ESPAGNE

Coupes budgétaires en Espagne : "Les étudiants hors Union européenne vont trinquer bien plus que les autres"

 Les corps enseignant et estudiantin espagnols se sont mis en grève mardi 22 mai pour protester contre les coupes dans le budget de l’éducation, menées par le gouvernement, pour faire face à la crise de la dette. Parmi les mesures proposées, il est prévu que les communautés autonomes [l’Espagne est divisée en dix-sept régions autonomes] augmentent les frais d’inscription dans les universités. Si les étudiants espagnols sont bien sûr concernés, leurs homologues hors Union européenne sont encore plus pénalisés.

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Les corps enseignant et estudiantin espagnols se sont mis en grève mardi 22 mai pour protester contre les coupes dans le budget de l’éducation, menées par le gouvernement, pour faire face à la crise de la dette. Parmi les mesures proposées, il est prévu que les communautés autonomes [l’Espagne est divisée en dix-sept régions autonomes] augmentent les frais d’inscription dans les universités. Si les étudiants espagnols sont bien sûr concernés, leurs homologues hors Union européenne sont encore plus pénalisés.

 

En pleine cure d’austérité, le gouvernement de Mariano Rajoy a adopté le 21 avril un décret-loi concernant les frais universitaires qui, selon les autorités espagnoles, permettra d’économiser trois milliards d’euros.  Le texte oblige notamment les étudiants étrangers originaires des pays extracommunautaires à s’acquitter, à partir de la prochaine rentrée universitaire, de la totalité des droits d’inscription dans les universités publiques, l’État n’étant plus capable d’assumer une partie de frais qu'il prenait jusque-là à sa charge.  Les étudiants espagnols ou issus de l’Union européenne ne sont pas non plus épargnés par cette hausse, ils devront payer jusqu’à 50 % plus cher que l’année précédente.

 

"Non aux énormes frais universitaires dans l'éducation publique", peut-on lire sur la banderole portée par des étudiants extracommunautaires à Madrid le 22 mai.

 

Le régions du Pays basque et de l’Andalousie, deux régions socialistes, ont déjà fait savoir leur refus d’appliquer le texte tel quel et conditionnent son acceptation à une compensation par un accroissement du budget consacré aux bourses étudiantes.

 

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"Je n’imaginais pas que l’on puisse créer une distinction entre les élèves selon des critères de nationalité"

KDB est marocaine et étudiante ingénieur en télécom (3e année) à l’université polytechnique de Madrid.

 

Mardi 22 mai, c’est tout le monde de l’Éducation nationale qui s’est réuni pour manifester dans plusieurs communes d’Espagne, et en particulier dans les grandes villes universitaires que sont Madrid, Barcelone, Valence ou Grenade. Parents, enfants, enseignants, étudiants… Nous nous sommes tous mobilisés pour dénoncer les coupes budgétaires opérées par le gouvernement espagnol.

 

Ici, à Madrid, le défilé est parti sur les coups de 18h30 de la gare d’Atocha et a duré environ trois heures. Des milliers de gens sont descendus dans la rue, c’est d’ailleurs la première fois qu’une grève en Espagne rassemblait le monde de l’éducation dans son ensemble. [Du primaire à l’université. ] Selon les syndicats, 80 % du personnel a pris part au mouvement, tandis que les autorités annoncent un peu moins de 23 %. Pour moi, le gouvernement fait un travail de désinformation prodigieux pour affaiblir le phénomène.

 

Certains étudiants considèrent cette mesure comme un acte xénophobe (lire pancarte au centre).

 

Les extracommunautaires, dont je fais partie, vont devoir payer beaucoup plus cher que les citoyens espagnols. Quand ces derniers devront s’acquitter de 1 500 euros en moyenne contre 1 000 euros aujourd’hui, nous serons sommés de débourser jusqu'à dix fois plus qu’auparavant. [ Selon la loi, certains étrangers seront amenés à payer 100 % du coût réel de leur enseignement ]

 

Que l’Espagne soit frappée de plein fouet par la crise, c’est une réalité contre laquelle le gouvernement se doit d’agir. Mais je ne m’attendais pas à des mesures aussi drastiques et discriminatoires à l’égard des étudiants hors Union européenne. Je n’imaginais pas que l’on puisse créer une distinction entre les élèves selon des critères de nationalité.

 

L’objectif des étudiants extracommunautaires est de faire bloc avec nos alter-ego espagnols pour combattre cette loi. Il faut les sensibiliser à notre cause, que la plupart d’entre eux ignore, car la mesure n’a pas été spécifiquement votée pour nous. Seul le dernier chapitre du texte fait état des dommages que l’on va subir.

 

Le gouvernement considère que l’étudiant hors Union européenne - lequel doit au moins justifier de 500 euros par mois de revenus pour bénéficier d’un visa – vient étudier en Espagne parce qu’il peut financièrement se le permettre et que de ce fait il ne souffrira pas de la hausse du prix des inscriptions. C’est une vision simpliste et erronée ! Au Maroc, des parents n’hésitent pas à s’endetter pour que leurs enfants jouissent d’un enseignement de qualité à l’étranger.

 

Par ailleurs, cette réforme risque de démanteler le service public. Le tarif d’entrée des universités sera bientôt plus élevé que celui pratiqué par les établissements privés. Que croyez-vous que les étudiants vont faire ?

 

Une étudiante s'interroge sur la somme de 9 000 euros que pourraient être amenés à débourser ses camarades estracommunautaires.

 

L’Espagne compte sur son sol plus de 3 000 étudiants marocains, c’est l’avenir de chacun d’entre nous qui est menacé.  En septembre, je vais entamer ma 4e année d’étude, mais je ne sais pas encore dans quel pays. Si je ne peux pas rester en Espagne, ce sera en France, en Belgique, là où je pourrai payer.

Si aujourd’hui j’étudie à Madrid, c’est parce que j’ai réussi un concours que j’ai passé en candidat libre. Mais extracommunautaire de mon état, je n’ai droit à aucune bourse et aucune aide sociale – pas de carte sanitaire [l’équivalent de la carte vitale], pas d’aide au logement, etc…

 

Nous, les étrangers, allons participer à d’autres manifestations en évitant toujours qu’elles aient un caractère communautaire. Nous voulons rester solidaires des étudiants espagnols. Rassemblés, nous avons de meilleures chances de nous faire entendre.