SYRIE - JORDANIE

Tensions extrêmes dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari en Jordanie

 En plein désert jordanien, sous le soleil brûlant qui succède aux nuits glaciales, plus de 39 000 réfugiés syriens s’entassent dans le camp de Zaatari, installé à la frontière syro-jordanienne depuis juillet dernier. Les familles fuyant les combats en Syrie y vivent dans une grande précarité, mais aussi dans une insécurité grandissante car les accrochages entre les forces de l’ordre et les réfugiés à bout de nerf se multiplient.  

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Des manifestants dispersés à coups de gaz lacrymogènes, dimanche 28 octobre, dans le camp de réfugiés de Zaatari.

 

En plein désert jordanien, sous le soleil brûlant qui succède aux nuits glaciales, plus de 39 000 réfugiés syriens s’entassent dans le camp de Zaatari, installé à la frontière syro-jordanienne depuis juillet dernier. Les familles fuyant les combats en Syrie y vivent dans une grande précarité, mais aussi dans une insécurité grandissante car les accrochages entre les forces de l’ordre et les réfugiés à bout de nerf se multiplient.

 

Des affrontements entre réfugiés et forces de l’ordre jordaniennes ont éclaté le jour de la fête de l’Aïd, le 28 octobre. D’après les autorités, les violences ont été déclenchées par l’arrestation de trois réfugiés qui essayaient de sortir du camp sans autorisation.

 

Chaque jour des centaines de personnes affluent de l’autre côté de la frontière, le plus souvent sous escorte de l’Armée syrienne libre (ASL). Près de 95 % des Syriens arrivant sur le sol jordanien sont redirigés vers le camp de Zaatari. Plus de la moitié d’entre eux sont mineurs. L’État et les associations jordaniennes peinent à faire face à ce flux incessant.

 

Émeutes dans le camp dimanche 28 octobre.

 

Les réfugiés organisent régulièrement des manifestations pour dénoncer les conditions de vie difficiles dans le camp. Les forces de l’ordre jordaniennes ont déjà plusieurs fois été amenées à user de la force.

"Le plus dur, c’est de rester enfermé dans le camp"

Abou Firas (pseudonyme) commerçant de Deraa, premier foyer de la révolution syrienne, habite Zaatari avec les dix membres de sa famille depuis deux mois.

 

À l’inverse de ce que racontent les autorités, ce qui a déclenché la colère des réfugiés ce week-end, c’est que les forces de l’ordre jordaniennes ont empêché des visiteurs de rentrer dans le camp pendant la fête de l’Aïd. [Le porte-parole des réfugiés syriens en Jordanie, Anmar al-Hammoud, a précisé que ces personnes ne disposaient pas de permis de visite, ndlr]. Leur politique à l’entrée du camp est totalement aléatoire. Dès qu’une tête ne leur revient pas, ils lui refusent l’entrée. Ça a mis les gens en colère et déclenché des émeutes menées par des jeunes du camp. Les forces de l’ordre sont intervenues à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.

 

Au moins trois personnes ont été arrêtées ce week-end après les violences. Ce qu’il faut savoir c’est que depuis à peu près un mois ceux qui se font arrêter par la police jordanienne ne reviennent pas et on ne sait pas où ils sont. Alors qu’auparavant les gens réintégraient le camp quelques jours après leur arrestation.

 

"Pour plus de 30 000 personnes, nous avons seulement trois installations pour cuisiner"

 

La situation est très difficile, on habite des petites tentes en plein désert avec toute notre famille. L’eau est considérée comme potable mais beaucoup d’enfants et de vieillard ne la supportent pas.

 

Des médecins de différentes organisations sont présents sur place, mais l’attente des patients est en moyenne de trois heures. Concernant l’alimentation, au début on avait droit à deux plats préparés par jour, mais depuis un mois le camp n’est approvisionné qu’en riz, blé, haricots blancs, etc. Nous n’avons plus de viande et nous n’avons que trois cuisines pour plus de 30 000 personnes.

 

On n’a pas d’électricité, mais certains se sont débrouillés pour éclairer 70 % du camp d’une manière clandestine en détournant l’électricité du réseau jordanien. Et pour le moment, les autorités ferment les yeux.

 

Files d’attente pour les couvertures dans le camp. 

 

"À l’heure où je vous parle, à cause d’un différend entre deux personnes, une tente a été incendiée"

 

Les réfugiés sont tellement en détresse que des violences risquent d'éclater à tout moment. À l’heure où je vous parle, à cause d’un différend entre deux personnes, une tente a été incendiée juste à côté de moi. Tous les jours, j’entends des gens exprimer leur souhait de retourner en Syrie, alors qu’on entend les déflagrations et les bruits des combats de l’autre côte de la frontière. Mais tous ceux qui l'ont fait sont finalement revenus.

 

Le plus dur, c’est de rester enfermé dans le camp, mais je considère que nous sommes des invités du royaume et on doit, par conséquent, respecter les décisions des autorités qui sont inquiètes pour la sécurité du pays.

 

Ce billet a été écrit en collaboration avec Wassim Nasr, journaliste à FRANCE 24.