Aux Philippines, on manifeste allongés, le nez dans la poussière
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Mobilisés pour obtenir l’augmentation des subventions publiques pour l’éducation, les étudiants philippins cherchent à se faire entendre par tous les moyens. Et le "planking", ce jeu qui consiste à se faire prendre en photo allongée face contre terre, raide comme une planche dans des endroits insolites connaît un certain succès. À tel point qu’un député voudrait l’interdire.
"Planking" organisé lors d'une manifestation étudiante à Manille, le 23 septembre. Photo publiée par hazelwinx sur Twitter.
Mobilisés pour obtenir l’augmentation des subventions publiques pour l’éducation, les étudiants philippins cherchent à se faire entendre par tous les moyens. Et le "planking", ce jeu qui consiste à se faire prendre en photo allongée face contre terre, raide comme une planche dans des endroits insolites connaît un certain succès. À tel point qu’un député voudrait l’interdire.
Depuis plusieurs mois, les étudiants philippins pratiquent le "planking" pour s’opposer aux coupes budgétaires dans le secteur éducatif. Le 19 juillet, un "'planking' pour le droit à l’éducation" a été organisé à l’Université de Philippines. Séduits par cette nouvelle forme d’action militante, un groupe d’étudiants s’est allongé, le 19 septembre, dans les rues de Manille pour dénoncer, cette fois-ci, la hausse des prix du carburant.
C’était le "planking" de trop pour le député Winston Castelo qui a déposé, le 20 septembre, une proposition de "loi anti-'planking' de 2011". Il dit craindre que "le 'planking' devienne le nouveau modèle de manifestations ou d’actes de protestation des étudiants" et considère que ces pratiques peuvent s’avérer "dangereuses par le futur". La police de Manille a, quant à lui, annoncé qu’il soutenait la proposition de Castelo et que toute session de "planking" serait "interrompu" et les participants arrêtés.
"Nous avons fait un 'planking' devant le bureau du député Castelo"
Carla (pseudonyme) vit à Manille. Elle a participé à un "planking" devant le bureau du député Winston Castelo.
Le jour de la déclaration du député Winston Castelo, nous étions sidérés. Comment un parlementaire peut-il vouloir légiférer sur les formes que prend la contestation ? Pour nous, c’est une loi anticonstitutionnelle car elle s’attaque à la liberté d’expression. D’ailleurs, même si la loi était adoptée, il suffit que tout le monde se mette à faire du 'planking' pour qu’elle soit impossible à appliquer. Je considère, par ailleurs, que les parlementaires ont des problèmes beaucoup plus importants sur lesquels légiférer, comme la pauvreté ou l’éducation.
Avec trois autres amis, nous avons décidé de montrer à quel point ce texte était absurde en faisant nous-même du 'planking' à l’intérieur du Parlement. Tout est parti de Twitter, c’était très spontané. Nous nous sommes dits que nous pourrions nous rendre devant le bureau du député Castelo pour accomplir notre geste. Et comme je connais des personnes qui travaillent au Parlement, on a réussi à s’introduire dans le bâtiment.
La nuit tombée, quand tout le monde était parti, nous avons fait du 'planking' dans différents endroits du Congrès. Après notre séance, j’ai posté les photos sur mon blog. Elles ont été reprises par des internautes, puis par la télévision, mais peu de gens savent qui nous sommes. Au début, nous avons eu un peu peur des conséquences de notre acte. Mais comme la loi n’était soutenue ni par le public, ni par le président de la Chambre des représentants, on s’est dit que rien de bien grave ne pouvait nous arriver.
"Cette loi est d’autant plus grotesque qu’elle s’attaque à la forme la plus intéressante du 'planking'"
La majorité des Philippins est contre cette loi, les critiques se sont multipliées sur Internet dès l'annonce du député Winston Castelo. L’argument selon lequel le 'planking' met la vie des étudiants en danger est absurde car les personnes qui font du 'planking' se déplacent à plusieurs, ce qui est un gage de sécurité car nous sommes plus visibles. On sait très bien ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas. Et on n’est pas les seuls à s'opposer à la loi. De nouvelles sessions de 'planking' contre les coupes budgétaires dans l’éducation ont eu lieu dans tout le pays le 23 septembre.
Nous attendons aujourd’hui que le parlementaire retire sa proposition de loi. Le 26 septembre, il a fait publier un communiqué de presse où il dit souhaiter l’augmentation des subventions dans le secteur éducatif. C’est une façon de se rattraper parce qu’il s’est mis à dos tous les jeunes, et notamment les étudiants.
Le 'planking' en lui-même est inutile. C’est un jeu, une manière de s’amuser. Mais les militants ont réussi à lui donner du sens. Cette loi est d’autant plus grotesque qu’elle s’attaque à la forme la plus intéressante de ce jeu. Tout le monde devrait se réjouir qu’il soit utilisé pour mobiliser les gens et soutenir des causes."
Billet rédigé en collaboration avec Cécile Loïal, journaliste à FRANCE 24.