YÉMEN

Bienvenue à Mansoura, un quartier d’Aden où l’armée tire à vue

 Depuis plus de 10 jours, le quartier de Mansoura à Aden est une zone à haut risque. L’armée yéménite a déployé ses chars et ses snipers sur l’artère principale de ce bastion traditionnel du mouvement séparatiste du sud. Et selon nos Observateurs sur place, elle tire à vue.  

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Des manifestants dispersés à balles réelles place des martyrs. Photo envoyée par un militant du Mouvement du Yémen du Sud. Elle aurait été prise le 15 juin.

 

Depuis plus de dix jours, le quartier de Mansoura à Aden est une zone à haut risque. L’armée yéménite a déployé ses chars et ses snipers sur l’artère principale de ce bastion traditionnel du mouvement séparatiste du sud. Et selon nos Observateurs sur place, elle tire à vue.

 

L’armée a lancé le 15 juin un assaut contre un campement dressé par des séparatistes sur la place des martyrs, au cœur du quartier Mansoura, faisant plusieurs blessés. La violence est montée d’un cran vendredi 22 juin quand les militaires ont ouvert le feu sur des manifestants qui accompagnaient un cortège funèbre qui se dirigeait vers la place des martyrs. Une vidéo postée sur YouTube montre la dispersion de la procession par des tirs nourris. Les images sont particulièrement violentes.

 

Vidéo montrant des manifestants fuyant les tirs de l'armée (postée le 15 juin).

 

Il est difficile d’obtenir des informations fiables sur le nombre des victimes, mais selon le bilan des militants indépendantistes, la répression aurait fait une dizaine de morts et plus de 30 blessés. L’armée affirme être intervenue dans le quartier Mansoura afin d’y débloquer la circulation.

 

Après le rattachement du sud au nord en 1990, une guerre civile avait éclaté en 1994 entre les sécessionnistes armés du sud et les forces du nord. Elle s'est conclue par la victoire du nord, qui a marqué la réunification finale du pays. Depuis, les regains de tensions sont réguliers avec les groupes armés locaux. En 2007, un mouvement séparatiste civil a par ailleurs été créé : le Mouvement du Yémen du Sud, lequel tente de mettre en avant une lutte pacifiste pour l’autonomie.

 

Les violences ont fait plus d'une trentaine de blessés selon le le Mouvement du Yémen du Sud (photo envoyée par un militant le 25 jun).

 

"Même les ambulances ne sont pas épargnées"

Mohamed al-Yazidi, médecin et militant au sein du Mouvement du Yémen du Sud.

 

Les unités de l'armée et les snipers sont toujours déployées dans Mansoura, autour de la place des martyrs. Le quartier est totalement vide, les magasins sont fermés. Les forces de l'ordre ont pillé des échoppes et aussi saccagé une exposition dédiée à nos martyrs. Les voitures, qui passent par les rues adjacentes à l'artère principale de Mansoura, essuient parfois des tirs. Même les ambulances sont visées. Il y a quelques jours [dans la nuit du 18 au 19 juin, ndlr], ils avaient fait irruption dans le centre de chirurgie de Médecins sans frontières pour tenter d'emmener un blessé.

 

Des unités de l'armée ouvrent le feu sur des manifestants accompagant un cortège funèbre à la place des martyrs, vendredi 22 juin.

 

À Mansoura, beaucoup d'habitants ont déserté leurs maisons. Ceux qui ont décidé de rester pour défendre leurs biens font partie, pour la plupart, des comités populaires créés au début de la révolution il y a plus d'un an [le soulèvement populaire qui a mené au départ du président Abdallah Saleh en janvier 2012, ndlr]. Parfois, ils ripostent avec des armes à feu quand l'armée s'approche de chez eux.

 

Des militants évacuent un blessé. Phtoto envoyée le 25 juin par un militant séparatiste. 

 

Nous allons organiser une marche après la prière du Asr [fin d'après-midi, ndlr] mais nous allons rester à 500 mètres de la place, sinon les militaires n'hésiteront pas à nous tirer dessus.

 

Des protestataires évacuant un blessé lors de la marche du 22 juin.

 

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Djamel Belayachi, journaliste à FRANCE 24.