Les Africains, cibles d'émeutes anti-immigrés à Tel Aviv : "Beaucoup d’Israéliens ont peur de se retrouver en minorité"
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La ville israélienne Tel Aviv a été secouée mercredi par de violentes émeutes visant les immigrés illégaux venus d’Afrique, plusieurs d’entre eux ayant été brutalisés par la foule. Des incidents qui soulèvent l’indignation d’une partie de la classe politique israélienne, mais qui a aussi amené plusieurs personnalités politiques à demander l’expulsion immédiate des quelques dizaines de milliers d’africains vivant illégalement sur le territoire.
La ville israélienne Tel Aviv a été secouée mercredi par de violentes émeutes visant les immigrés illégaux venus d’Afrique, plusieurs d’entre eux ayant été brutalisés par la foule. Des incidents qui soulèvent l’indignation d’une partie de la classe politique israélienne, mais qui a aussi amené plusieurs personnalités politiques à demander l’expulsion immédiate des quelques dizaines de milliers d’Africains vivant illégalement sur le territoire.
Le quartier Hatikva, dans le sud de Tel Aviv, où vit une grande partie des immigrés africains, a été mis à sac dans la nuit de mercredi après un grand rassemblement nationaliste. Plusieurs immigrés du quartier ont été insultés, battus ou se sont fait cracher dessus. Et les commerçants d’origine africaine ont vu leur boutique saccagée.
Une foule s'attaque à une voiture où se trouve un homme d'origine africaine après la manifestation de mercredi à Tel Aviv.
Le premier ministre Benjamin Netanyahou, issu du parti de droite le Likoud, a condamné dans un communiqué les attaques, tout en promettant de résoudre le problème de cette "infiltration" en renvoyant "bientôt" dans leur pays les personnes concernées. Trois jours auparavant, le Premier ministre avait mis en garde contre les "60 000 infiltrés [correspondant au nombre d’immigrés africains vivant illégalement en Israël] qui pourraient devenir 600 000 et entraîner l'éradication d'Israël en tant qu'État démocratique et juif. "
Le ministre de l’Intérieur Eli Yishai, quant à lui, a mis en garde contre l’"effondrement du rêve sioniste" et préconisé l’emprisonnement de tous les immigrants africains illégaux.
Yariv Oppenheimer, le dirigeant de l'association anti-discrimination La Paix Maintenant, a demandé au procureur général d'ouvrir des poursuites pour "incitation à la haine raciale" à l'encontre des députés du Likoud présents à la manifestation.
Une grande partie des 60 000 migrants africains vivant illégalement en Israël ont pénétré dans le pays au cours de la dernière décennie. Selon la police, ils seraient actuellement 700 à entrer sur le territoire chaque semaine. La plupart viennent du Soudan et d’Érythrée, en passant par la frontière égyptienne. Israël construit actuellement un mur de 200 km le long de cette frontière pour endiguer le phénomène.
Le Soudan étant un pays ennemi d’Israël, et l’Erythrée n'étant pas capable d'assurer les droits basiques de ses citoyens, l'État hébreu n’a, pour l’heure, pas renvoyé ces immigrés dans leur pays. Les autorités les laissaient jusqu’à présent vivre sur le territoire, sans pour autant donner suite à leur demande d’asile. Ce qui signifie qu’ils n’ont ni le droit de travailler ni la possibilité de bénéficier du système de santé. En 2011, sur 4 603 demandes d’asile, les autorités israéliennes en ont rejeté 3 962. Une seule a été approuvée.
La contre-manifestation organisé par des militants anti-racisme jeudi à Tel Aviv.
"Des manifestants exigeaient par mégaphone le renvoi de tous les clandestins africains. Ils étaient complètement exaltés"
David Sheen est écrivain et réalisateur à Tel Aviv. Il a réalisé un documentaire sur les immigrés africains en Israël et filmé de nombreuses manifestations anti-immigration dont celles de cette semaine. Sur une de ses vidéos, un groupe de manifestants insulte une Israélienne venue défendre les immigrés clandestins.
Les rassemblements anti-immigrés sont généralement organisés dans le sud de Tel Aviv car c’est là que vivent la plupart des clandestins, à proximité de la gare routière où ils s’arrêtent à leur arrivée dans la ville. Mardi, les militants de la droite dure, y compris certains députés, ont marché jusqu’aux locaux d’une organisation d’aide aux immigrés. Les employés du bâtiment avaient fermé un peu plus tôt pour éviter les violences. Sur place, des manifestants exigeaient par mégaphone le renvoi de tous les clandestins africains. Ils étaient complètement exaltés. Certains se sont mis à hurler sur les Africains qui passaient dans la rue sans aucun lien avec le rassemblement. Un peu plus loin, une dizaine d’entre eux regardaient de loin avec quelques Israéliens plus modérés. Mais rapidement les manifestants se sont adressés à eux en les menaçant, les contraignant à partir.
“Beaucoup d’Israéliens ont peur de se retrouver en minorité et par la suite, de redevenir la cible de persécutions ”
Le lendemain, les choses se sont envenimées. Des centaines de personnes se sont rassemblées sur un côté de la voie rapide, toujours dans le sud de la ville. La majorité des immigrés avait décidé de ne pas sortir. Puis des militants anti-racisme sont arrivés. Ils se sont fait violemment insultés, molestés et leurs pancartes ont été déchirées. Même traitement pour les journalistes et tous ceux qui souhaitaient filmer le rassemblement. J’ai moi-même été brutalisé. Je suis parti avant que ça se transforme en ‘pogrom’. [Plusieurs médias locaux, et notamment la radio officielle des forces de défense israélienne, ont fait le lien entre ces émeutes et des pogroms].
La colère envers les immigrés ne cesse de grandir en Israël, et même à Tel Aviv, considéré comme le bastion "libéral" du pays. Notre problème, c’est que nous n’avons pas une population immigrée qui contribue à notre économie et s’intègre puisque le gouvernement leur interdit de travailler. Évidemment, ils n’ont rien, donc certains volent et beaucoup sont sans abri.
Malgré cela, beaucoup craignent que les immigrés leur volent leur travail. Par ailleurs, beaucoup ont peur de se retrouver en minorité et par la suite de redevenir la cible de persécution. Pour moi, c’est de la paranoïa. Les immigrés illégaux originaires d’Afrique ne représentent qu’un pourcent de notre population. Malheureusement, certains pensent qu’ils ne devraient pas y avoir de non juif du tout en Israël. Les chefs religieux ultra-orthodoxes ont disséminé cette idée dans la population en édictant en 2010 la règle selon laquelle les juifs ne doivent pas louer leur propriété à des non juifs. Quand je pense que ces gens là sont payés par l’État ! Et les politiques ne sont pas en reste, en traitant les immigrés comme des sous-hommes [des personnalités politiques les ont qualifiés d’"infiltrés" et de "cancer de la société"] ils attisent la haine des Israéliens.