KOSOVO

Manifestation nationaliste au Kosovo : "On a peur que la Serbie récupère le nord du pays"

Charge de la police lors de la manifestation du parti Autodétermiantion à Pristina le 22 octobre 2012.
Charge de la police lors de la manifestation du parti Autodétermiantion à Pristina le 22 octobre 2012.

 Pour protester contre la reprise des discussions entre le Kosovo et la Serbie à Bruxelles, le parti nationaliste kosovar Vetevendosje! (Autodétermination!) a organisé, lundi, une manifestation devant le siège du gouvernement à Pristina. Les protagonistes, dont plusieurs députés, ont tenté d’entrer dans le bâtiment mais ont été violemment refoulés par les forces de l’ordre.

Publicité

 

Pour protester contre la reprise des discussions entre le Kosovo et la Serbie à Bruxelles, le parti nationaliste kosovar Vetevendosje! (Autodétermination !) a organisé, lundi, une manifestation devant le siège du gouvernement à Pristina. Les protagonistes, dont plusieurs députés, ont tenté d’entrer dans le bâtiment mais ont été violemment refoulés par les forces de l’ordre.

 

Vendredi, le Premier ministre kosovar Hacim Thaci et son homologue serbe Ivica Dacic se sont retrouvés à Bruxelles, sous l’égide de l’Union européenne. Une rencontre capitale, la première à ce niveau depuis l’ouverture des discussions entre les deux parties en février 2011, par ailleurs interrompues depuis le printemps. Le Kosovo veut "normaliser" ses relations avec la Serbie, pays duquel il a proclamé son indépendance en février 2008. L’établissement de relations plus apaisées entre les deux voisins est une condition nécessaire posée par l’Union européenne et l’Otan, dans le cadre d’un processus d’adhésion à ces deux instances, adhésions que souhaite Hacim Thaci.

 

Si ce dernier dispose d’une majorité parlementaire, il doit aussi faire face à une vive opposition emmenée par le parti Vetevendosje!, troisième force politique du pays qui compte 14 députés sur les 120 de l'Assemblée. Ceux-ci ont pris part, lundi, à une manifestation contre la reprise du dialogue qui a été réprimée par les forces de l’ordre faisant 23 blessés, dont 18 policiers, alors que 63 manifestants ont été arrêtés.

 

Vidéo de la manifestation de lundi tournée par les équipes du parti Autodétermination!

 

 

Pour Visar Ymeri, le chef du groupe parlementaire d’Autodétermination!, "il est clair que ces négociations vont amener à créer une région serbe autonome au nord du Kosovo, ce qui permettra aux biens serbes de circuler encore plus facilement au Kosovo et aggravera notre situation économique". Visar Ymeri rappelle, par ailleurs, que le taux de chômage au Kosovo est de 45 %. Ses propos se réfèrent à l’un des enjeux majeurs des discussions, la situation du Nord-Kosovo qui compte une importante communauté serbe. Laquelle entretient des relations très tendues avec les Kosovars, cristallisées notamment dans la ville divisée de Mitrovica.

 

Une nouvelle manifestation pour protester contre les violences policières s’est déroulée dans le calme, ce mardi matin. Le Premier ministre, Hacim Thaci, a appelé le parti Autodétermination! au dialogue, ce qu'il a refusé.

 

Vidéo de la manifestation de mardi matin tournée par les équipes du parti Autodétermination!

 

 

"Ce qui me dérange le plus, c’est que le gouvernement est issu d’un scrutin frauduleux et n’est donc pas légitime pour entamer ces discussions"

Shkelzen Gashi travaille pour différentes ONG d'éducation à Pristina, il a pris part à la manifestation de lundi contre les négociations mais n’est pas affilié au parti Autodétermination!.

 

La manifestation a duré de 8 heures à 16 heures lundi. Il y avait peu de personnes car les Kosovars ont peur d’être frappés par la police quand ils manifestent. Et les forces de l’ordre sont effectivement intervenues à plusieurs reprises violemment contre nous, en utilisant des gaz et en frappant les manifestants alors qu’ils étaient pacifiques. Ils voulaient entrer dans le bâtiment qui abrite le siège du gouvernement, mais la police ne les y a pas autorisés.

Je ne suis pas opposé catégoriquement aux négociations avec la Serbie car il y a beaucoup de sujets à traiter avec elle. Je pense par exemple au dossier des disparus ou des victimes de guerre.

 

Mais je pense que le gouvernement actuel n’est pas habilité à mener ces négociations : les élections de 2010 ont été remportées par le parti de Hacim Thaci, mais toutes les instances internationales ont dénoncé des fraudes. Il n’est donc pas légitime comme Premier ministre. Par ailleurs, il a commis de très graves crimes pendant la guerre d’indépendance, et c’est quelqu’un de complètement corrompu. Or, quand on est corrompu et accusé de crimes de guerres, cela peut donner lieu à du chantage.

"Recréer des liens avec la Serbie est inévitable mais il y a trop de flou autour de ces discussions"

Nérimane Kamberi est professeur de français et journaliste à Pristina.

 

Pour moi, recréer des liens avec la Serbie est inévitable. Déjà, parce qu’il y a une très forte pression internationale, et il est clair que notre gouvernement voudra jouer le bon élève face à l’Union européenne et aux États-Unis. Par ailleurs, on est un pays touché par une forte corruption, on manque de base démocratique, et nous avons besoin de l’Europe pour assainir notre système politique. Néanmoins, il y a trop de flou autour de ces discussions, j’ai moi aussi peur qu’on l’on cède le nord du pays à la Serbie.

 

Le mouvement Autodétermination! est arrivé en troisième position aux dernières élections, ce qui montre qu’il bénéficie d’un soutien important. Selon le Premier ministre, c’est un mouvement violent qui ne respecte pas les lois de la démocratie kosovare, et son leader ne serait intéressé que par la prise du pouvoir. Un avis auquel s’est rangé une partie de l’opposition, tout comme la communauté internationale.

"Le matraquage et les gaz, on ne veut plus voir ça dans un État qui se veut démocratique"

 

Mais, pour moi, ce n’est pas un parti violent. En revanche, c’est un parti qui dérange, mais justement il est un peu celui qui tire la sonnette d’alarme, qui met en garde sur le risque qu’on brade le nord du pays, ou que des produits serbes soient de plus en plus vendus au Kosovo alors qu’on a de graves problèmes économiques.

 

Les images de violences policières comme celles de lundi choquent la population, car elles nous ramènent au temps où nous appartenions à la Serbie et aux violences de la police serbe sous Milosevic. Le matraquage et les gaz, on ne veut plus voir ça dans un État qui se veut démocratique. Dans la police, il y a beaucoup d’anciens de l’UCK [l’ancienne armée indépendantiste kosovare, ndlr], c’est difficile de les voir battre leurs concitoyens. Surtout que, paradoxalement, de toutes les institutions, c’est bien la police en qui on croit le plus. Mais à chaque fois que le parti Autodétermination! manifeste, les choses prennent une ampleur démesurée.