CHINE

Ceci n’est pas de la pornographie...

 Vendredi dernier, une enquête a été ouverte par Pékin sur un collaborateur de l’artiste contestataire Ai Weiwei au motif que ses photographies de nus seraient "pornographiques". Une énième atteinte à la liberté artistique que les internautes ont choisi de condamner en se photographiant, à leur tour, en tenue d’Adam.

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Vendredi dernier, une enquête a été ouverte par Pékin sur un collaborateur de l’artiste contestataire Ai Weiwei au motif que ses photographies de nus seraient "pornographiques". Une énième atteinte à la liberté artistique que les internautes ont choisi de condamner en se photographiant, à leur tour, en tenue d’Adam.

 

La photo en question a été prise il y a un an. Ai Weiwei y posait nu avec quatre femmes devant l’objectif de Zhao Zhao, un de ses assistants, dans le cadre d’une photo intitulée "Un tigre, huit seins". Ce n’est pourtant que jeudi qu'il a été interrogé par les services de police chinois, qui l’accusent d’avoir diffusé en ligne des contenus "obscènes". Immédiatement, une campagne a été lancée par les internautes, qui voient dans ces allégations une énième attaque ciblant l’artiste dissident Ai Weiwei. Des dizaines de personnes ont alors posé nues et posté leur photo sur le site de la campagne "Listen Chinese Government, Nudity is not Pornography". ["Vous m’entendez les autorités, la nudité n’est pas de la pornographie "]

 

 

Interrogé sur la définition du terme "obscène", le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Weimin, a botté en touche et signalé qu’Ai Weiwei faisant l’objet d’une enquête pour évasion fiscale.

 

Le 3 avril dernier, Ai Weiwei avait été arrêté par la police chinoise à l'aéroport de Pékin, alors qu'il devait prendre un vol pour Hong Kong. Il était accusé d’évasion fiscale en qualité de "gestionnaire" de Beijing Fake Cultural Development, une compagnie créée par sa femme. Après deux mois de détention, il a été libéré sous caution en juin dernier pour "bon comportement". En novembre, il a toutefois été condamné à payer 15 millions de yuans (1,7 million d’euros) au fisc chinois dans un délai de 15 jours. L’artiste a répondu à ces accusations en déclarant : "Nous avons demandé d'où venait ce chiffre, ils n'ont pas pu fournir une réponse claire. Si c'est un problème fiscal, je paierai. Dans le cas contraire, je ne paierai pas." Une grande collecte a alors été organisée par 30 000 internautes et citoyens pour l'aider à contester ce redressement fiscal. L’artiste a pu verser la garantie nécessaire de 6,7 millions de yuans (752 000 euros) pour interjeter appel de la décision de justice - une somme qu’il dit vouloir rembourser au centime prêt à ses généreux créanciers.

 

L’artiste, âgé de 54 ans, avait contribué à l'architecture du "Nid d'Oiseau", le stade olympique dans lequel s'étaient déroulés les Jeux d'été à Pékin en 2008. Il est aussi un des 303 intellectuels et activistes signataires de la Charte 08 qui réclame un changement démocratique en Chine.

"Cette campagne de photo relève déjà de l’œuvre artistique"

Zhang Zhen travaille dans le bâtiment à Zhangzhou, dans la province du Fujian.

 

J’ai décidé de poser nu pour soutenir Ai Weiwei et j’ai ensuite posté ma photo sur Internet. Et je ne vois pas du tout en quoi ce geste est "obscène". C’est simplement une façon d’exprimer ma liberté individuelle. J’ai d’abord entendu parler de cette campagne sur Weibo. Beaucoup de photos circulaient sur le Net au début, mais elles ont rapidement été effacées. L’objectif de la campagne est de montrer que la nudité n’est pas synonyme de pornographie. Cette campagne de photos relève d’ailleurs d’une démarche artistique.

Ai Weiwei n’est coupable de rien. Les actions entreprises par les autorités à son encontre tiennent de la persécution politique.

 

"Lorsqu’il a été accusé de fraudes par le fisc, je lui ai envoyé un peu d’argent en signe de solidarité"

 

Ai est un grand homme et il faut preuve de beaucoup de courage. Il n’a jamais abandonné sa lutte en faveur des laissés-pour-compte et des persécutés. Lors du tremblement de terre du Sichuan en 2008, des milliers d’écoliers ont été ensevelis sous les décombres de leur écoles et c’est lui qui s’est battu pour publier la liste des noms des victimes.[Après le tremblement de terre, l’artiste a lancé sur son blog le Sichuan Earthquake Names Project, alors que les autorités se refusaient à donner des statistiques ainsi que les noms des victimes]. Il a, par ailleurs, apporté son soutien à l’activiste Tan Zuoren qui demandait une enquête indépendante sur les causes du très lourd bilan du séisme. [L’activiste mettait notamment en cause la mauvaise qualité de certaines constructions. Il a été condamné à 5 ans de prison pour "incitation à la subversion"].

 

L’année dernière, l’oeuvre principale d’Ai Weiwei était un parterre géant de 100 millions de graines de tournesol en porcelaine [exposé à la Tate Gallery à Londres]. Après cette exposition, il a fait savoir sur Twitter qu’il souhaitait offrir ces graines en cadeau. Je lui ai envoyé un mail et quelque temps après j’ai reçu deux graines en porcelaine par la poste. Et lorsqu’il a été accusé de fraudes par le fisc, je lui ai envoyé un peu d’argent en signe de solidarité. [En novembre, l'artiste aurait reçu plus de 752000 euros de soutien grâce aux dons de 30 000 contributeurs]."

 

Toutes ces photos ont été postées sur le site "Listen Chinese Government, Nudity is not Pornography".