Nos Observateurs syriens : "Le général Tlass ne peut pas diriger l’opposition, il a du sang sur les mains"
Publié le : Modifié le :
Seize mois après le début de la révolte en Syrie, l’un des piliers du régime, le général Manaf Tlass, a fait défection. Selon certains leaders de l’opposition, cet ami d’enfance de Bachar al-Assad a joué un rôle de premier plan pour guider le mouvement de répression. Nos observateurs à Homs, ville d’où est originaire le général, considèrent eux que Manaf Tlass doit d’abord répondre du sang qu’il a sur les mains.
Capture d'écran d'une vidéo tournée par des activistes syriens où le général Tlass apparaît en marionnette manipulée par le président Assad.
Actualisation (25-07-2012 / 10h30) : Dans une déclaration télévisée diffusée par la chaîne d'information al-Arabiya, le général syrien Manaf Tlass, a appelé les Syriens à "s'unir [...] et à faire l'impossible pour construire une nouvelle Syrie...qui ne devra pas être bâtie sur la vengeance, l'exclusion ou le monopole". Il s'est par ailleurs refusé à condamner les militaires loyalistes n'ayant pas encore fait défection.
Ce billet a été rédigé le 11-07-2012.
Seize mois après le début de la révolte en Syrie, l’un des piliers du régime, le général Manaf Tlass, a fait défection. Selon certains leaders de l’opposition, cet ami d’enfance de Bachar al-Assad a joué un rôle de premier plan pour guider le mouvement de répression. Nos observateurs à Homs, ville d’où est originaire le général, considèrent eux que Manaf Tlass doit d’abord répondre du sang qu’il a sur les mains.
Sa défection, annoncée le 5 juillet a été saluée par l’opposition syrienne qui voit en lui un acteur clé de la transition. Manaf Tlass, 50 ans, était l’un des plus proches collaborateurs de Bachar al-Assad. Membre du comité central du Parti baas, il était également aux commandes de la brigade 105, une unité d’élite de la Garde républicaine chargée de défendre la capitale. Il est désormais le plus haut gradé à avoir rompu avec le régime, qui fait face à une insurrection armée.
Cette vidéo est une parodie montrant le général Manaf Tlass en train d’annoncer sa défection. Il est représenté en marionnette dont les ficelles sont tirées par le président Assad. Postée le 09 juillet.
Citant une source à Damas, l’AFP indique que Bachar al-Assad aurait écarté le général Tlass après le refus de ce dernier de prendre la tête de l'unité chargée d’une offensive, en février-mars dernier, contre Baba Amr, un quartier de Homs alors tombé aux mains de rebelles. Selon cette même source, Manaf Tlass a choisi de partir après le refus de Bachar al-Assad de le faire passer du grade de général de brigade à celui de général de division.
Sa défection "constitue un coup énorme pour le régime d'Assad”, a affirmé Abdel Basset Sayda, le chef du Conseil national syrien, principale coalition de l'opposition syrienne à l'étranger.
Un autre des chefs de fil de l’opposition, Michel Kilo, a déclaré que Manaf Tlass “pourrait être amené à jouer un rôle-clé à l’avenir en Syrie ”.
"S’il ne rejoint pas l’Armée libre syrienne (ALS), il ne nous sera d’aucune utilité"
Abu Rami est porte-parole du “Conseil de la révolution" à Homs, ville d’où est originaire le général Manaf Tlass.
Pour nous, les défections sont toujours les bienvenues. Nous ne cessons d’exhorter les membres de l’armée à déserter et à rejoindre nos rangs, qu’ils soient simples soldats ou hauts gradés, issus de la Garde républicaine ou des Moukhabarate [services secrets]. Ils ont le devoir de le faire s’ils veulent que le peuple syrien leur pardonne un jour.
Nous avons salué la défection de hauts gradés de l’armée précédemment, comme nous saluons aujourd’hui celle de Manaf Tlass. Nous espérons maintenant qu’il rejoigne nos rangs.
Nous avons appris dans la presse qu’il a refusé de prendre la tête d’une unité pour attaquer le quartier de Baba Amr. Mais cela reste à prouver. Nous ne savons pas s’il a participé à la répression menée par le régime et s’il a du sang sur les mains.
Dans tous les cas, s’il ne rejoint pas l’Armée libre syrienne (ALS) et ne dénonce pas publiquement ce régime, il ne nous sera d’aucune utilité. Et il devra le payer cher. Il est d’ailleurs étonnant qu’il ait attendu aussi longtemps pour déserter. Pourquoi lui a-t-il fallu 16 mois [la révolte en Syrie a débuté par des manifestations à Damas le 15 mars 2011, ndlr] pour le faire, pour se rendre compte que ce régime est criminel ?
Sur cette vidéo, des insurgés de Homs réagissent à la défection du général Tlass. À 10'' : "Il ne s'agit pas d'une défection mais d'une fuite. Inchallah, il sera le permier des prisonniers" à la fin de la guerre.
Nous ne pouvons pas accepter que des gens qui ont fait défection au dernier moment viennent prendre la tête de la révolution, qui nous a déjà coûté des milliers de martyrs. Nous ne voulons pas non plus qu’il soit l’un de nos leaders pendant la phase de transition, ni qu’il occupe un poste à haute responsabilité dans la Syrie de demain. C’est à nous, les résistants, à qui il revient de choisir celui qui mènera la transition. Et ce sera ensuite au peuple syrien de prendre son destin en main, en choisissant ceux qui gouverneront le pays par des élections libres et indépendantes.
Ici à Homs, on parle beaucoup de sa défection. Bien sûr, la population s’est réjouie de cette nouvelle mais, dans le même temps, les gens connaissent son passé, savent qu’il a toujours fait partie du sérail [Issu d’une puissante famille sunnite, le général est le fils de l’ancien ministre de la Défense, Mustapha Tlass, ndlr].
"Il a senti le vent tourner"
Abu al-Fida activiste vivant dans le quartier de Khalidé.
La défection de Manaf Tlass n’a pas beaucoup d’importance pour nous. Certes, il apparait clairement maintenant que le régime de Bachar est en train de s’effriter. Mais parmi la population de Homs, Manaf est, au mieux, vu comme une personne qui a désormais choisi la neutralité vis-à-vis de la révolution.
Il ne faut pas oublier que ce général a un lourd passif, qu’il a baigné dans la corruption et participé à toutes les injustices commises par sa famille et celle de Bachar al-Assad. Il n’a, à ce jour, apporté aucun soutien aux insurgés, ni encouragé les désertions au sein de l’armée. Au début de la révolution, il avait même mené plusieurs raids meurtriers, en tant que général de brigade, sur des quartiers de Damas.
La raison de la désertion de Manaf est en fait toute simple : il a senti le vent tourner. Il sait que le nombre de déserteurs ne cesse d’augmenter, que l’Armée libre est en train de gagner du terrain et que la fin du régime est proche, alors il a pris peur et s’est enfui pour ne pas avoir à rendre compte de ses actes.