RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Mais qui décapite les petits bonshommes verts de la circulation ?

 Depuis plusieurs jours, de petits bonshommes sans tête envahissent les grandes villes de République tchèque. Mais rien à voir avec un film de zombie.

Publicité

 

Depuis plusieurs jours, de petits bonshommes sans tête envahissent les grandes villes de République tchèque. Mais rien à voir avec un film de zombie...

Les victimes de cette sauvagerie ne sont autre que les pictogrammes des feux de circulation. L’objectif est de soutenir l’artiste Roman Týc, emprisonné la semaine dernière parce qu’il refusait de payer une amende reçue dans le cadre de son travail.

Týc, de son vrai nom David Hons, a été le premier à personnaliser les rues du pays en 2007, en remplaçant les lentilles colorées d’une cinquantaine de feux de circulation par des figures aux activités moins conventionnelles : certaines buvaient, urinaient ou étaient pendues à une corde. 

Intitulé “Semaphores”, le travail de Týc lui a valu le premier prix du festival Sidewalk Cinema de Vienne. Mais à son retour en République tchèque, l’artiste a été condamné par la justice à payer 80 000 couronnes (3 200 euros) pour les dommages causés par son travail sur les feux de signalisation ainsi que 60 000 couronnes (2 400 euros) d’amende. Týc, qui a remboursé la première somme, a en revanche refusé de payer le seconde et a été, par conséquent, condamné à un mois de détention.

Quand il est arrivé à la prison Pankrac de Prague, le 24 février, pour purger sa peine, l’artiste a été accueilli par des dizaines de personnes venues lui apporter des gâteaux en signe de solidarité.

 

 

Un des gâteaux apportés à Týc. Photo postée parlastminutemanagement.com.

 

Peu après, c’est sur les feux de signalisation de la ville que s’est prolongé l’élan de solidarité. La campagne s’intitule : "Les figures de piéton perdent la tête pour Týc." Mais le collectif artistique tchèque Ztohoven Group, que Týc a co-fondé, affirme ne pas savoir qui est responsable de ces décapitations

 

 

 

 

Photos :  Lenka Šindelářová, Bet Orten, Karla Bronská et Jindřich Středa.

"C’est tout de même dérangeant que le président tchèque décide de gracier de véritables criminels et qu’un artiste soit obligé de passer par la case prison"

Petr Vidensky, 36 ans, dirige une petite entreprise d’événementiel à Prague. Avec sa femme, ils ont organisé le rassemblement du 24 février devant la prison de Pankrac.

Tout a commencé quand ma femme a décidé de faire un cake marbré pour que Roman Týc puisse l’emporter en prison. Puis, on a eu l’idée de proposer la même chose à d’autres personnes et on a lancé l’appel sur Facebook.

C’est tout de même dérangeant que le président tchèque décide de gracier de véritables criminels, mais qu’un artiste soit obligé de passer par la case prison. Comment une personne, primée en Autriche pour son travail, peut-elle être verbalisée et emprisonnée pour ce même travail dans son pays ? Sans compter que Týc a déjà payé pour les dommages. Tout cela est absurde.

En organisant le rassemblement, on a voulu dire aux autorités : "On voit ce qui se passe et on n'aime pas ça !"  Les gens comme Týc ou Smetana [un chauffeur de bus d'Olomouc, dans l'est du pays, condamné à 100 jours pour avoir défiguré des affiches de campagne avant les législatives de 2010]  ne sont pas des criminels et ne méritant donc pas des peines de prison.

Finalement, Týc n’a pas pu prendre les gâteaux pour une question de sécurité. On les a donc donnés à l’Armée du Salut.

 

 

La pétition qui demande à ce que Týc soit gracié a déjà recueilli 6 000 signatures. Photo postée sur Facebook par lastminutemanagement.com.

 

Nous vivons en démocratie. Je suis déjà allé dans des pays où le peuple est opprimé. J’ai le sentiment que tout ça aurait pu se passer en Biélorussie, mais que ça n’aurait jamais dû arriver ici."

Billet écrit avec Ostap Karmodi, journaliste.