que notre armée ne tient pas la route alors on compte sur les étrangers"
Boni (pseudonyme) vit à Bambari, une ville située à 200 km au sud de Bria, sur la route de Bangui, la capitale.
Mardi, jour de la prise de Bria , tout le monde a cherché à s’enfuir car on craignait vraiment que les rebelles ne descendent jusqu’ici dans la foulée. Mais nous sommes très mal informés. Il n’y a pas de journalistes sur place et les communications téléphoniques avec Bria ne passent pas. [Notre Observateur sur place est aussi injoignable. D’après nos informations, dès qu’ils prennent une ville, les rebelles coupent tous les réseaux de communication.].
Les soldats des FACA stationnés à Bria, se sont faits voler leurs véhicules par les rebelles. Certains ont fait la moitié du chemin à pied puis ont été récupérés par des motos taxis ou des habitants. Ils sont épuisés. Ici, ils se mettent en sécurité dans le camp militaire, ou chez des locaux quand il n’y a plus de place à la base.
La seule chose qui nous a rassurés, c’est de prendre connaissance de l’intervention de l’armée tchadienne. On sait bien que notre armée ne tient pas la route alors on compte sur les étrangers. Depuis cette annonce, la vie a repris son cours, les magasins ont rouverts.
"Les jeunes sont persuadés que les rebelles veulent mettre la main sur les ressources minières de la zone"
Hippolyte Donossio est journaliste membre du réseau des Journalistes pour les Droits de l’Homme (RJDH-RCA) à Bangui.
Dans l’opposition, certains considèrent que le président a une part de responsabilité dans cette rébellion car il aurait mis trop longtemps à désarmer les rebelles. Mais beaucoup à Bangui continuent de soutenir Bozizé et croient encore que l’armée centrafricaine peut se défendre.
Manifestation de députés contre la guerre le 18 décembre 2012 à Bangui. Photo : Hippolyte Donossio.
On sent tout de même que l’inquiétude gagne. Mardi, les députés de l’Assemblée nationale s’apprêtaient à voter la loi de finance quand ils ont appris que la ville de Bria était tombée aux mains des rebelles. Ils ont alors laissé tomber le vote et sont sortis manifester pour défendre la paix. Tous les bords politiques présents à l’Assemblée étaient représentés. Mais une partie de l’opposition radicale, qui n’a jamais reconnu le président, était évidemment absente, comme les membres du FARE 2011 (Front pour l’annulation et la reprise des élections).
Les jeunes rejoignent la manifestation. Photo : Hippolyte Donossio.
Au cours de la marche, une bande de badauds, essentiellement des jeunes de Bangui, ont rejoint le cortège pour protester contre les violences. Ils sont persuadés que la guerre qui se joue dans le Nord a pour unique objectif de mettre la main sur les ressources minières de la zone [La zone nord est riche en diamants mais aussi en pétrole, des gisements pour la plupart non exploités]. Ils parlent d’une "main invisible de l’étranger" qui armerait actuellement les rebelles. Mais ils sont bien incapables de dire précisément de qui il s’agit.
Aujourd’hui, nous nous raccrochons au fait que les rebelles sont encore ouverts au dialogue.