L’accord de Riyad divise la rue yéménite
On aurait pu croire que la rue yéménite retrouverait le calme avec la signature à Riyad d’un accord entre Ali Abdallah Saleh et l'opposition. Mais les manifestants continuent à compter leurs morts alors que les Yéménites sont désormais divisés. Pour ou contre l’accord de Riyad, nos Observateurs nous expliquent leur position.
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"Fidèles au sang des martyrs, pas d'impunité ni de garantie pour les assassins." Capture d'écran de la vidéo d'une manifestation à Sanaa, jeudi 24 novembre.
On aurait pu croire que la rue yéménite retrouverait le calme avec la signature d’un accord à Riyad entre Ali Abdallah Saleh et l'opposition. Mais les manifestants continuent à compter leurs morts alors que les Yéménites sont désormais divisés. Pour ou contre l’accord de Riyad, nos Observateurs nous expliquent leur position.
La quatrième fois aura été la bonne pour le président yéménite Ali Abdallah Saleh : après trois refus, il a enfin accepté de signer à Riyad un accord avec l’opposition prévoyant son départ. Celui-ci restera au pouvoir pendant trois mois à titre honorifique avant de céder les rênes du pays à l’opposition.
Cet accord a cependant été rejeté par les jeunes manifestants car ni Saleh ni sa famille ne pourront être traduits en justice. Les manifestations se sont donc poursuivies jeudi et vendredi dans la capitale, Sanaa, où elles ont fait cinq morts hier.
Signé à Riyad, l’accord a reçu l’appui des pays du Golfe où Saleh et sa famille pourraient s’installer, peut-être dans les prochains jours. En effet, depuis la signature de l’accord avec l’opposition mercredi, le président yéménite n’est toujours pas rentré à Sanaa. Les partisans du régime de Saleh ont également manifesté, appelant à ce que la transition ait lieu via des élections et non via une passation de pouvoir à l’opposition.
"Saleh comme l’opposition ont fait passer notre contestation pour une simple crise politique alors que nous appelons à un changement radical"
Ahmed Abbas Al-Bacha est militant à Taëz.
A Taëz, les manifestations ont repris dès mercredi soir, après la signature de l’accord à Riyad, et des violences ont marqué la journée de jeudi.
Nous contestons la signature de cet accord qui est à nos yeux une conspiration contre le peuple yéménite. D’abord, nous sommes opposés à ce que le président Saleh et ses proches bénéficient d’une impunité malgré la répression violente qu’ils ont ordonné. Ensuite, Saleh et l’opposition ont fait passer notre contestation pour une simple crise politique alors que nous appelons à un changement radical. Nous continuons donc de manifester jusqu’à réaliser une véritable révolution. Nous sommes une minorité à refuser cet accord. Mais il est faux de dire que toute l’opposition l’a signé. Certes, les leaders politiques de la "rencontre collective" [coalition qui réunit les principaux partis de l’opposition ndlr] y ont pris part mais des petits partis, notamment de gauche, s’y sont ouvertement opposés. Et ce sont ces gens-là que nous voudrions voir assurer la transition en attendant la tenue d’élections transparentes. Seule la rupture totale avec l’ancien régime peut garantir au Yémen un lendemain meilleur, sans violence ni tribalisme."
Manifestation à Sanaa jeudi contre la signature de l'accord.
"Si l’opposition n’avait pas accepté cet accord, on aurait eu un bain de sang"
Fawaz Al-Khalidi a manifesté plusieurs mois contre le régime. Il approuve aujourd’hui la signature de cet accord.
Ce n’est certes pas la meilleure issue possible, mais c’est la seule que nous ayons. Je comprends ceux qui sont insatisfaits mais il n’y a eu aucune autre proposition de faite de la part des contestataires. Si l’opposition n’avait pas accepté cet accord, il y aurait eu un bain de sang. Après tout, avec le départ de Saleh, la contestation aura au moins réalisé l’un de ses objectifs.
Maintenant, la priorité est de former un gouvernement d’union nationale et de restructurer l’armée. Pour la suite, il faut que les leaders politiques instaurent également un dialogue avec nous, les jeunes de la révolution qui avons mené ces manifestations. Concernant le jugement de Saleh et de ses proches, il ne faut pas non plus désespérer. Les accords n’engagent que ceux qui les signent. Rien n’indique que les familles des victimes n’ont pas le droit de demander justice en faisant pression au travers d’associations et peut-être qu’elles pourront un jour faire sauter cette immunité. Pour ce faire, il nous faut nous mobiliser pour s’assurer que la justice soit indépendante."
Des protestataires agressés par les forces de l'ordre durant la même manifestation.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24.