Zimbabwe

Au Zimbabwe, on tire la chasse à l’unisson pour purger les égouts

 Tous ensemble, tirons la chasse d’eau un jour sur trois, à la même heure ! Il pourrait s’agir d’une blague de potache et pourtant, la recommandation vient d’être faite à un million et demi de Zimbabwéens. La municipalité de Bulawayo, deuxième ville du pays, entend déboucher des canalisations déjà obstruées.

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Tous ensemble, tirons la chasse d’eau un jour sur trois, à la même heure ! Il pourrait s’agir d’une blague de potache et pourtant, la recommandation vient d’être faite à un million et demi de Zimbabwéens. La municipalité de Bulawayo, deuxième ville du pays, entend déboucher des canalisations déjà obstruées.

 

La technique du "big flush", qui signifie "le grand tirage de chasse", a été inaugurée samedi dernier à 19h30 précises. L’objectif : éviter que les canalisations, déjà endommagées par une pénurie d’eau, ne s’engorgent de déchets. La synchronisation de l’action augmenterait la pression de l’eau dans les tuyaux et favoriserait l’évacuation. Pour la première tentative, les résultats n’ont pas été concluants. Mais la municipalité a d’ores et déjà demandé que l’opération soit renouvelée tous les trois jours.

 

Une bouche de canalisation asséchée. 

 

Depuis que le Zimbabwe est frappé par une grave sécheresse, les habitants de Bulawayo sont soumis à des restrictions d’eau très rigoureuses. Il y a près d’un mois, constatant que la plupart des réservoirs de la ville étaient à sec, la municipalité a décidé que l’eau de la ville serait coupée chaque semaine pendant trois jours.

 

Les pénuries d’eau sont un problème chronique au Zimbabwe, pays d’Afrique australe privé d’accès à l’océan, où trop peu d’investissements à long terme ont été opérés pour améliorer les systèmes d’approvisionnement et d’assainissement d’eau.

 

 

Ces photos ont été prises le 25 septembre dans le bidonville de Makokoba, à Buwalaya, par notre Observateur Mthokozisi Ndebele. 

"Dire que Bulawayo a été un jour la ville la plus propre du sud de l’Afrique…"

Mthokozisi Ndebele, étudiant en langues et communication à la Lupane State University, habite à Bulawayo dans le quartier de Norwood.

 

Deux des cinq barrages qui approvisionnent Bulawayo en eau sont complètement asséchés. Les trois autres sont sur le point de le devenir. Les premières restrictions d’eau ont été décidées en juin dernier, elles ont d’abord duré un jour, puis un jour et demi. Aujourd’hui, le rationnement dure 72 heures. Avec l’eau que nous recevons le lundi matin par exemple, nous remplissons des récipients pour tenir jusqu’au vendredi. Puis le samedi, l’eau est à nouveau coupée jusqu’au lundi. Et ainsi de suite.

 

Pour le moment, il n’y a pas de choléra, mais les gens redoutent une épidémie. Sans pouvoir se laver les mains correctement, nous sommes exposés à des maladies et à des infections. [en octobre 2011, 6 000 cas de diarrhée aiguë ont été dénombrés dans le sud du pays et en 2008, une épidémie a fait 100 000 victimes et tué 4 500 personnes, ndlr.]

 

Mthokozisi Ndebele a filmé ces images en avril 2012 dans le cadre du programme Voices of Africa, qui promeut des initiatives de journalisme citoyen en Afrique.

 

Tous les quartiers et tous les bidonvilles de Bulawayo ont leurs bouches d’égouts qui débordent et des canalisations défectueuses. Quand j’ai filmé ces images en avril, le problème existait déjà, mais la sécheresse a tout empiré. Aujourd’hui, les déchets et les eaux usées stagnent. La détérioration de la ville inquiète vraiment ici, surtout quand on sait que Bulawayo était autrefois perçue comme une des villes les plus propres du sud de l’Afrique [Bulawayo a connu un véritable âge d’or après sa création au milieu du 19e siècle, cumulant le statut de mégalopole industrielle, de foyer multiculturel et de ville la plus propre du Zimbabwe. Mais depuis une dizaine d’années, la ville peine à renaître de sa désindustrialisation, ndlr.]

 

Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.