THAïLANDE

Mort en prison pour quatre SMS de "lèse-majesté"

 Des centaines de Thaïlandais ont rendu mercredi soir un dernier hommage à "Oncle SMS", un grand-père condamné à 20 ans de prison pour insulte à la monarchie et qui est décédé mardi 8 mai en prison. Son crime ? Des textos jugés "offensant" pour la royauté thaïlandaise.   

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Protestation contre la loi sur le crime de lèse-majesté lors des funérailles d'Ampon. Photo publiée sur ce blog.

 

Des centaines de Thaïlandais ont rendu mercredi soir un dernier hommage à "Oncle SMS", un grand-père condamné à 20 ans de prison pour insulte à la monarchie et qui est décédé mardi 8 mai en prison. Son crime ? Des textos jugés "offensant" pour la royauté thaïlandaise. 

 

À 62 ans, Ampon Tangnoppakul a succombé à un cancer du foie. Il avait été condamné, en novembre dernier, à 20 ans d’emprisonnement pour crime de lèse-majesté, une loi particulièrement sévère punissant les insultes envers la royauté. Selon les autorités thaïlandaises, le vieil homme aurait envoyé quatre SMS insultants sur la reine à un membre du gouvernement. Ampon a toujours nié les faits, expliquant qu’il ne savait même pas envoyer des textos. Comme l’exige la loi, le contenu de ces messages n’a pas été communiqué. Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits ont eu beau exprimer leur indignation, Ampon a été jugé coupable.

 

Cette vidéo des funérailles d'Ampon a été filmée par un bloggeur thaïlandais et publiée sur YouTube

 

L'épouse d'Ampon Tangnoppakul a décidé d’organiser les obsèques devant la cour criminelle de Bangkok pour rappeler aux Thaïlandais la nécessité de modifier l’article 112 du Code pénal, qui prévoit une peine de 15 ans ou plus à quiconque insulte la monarchie ou la famille royale. Un texte en vigueur depuis 1908. La veuve considère par ailleurs que son mari n’a pas reçu en prison un traitement adéquat pour le cancer dont il souffrait, accusation que récusent les autorités.

 

Même si elle ne gouverne plus, la famille royale reste un sujet sensible en Thaïlande. Le roi Bhumibol Adulyadej, qui règne depuis 1950, est profondément aimé. Il est considéré comme une figure d’apaisement dans un pays qui a connu des troubles politiques.

 

Le nombre de crimes de lèse-majesté a brusquement augmenté ces dernières années. Il est passé de 33 en 2005 à 478 en 2010. Selon les opposants, c’est un moyen pour le régime d’étouffer l’opposition. L’un des dossiers en cours concerne le webmaster d’un site d’information libéral accusé de crime de lèse-majesté pour ne pas avoir supprimé assez rapidement des commentaires d’internautes "outrageants".

 

Ampon Tangnoppakul n’était pas politisé mais de nombreux militants du Front uni pour la démocratie contre la dictature, les fameuses "Chemises rouges" qui s’étaient opposées au coup d’État militaire en 2006, étaient présents à la veillée.

 

La foule qui s'est rassemblée pour ses funérailles s'est dispersée dans la rue et a bloqué la circulation. Photo publiée sur ce blog.

"Ceux qui sont accusés de crime de lèse-majesté risquent d’être emprisonnés aussi longtemps que s’ils avaient tués quelqu’un"

Ruud est un steward qui vit à Bangkok.

 

Je ne me considère pas comme un activiste, mais je soutiens les Chemises rouges. Ses membres n’étaient cependant pas les seuls présents à la veillée. Il y avait également des gens ordinaires, issus de toutes les classes sociales, qui souhaitaient exprimer leur respect au défunt ainsi que leur désarroi face à l’injustice dont ils souffrent.

 

C’est une affaire très triste, mais elle a permis de discuter de la loi sur le crime de lèse-majesté. La participation a été exceptionnelle sachant que cette affaire n’est pas relayée par les médias. Organiser les funérailles devant la cour criminelle a causé un énorme embouteillage. Mais même ça les médias ne l’ont pas mentionné.

 

Les manifestants se sont rassemblés devant une oeuvre représentant Ampon, devant la cour criminelle de Bangkok, mercredi. Photo de notre Observateur, Ruud.

 

 

“J’aimerais voir amendée la loi sur le crime de lèse-majesté, afin que des gens comme Amon ne finissent pas en prison”

 

 

Actuellement, n’importe qui en Thaïlande peut accuser quelqu’un d’autre de crime de lèse-majesté et la charge de la preuve n’est pas assez forte. Dans le cas d’Ampon, le juge a admis dans son verdict qu’il n’y avait aucune preuve définitive montrant qu’Ampon avait envoyé le message lui-même, mais il s’est tout de même dit convaincu que c’était lui. C’est dingue.

 

Il y a également la question de la sentence. Les personnes accusées de crime de lèse-majesté risquent d’être emprisonnées aussi longtemps que si elles avaient tué quelqu’un. C’est totalement disproportionné.

 

 

Une femme prie pour Ampon à ses funérailles. Photo de notre Observateur, Ruud.

 

Je pense que la plupart des gens en Thaïlande ne veulent plus de cette loi, mais si vous leur demandez en quoi elle consiste précisément, ils ne peuvent pas vous répondre. Ça ne me gênerait pas que la loi disparaisse, mais je serais déjà content si elle était amendée, pour que des gens comme Ampon ne finissent pas en prison.

 

Un portrait d'Ampon. Photo offerte par David Williams.