JAPON

Un Observateur japonais contre le nucléaire : "Nous avons peur d’un nouveau Fukushima"

 La compagnie Kansai Electric Power a relancé, dimanche, l’un des réacteurs de sa centrale nucléaire d'Ohi, dans l'ouest du Japon. Une décision symbolique puisque c'est la première centrale à reprendre une activité depuis la catastrophe de Fukushima, mais très contestée par une population encore traumatisée.  

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Manifestation près de la centrale de Ohi le 2 juillet. Photo de Fumiko Kawazoe

 

La compagnie Kansai Electric Power a relancé, dimanche, l’un des réacteurs de sa centrale nucléaire d'Ohi, dans l'ouest du Japon. Une décision symbolique puisque c'est la première centrale à reprendre une activité depuis la catastrophe de Fukushima, mais très contestée par une population encore traumatisée.

 

Depuis le 11 mars 2011, date de la catastrophe, tous les réacteurs nucléaires du Japon étaient à l’arrêt pour des raisons de sécurité et des opérations de maintenance. À Ohi, ces travaux ne seront pas achevés avant trois mois mais le Premier ministre, Yoshihiko Noda, a décidé la remise en service des réacteurs 3 et 4 de la centrale, provoquant la colère des Japonais. Une manifestation, d’une ampleur rare pour le pays, a réuni vendredi dernier à Tokyo des dizaines de milliers (selon la police) à 200 000 personnes (selon les organisateurs) devant le Parlement japonais, non loin de la résidence du Premier ministre.

 

Manifestation à Tokyo le 29 juin. Vidéo postée sur YouTube par dYPEDVVoL5aSnBsYnefh_w.

 

Pour expliquer cette décision, les autorités évoquent l’indépendance énergétique du pays mais aussi des raisons économiques. Privées d’énergie nucléaire depuis plus d’un an, les entreprises japonaises sont obligées de restreindre leur consommation. Résultat : elles perdent en compétitivité et subissent d’importants déficits commerciaux.

 

Malgré une inédite vindicte populaire, la centrale d'Ohi devrait reprendre du service dès mercredi 4 juillet.

 

 

 

Manifestation près de la centrale de Ohi le 2 juillet. Photos de Fumiko Kawazoe.

 

"Réactiver les réacteurs, c’est faire de l’argent"

Kenichi Kono, 35 ans, habite Tokyo. Il a pris part aux manifestations contre la réouverture du réacteur de la centrale d'Ohi.

 

Nous sommes très inquiets de ce qui pourrait arriver si un nouveau tremblement de terre de l’ampleur de celui du 11 mars 2011 se produisait. Les gens, ici, sont très en colère contre l’État et les entreprises parce que leur seul but, en réactivant ce réacteur, c’est de faire de l’argent. Ils ont pourtant bien vu tous les sacrifices qu’a fait la population et savent que la situation à Fukushima continue de poser beaucoup de problèmes. Je pense que nous avons assez d’électricité. Bien sûr, nous ne savons pas quelle énergie substituer au nucléaire, mais ce qui est clair, c’est que nous ne voulons pas d’un nouveau Fukushima.

 

"C’est la première fois qu’on voyait autant de gens faire preuve de tant d’énergie et de détermination pour le Japon"

 

Ces manifestations étaient une première au Japon. D’habitude, elles sont organisées par des associations ou des organismes politiques. Là, les gens sont venus spontanément, après s’être donnés rendez-vous sur Twitter ou sur Facebook quand ils ont appris la décision du Premier ministre. Il y avait des femmes au foyer, des enfants, des étudiants, des hommes d’affaires, des artistes et des retraités. C’est la première fois qu’on voyait autant de gens faire preuve de tant d’énergie et de détermination pour leur pays. Néanmoins, il n’y a pas eu de débordement, les rapports entre la police et les manifestants étaient respectueux. Nous étions environ 200 000 personnes et aucune n’a été arrêtée.

 

Je sais bien que rien ne changera. Les hommes politiques vont se mettre à parler d’autres sujets afin de faire oublier le problème de fond que pose le nucléaire.