Une hausse d’impôt enflamme les commerçants de Zhili
Plus d’un millier de commerçants ont déferlé dans les rues de Zhili, à l’est de la Chine, la semaine dernière, pour protester contre l’augmentation des taxes sur leurs affaires. Dans un climat social tendu, la mobilisation a tourné à l’émeute.
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Un bus de police incendié, dans la ville de Zhili. Photo postée sur le réseau social chinois Weibo.
Plus d’un millier de commerçants ont déferlé dans les rues de Zhili, à l’est de la Chine, la semaine dernière, pour protester contre l’augmentation des taxes. Dans un climat social tendu, la mobilisation a tourné à l’émeute.
Mercredi, la propriétaire d’un magasin de vêtements pour enfant de la ville de Zhili, dans la province du Zhejiang, a été la première à refuser de s’acquitter de la taxe au motif que l’augmentation était bien trop importante comparée à l’année précédente. Les habitants du quartier rapportent qu’elle aurait été physiquement agressée par le collecteur d’impôts après son refus. Selon les médias officiels, la victime aurait alors rassemblé plusieurs autres commerçants pour se rebeller - notre Observateur affirme lui que le groupe souhaitait simplement négocier une baisse des impôts – et la situation a dégénéré.
D'après des témoignages, les travailleurs migrants auraient saisi cette occasion pour exprimer eux aussi leur colère contre ce qu’ils perçoivent comme une discrimination. Ces derniers affirment, en effet, être assujettis à des taxes plus importantes que les commerçants locaux.
Et comme après chaque mouvement de révolte en Chine, le gouvernement a tout mis en œuvre pour empêcher l’information de circuler. Sur Internet le mot "Zhili" a été bloqué sur les moteurs de recherche chinois, ainsi que sur les réseaux sociaux.
Les émeutiers attaquent un bus de la police, visiblement laissé sans surveillance, avec des pierres ; ils tentent ensuite de le retourner.
"La taxe est passée de 300 à 625 yuans en un an"
M. Wan est commerçant à Zhili.
Avec ma femme, nous avons déménagé de notre province de Jiangxi [frontalière de la province du Zhejiang] à Zhili en 1998. Nous tenons ensemble un magasin de vêtements pour enfants. Beaucoup de travailleurs migrants s’installent ici, avec des amis de leurs villages, pour monter des affaires dans ce secteur. Selon la loi, les propriétaires doivent tous payer des taxes sur cinq machines à coudre, même s’ils en ont moins. Nous, nous en avons seulement deux mais nous payons pour cinq. L’année dernière, la taxe s’élevait à 300 yuans [soit 33€] par machine, mais cette année elle est passée à 625 yuans [environs 70€]. Nous considérons que c’est trop élevé.
Le 26 octobre, une femme a refusé de payer et a été battue par les collecteurs, à tel point qu’elle a été hospitalisée. Les travailleurs ont ensuite lancé une grève pour négocier une baisse de l’impôt. Dans l’après-midi, nous étions plusieurs milliers à nous diriger vers les bureaux du gouvernement local. Les autorités ont dû déployer toutes les forces de police de la ville de Zhili. Nous avons déclaré que les taxes étaient trop élevées et que nous ne pouvions plus accepter cette situation. Mais le gouvernement a campé sur ses positions. Je suis ensuite rentré chez moi, mais je sais que la police a battu de nombreux manifestants après mon départ. Un homme qui travaille juste a côté de mon magasin a été arrêté.
Les manifestants défilent dans les rues de Zhili.
"C’est quasiment impossible de gagner contre le gouvernement. Je finirai par payer"
Dans la soirée, des travailleurs très en colère ont essayé de détruire une Audi, mais le conducteur a pu s’enfuir en renversant plusieurs personnes sur son passage. À partir de là, les choses ont vraiment dérapé. J’ai vu des dizaines de véhicules détruits, retournés ou brûlés, notamment des voitures de police. Certains ont profité de la situation pour semer le chaos. Je ne sais pas qui ils sont. Vendredi aussi, beaucoup de voitures ont été détruites. Mais je n’ai pas osé sortir après la tombée de la nuit.
Personnellement, je voulais simplement négocier avec les autorités, mais ça a échoué. C’est quasiment impossible de gagner contre le gouvernement. Je finirai par payer. Mais certains travailleurs sans moral ont préféré tout détruire."
Toutes les photos ont été postées sur le site Weibo.