Dans un quartier sunnite de Beyrouth, un habitant témoigne des violences
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L’attentat perpétré vendredi à Beyrouth dans lequel un chef de la sécurité proche de Saad Hariri est mort, a provoqué un regain de tensions dans la capitale libanaise. Des hommes armés et cagoulés, de confession sunnite, ont érigé dès vendredi soir des barrages dans des quartiers sunnites de la ville, entraînant le déploiement de l’armée avec laquelle ils ont depuis échangé des tirs. Reclus chez lui, un habitant assiste de sa fenêtre aux violences.
Capture d'écran de la vidéo ci-dessous. Le 21 octobre, la manifestation des militants du 14-Mars tourne aux affrontements dans le centre de Beyrouth.
L’attentat perpétré vendredi à Beyrouth dans lequel un chef de la sécurité proche de Saad Hariri est mort, a provoqué un regain de tensions dans la capitale libanaise. Des hommes armés et cagoulés, de confession sunnite, ont érigé dès vendredi soir des barrages dans des quartiers sunnites de la ville, entraînant le déploiement de l’armée avec laquelle ils ont depuis échangé des tirs. Reclus chez lui, un habitant assiste de sa fenêtre aux violences.
Selon nos Observateurs, ces hommes armés veulent interdire l’accès de certains quartiers aux chiites et aux alaouites et n’hésitent pas à violenter ceux qui s’y aventurent. Tout comme le chef de la sécurité tué dans l’attentat de vendredi, ils sont opposés à l’actuel gouvernement libanais, soutenu par le Hezbollah, un parti allié de l’Iran et du régime de Bachar al-Assad qu’ils soupçonnent d’être lié à l’attentat.
Dans un pays instable où cohabitent 18 confessions religieuses, ce regain de tensions inquiète et l’armée a assuré lundi qu’elle prendrait "des mesures fermes, surtout dans les régions où il y a des affrontements confessionnels, pour empêcher que le Liban ne se transforme de nouveau en un champ de bataille pour régler les différends régionaux". Lundi matin, des soldats libanais avaient encore essuyé des tirs de la part d’hommes armés se revendiquant du Courant du futur, le parti sunnite de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, notamment dans le quartier sunnite de Tariq al-Jdidé sur l’avenue Qasqas et la corniche Mazraa.
Le 21 octobre, la manifestation des militants du 14-Mars tourne aux affrontements dans le centre de Beyrouth.
Saad Hariri n’a pas cautionné la démarche de ces hommes, tout en réaffirmant sa détermination à "renverser le gouvernement de manière pacifique et démocratique", ce qui est dans "l'intérêt du Liban" selon lui. Pour le Courant du futur, membre de la coalition du 14-Mars formée en opposition à la mainmise syrienne sur les affaires libanaises, le gouvernement de Najib Mikati veut couvrir les auteurs de l’attentat de vendredi au nom de ses liens avec le régime syrien, fortement soupçonné d’être le commanditaire de l’explosion.
"Ces gens-là gâchent le Liban"
Djamel (pseudonyme) est un sunnite qui vit dans l'un des quartiers investi par des hommes armés depuis vendredi soir. Un quartier majoritairement sunnite dont il préfère ne pas donner le nom, de peur des représailles.
Cela fait quatre jours que je ne peux pas sortir de chez moi. Avec mes voisins, on se regarde par les balcons, l’armée nous fait signe de ne pas descendre. Les soldats encerclent le quartier, et sont au cœur d’affrontements avec des gens armés et cagoulés, qui font partie de la coalition du 14-Mars. Saad Hariri leur a ordonné, dimanche, de quitter les rues, mais ils refusent, arguant du fait qu’il est en France et qu’ils n’ont pas à suivre ses directives s’il n’est pas là. Depuis 9 heures ce matin, il y a des affrontements entre des partisans du 14-Mars et l’armée, qui a bénéficié de renforts de chars.
Les partisans du 14-Mars ont pris appui sur l’attentat de vendredi pour chercher à déstabiliser l’État libanais, afin de faire dissoudre le Parlement et former un nouveau gouvernement.
Ces personnes qui ont pris les armes, je les connais, beaucoup sont des jeunes de mon quartier et j’ai grandi avec eux. Ils tentent d’énerver tout le monde. Leur intérêt, c’est de se mettre en avant mais aussi de montrer qu’ils ont des armes et de créer une atmosphère propice à l’instabilité pour que le gouvernent tombe. Ils sont menaçants avec les passants : j’ai vu des femmes âgées passer dans la rue et se faire traiter de p*** par ces gens qui sont de leur propre quartier et de leur confession. Pire : ils ont sauvagement agressé un chiite qui voulait traverser le quartier et qui s’est retrouvé pris à parti dans un barrage sunnite. Ces gens-là gâchent le Liban.
"Leur attitude risque rapidement de retourner l’opinion publique contre eux"
Néanmoins, je ne pense pas que la situation puisse dégénérer plus que cela à Beyrouth. À Tripoli, les affrontements entre sunnites et alaouites ont commencé il y a des mois, mais, jusqu’à présent, il n’y a rien eu de ce genre à Beyrouth, ni entre alaouites et sunnites, ni entre chiites en général et sunnites. Ici, la majorité des gens a compris que ça ne servait à rien. D’ailleurs, aujourd’hui, des mouvements chiites ont demandé à leurs partisans de ne pas aller à l’école et au travail, afin d’éviter d’exacerber les tensions. De plus, j’ai le sentiment que les sunnites armés ne sont pas capables de s’entendre entre eux : j’ai vu des affrontements entre des factions issues de mon quartier et celle d’un autre quartier, pour savoir qui dirigerait les opérations de contrôle… Plus ils seront dans la rue, plus ils prendront confiance en eux, mais cela risque aussi de rapidement retourner l’opinion publique contre eux et de ne pas servir leur but, qui est de voir le 14-Mars retrouver le pouvoir.