Un trajet de 250 kilomètres à pied pour demander le jugement du président Saleh
Depuis mardi, plusieurs milliers de Yéménites marchent de Taëz vers Sanaa, la capitale du pays. L’objectif de ces manifestants de la première heure reste inchangé malgré la signature, il y a un mois, d’un accord de transition entre le président et l’opposition. Ils exigent toujours le démantèlement total et immédiat du régime mais aussi et surtout le jugement de ses responsables.
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Des milliers de Yéménites marchent vers Sanaa en arborant une banderole où ils ont écrit "la marche de la vie".
Depuis mardi 20 décembre, plusieurs milliers de Yéménites marchent de Taëz vers Sanaa, la capitale du pays. L’objectif de ces manifestants de la première heure reste inchangé malgré la signature, il y a un mois, d’un accord de transition entre le président et l’opposition. Ils exigent toujours le démantèlement total et immédiat du régime mais aussi et surtout le jugement de ses responsables.
Sur quatre jours, les protestataires vont faire 250 kilomètres à pied dans le cadre de ce qu’ils ont appelé "la marche de la vie". Une marche qui a lieu près d’un mois après la signature de l’accord de Riyad par le très contesté Ali Abdallah Saleh. Selon les termes de cet accord, le président demeure président honorifique du Yémen pendant 90 jours avant de transmettre le pouvoir à son vice-président pour une période de transition de deux ans, au bout de laquelle des élections législatives et présidentielle seront organisées. Un accord décrié par de nombreux manifestants notamment parce qu’il permet au président Saleh, ainsi qu’aux membres de sa famille qui contrôlent les principaux organes de sécurité de l’Etat, de se retirer sans être inquiétés par la justice.
Les marcheurs prêtent sermon et promettent de rester fidèles à la révolution juste avant le départ du cortège mardi matin. Une vidéo publiée sur YouTube par TaizPress.
"Il est hors de question pour nous de retourner à Taëz sans obtenir gain de cause"
Bassel al-Saqf fait partie des jeunes révolutionnaires qui marchent de Taëz vers Sanaa.
L’appel a été lancé par les jeunes révolutionnaires de Taëz qui rejettent depuis le départ l’initiative du Golfe. Cela fait un mois que nous en parlons autour de nous, soit par bouche-à-oreille, soit en faisant du porte-à-porte. L’appel à marcher jusqu’à Sanaa a aussi été lancé à travers les slogans de nos manifestations. Finalement, nous avons réussi à mobiliser des milliers de gens. Les marcheurs partis de Taëz sont essentiellement composés de jeunes révolutionnaires hommes et femmes, mais aussi de membres d’organisations des droits de l’Homme ainsi que des médecins. Il y a aussi d’anciens membres de l’opposition qui ont pris leurs distances avec les partis [une coalition constituée des principaux partis politiques d’opposition a cosigné avec le président Saleh l’initiative du Golfe ndlr]. Mais nous n’avons pas pu diffuser l’information plus largement vers les autres villes du pays à cause des coupures d’électricité fréquentes. Quelques groupes de jeunes révolutionnaires des villes voisines étaient au fait de notre arrivée mais la plupart des habitants apprenaient cela peu avant notre passage par leur ville. Cela se passe vraiment au jour le jour, étape par étape.
Ce n’est pas par hasard que cette marche est partie de Taëz car notre ville a été l’une des premières à rejoindre le mouvement lancé en janvier. Sans parler du nombre important de victimes tombées dans nos rangs.
Le cortège s’est mis en branle mardi matin depuis la Place de la liberté. Nous avons décidé de faire tout le chemin à pied car il s’agit aussi d’une action symbolique et notre effort influencera davantage l’opinion publique. Les quelques voitures qui nous accompagnent sont réservées aux femmes. Notre première escale a été la ville d’Al Qaida puis celle d’Ibb où nous avons passé la nuit. Mercredi, nous nous sommes arrêtés à Yérim et aujourd’hui nous voici à Zamar. C’est la dernière étape avant la capitale Sanaa demain. Dans les villes où nous faisons escale, nous dormons principalement dans les mosquées ou les salles des fêtes, d’autres dorment sous des tentes sur les places. Nous avons seulement pris de quoi tenir pour le premier jour car nous comptons sur la solidarité entre Yéménites. À chaque ville, l’accueil des habitants est très chaleureux : ils accourent vers nous et nous offrent l’hospitalité [lors de l’entretien téléphonique avec notre Observateur, les tirs de joie et les klaxons étaient audibles ndlr]. À chaque ville des manifestants ont grossi nos rangs. J’ai également appris ce matin que des cortèges de voitures sont partis des villes d’Al Hodeidah et d’Al Bayda vers la capitale.
Nous nous dirigeons vers Sanaa avec la volonté ferme de demander le départ de Saleh et de tout son régime, son jugement et l’instauration d’un Etat civil [Saleh est un militaire de carrière et son fils est actuellement le chef de la Garde républicaine ndlr]. Permettre à Saleh de quitter le pouvoir sans être jugé pour le meurtre des manifestants est une humiliation pour tous les Yéménites. S’il s’agit juste de manifester, pas besoin d’aller à Sanaa, nous pouvions le faire à Taëz. Notre but vendredi est de fusionner avec les jeunes révolutionnaires de Sanaa pour organiser des sit-in devant des lieux symboliques comme le Parlement ou le palais présidentiel. Mais nous sommes également décidés à bloquer toutes les rues et à paralyser la vie de la capitale. Il est hors de question pour nous de retourner à Taëz sans obtenir gain de cause."
Le cortège de la marche.