"Faites le ménage, pas la guerre": le Yémen oublie ses divisions en nettoyant la capitale
Un an après le soulèvement populaire qui a poussé à la démission le président Ali Abdallah Saleh, la population yéménite reste divisée. Pourtant, mercredi, le temps d’une journée, les habitants ont réussi à se rassembler autour d’une cause relativement neutre : le nettoyage de leur ville.
Publié le : Modifié le :
Photo : Nadia Abdullah.
Un an après le soulèvement populaire qui a poussé à la démission le président Ali Abdallah Saleh, la population yéménite reste divisée. Pourtant, mercredi, le temps d’une journée, les habitants ont réussi à se rassembler autour d’une cause relativement neutre : le nettoyage de leur ville.
Selon les autorités municipales, quelque 400 000 personnes ont participé à ce grand ménage, sur un total de deux millions d’habitants que compte la capitale. Quasiment le double du dernier record du monde de nettoyage urbain. Mais pour les organisateurs, qui ont choisi comme slogan "En contribuant, je construis le Yémen", ce rassemblement devait surtout permettre d’encourager l’engagement civique et de redorer le blason du pays, souvent perçu à l’étranger comme une zone de non droit.
Des soldats participent au nettoyage. Photo : Nadia Abdullah.
"Des soldats ont posé leurs armes au sol pour prendre des balais"
Sarah Ahmed est sociologue. Elle vit à Sanaa et a participé au grand ménage.
J’ai sillonné deux quartiers avec ma camera et mon balai pour voir qui participait. C’était incroyable le monde qu’il y avait. Des hommes, des femmes, des riches, des pauvres, des étudiants et des éléments de l’armée. Des soldats ont posé leurs armes au sol pour prendre des balais. Certains ont même planté des arbres et dessiné des fresques murales. C’était génial !
C’est la première fois que je sens que les Yéménites sont d’accord sur quelque chose : embellir leur capitale qui a été négligée sous la présidence d’Ali Abdallah Saleh. En 2011, avant qu’il ne quitte le pouvoir, les Yéménites étaient divisés entre les pros et les anti-régime. Ces divisions sont encore bien présentes, mais cette campagne a réussi à tous nous rassembler. Le maire a été malin, il avait placardé des affiches avec des docteurs ou des ouvriers qui disait "Je suis ‘untel’ et je participe au nettoyage". Il y avait même des affiches avec les leaders de différents partis politiques. Le message implicite de rassemblement a donc été bien reçu.
“Je portais aussi une pancarte pour demander que les éboueurs obtiennent de meilleurs salaires”
Le plus émouvant, ça a été de voir les citoyens d’un pays où il y a tellement d’armes les poser pour prendre des balais et des pinceaux. [Le Yémen est le deuxième pays du monde, après les Etats-Unis, en nombre d’armes par habitant.] J’étais fière de mon pays.
Si j’ai d’abord hésité à participer, c’est parce que les éboueurs luttent depuis plus d’un an pour obtenir une augmentation de salaire. Or, la ville a préféré dépenser de grosses sommes d’argent dans la promotion de cet évènement et dans les équipements. [La ville aurait distribué aux bénévoles 200 000 chapeaux et 300 000 balais ainsi que des gants décorés avec le slogan]. J’ai finalement décidé de prendre mon propre balai. Et je portais aussi une pancarte pour demander qu’ils obtiennent de meilleurs salaires. Car demain, eux, seront encore dans la rue pour nettoyer. On ne doit pas les oublier.
Photos : Nadia Abdullah.
Un éboueur m’a dit : "C’est super que les gens nous aident, mais ce serait mieux que ça arrive plus souvent" #Yemen
Photo : Atiaf Alwazir, sur Twitter.
Promotion de la journée de nettoyage. Le refrain : "Laisse ton empreinte sur le Yémen".
Photos : Nadia Abdullah sur Facebook.
Photo prise par notre Observatrice