Jordanie

Les manifestations se radicalisent en Jordanie : "la liberté est accordée par Allah, à bas le roi Abdallah !"

 Plusieurs villes de Jordanie ont été secouées par des manifestations mardi et mercredi à la suite de l’annonce de l’augmentation des prix du carburant et du gaz.  

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Photo d'une manifestation à Amman. Sur la pacarte on peut lire : "É bas le régime". Publiée mercredi sur une page Facebook d'activistes jordaniens.

 

Plusieurs villes de Jordanie ont été secouées par des manifestations mardi et mercredi à la suite de l’annonce de l’augmentation des prix du carburant et du gaz.

 

Des centaines de personnes ont manifesté, parfois violemment, incendiant des bâtiments du gouvernement et saccageant des magasins dans les villes de Maan, Tafila et Karak.

 

Un manifestant a par ailleurs été tué et plusieurs autres blessés lors d'une attaque sur un poste de police à Irbid, la deuxième ville la plus peuplée du pays, selon des témoins cités par l’AFP.

 

Le prix de l'essence passe de 0,71 dinar à 0,80 dinar (0,88 euro) et celui de la bonbonne de gaz domestique de 6,5 dinars à 10 dinars (11 euros), soit une augmentation de 53 %. 

"Les manifestant ont scandé pour la première fois des slogans hostiles au roi"

Kamal Khoury est bibliothécaire à Amman.

 

 La situation était globalement calme ce matin [jeudi] à Amman. Il y a juste eu quelques dizaines de personnes devant le commissariat central pour réclamer la libération des manifestants arrêtés ces deux derniers jours (80 selon les médias).

 

Hier soir, les manifestants ont essayé de se rassembler sur la place de Gamal Abdel Nasser, près du ministère de l’Intérieur. Ils ont pu pénétrer dans la place, mais ont été rapidement dispersés par les forces de l’ordre à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Ils ont ainsi été contraints de marcher dans les rues adjacentes, tandis qu'à d'autres endroits des jeunes ont incendié des magasins et des banques.

 

Les autorités veulent à tout prix empêcher un campement dans cette place parce qu’elle est symbolique de la répression [le démantèlement violent d’un campement d’opposants dans cette place a fait une trentaine de blessés et un mort le 25 mars 2011].

 

Des manifestants ont brûlé un portrait du roi à Dibane, ville de la province de Madba, dans le centre du pays. Postée sur Facebook mardi 13 novembre. 

 

Les manifestants étaient au nombre de 3 000 environ, ce qui est loin d’être négligeable si l’on considère le fait que les Frères musulmans, qui constituent la première force d’opposition et qui ont une capacité de mobilisation très importante ont, pour l’instant, préféré ne pas participer. Si le mouvement ne s’essouffle pas d’ici à quelques jours, je pense qu’ils finiront par le rallier et le gouvernement devra faire face à la plus grande vague de contestation depuis la révolte d’avril 1989.

 

Lors des manifestations qui ont éclaté dans la foulée du 'printemps arabe' en 2011, les protestataires avaient pour habitude de scander des slogans appelant à des réformes du régime et à poursuivre les corrompus en justice, sans jamais s’en prendre au roi. Les rares qui le faisaient étaient arrêtés par les autorités et n’étaient pas suivi par les protestataires. Mais aujourd’hui, la donne a changé. Avant-hier [mardi], les manifestants ont brisé le tabou du caractère sacré du roi en scandant massivement : "la liberté est accordée par Allah, à bas Abdallah !"

 

À 6 min. 14 : les manifestants scandent : "la liberté est accordée par Allah, aà bas Abdallah ! " Vidéo publiée sur YouTube mardi 13 novembre.

 

En annonçant une hausse du prix de la bombonne de gaz à l’approche de l’hiver, le gouvernement a fait preuve d’un manque de discernement qui me trouble. On dirait qu’il est en train de réunir toutes les conditions pour renforcer l’opposition et mobiliser la population contre lui. Des pères et des mères de famille, qui ne sont pas du tout politisés, sont sortis dans les rues pour la première fois pour exprimer leur colère contre le pouvoir. C’est la deuxième fois en seulement six mois que le prix du gaz et de l’essence est augmenté. Les gens en ont assez.

 

Personnellement, je dois emprunter de l’argent le 20 de chaque mois pour pouvoir payer mes factures. Mais je considère que j’ai de la chance car je suis célibataire et touche un salaire supérieur à la moyenne pour mon emploi de bibliothécaire, 600 dinars [environ 660 euros]. La plupart des Jordaniens sont moins bien lotis que mois. En effet, un salarié moyen ne touche pas plus de 500 dinars [550 euros] par mois, et il doit s’occuper d’une famille composée de plusieurs personnes.

   

Des manifestants brûlent des bennes à ordures et jettent des pierres en direction des forces de l'ordre. Vidéo publiée mercredi 14 novembre sur YouTube.