"Pour éviter la famine, mangeons des insectes"
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Les Mexicains se délectent de sauterelles grillées, les Japonais raffolent de cookies aux guêpes et les fourmis coupeuses de feuilles sont une friandise en Colombie, tout comme les chenilles en Afrique du sud. Et en Thaïlande, on cuisine de tout, des araignées de mer, aux vers de bambou en passant par les papillons. Peu appétissante à nos yeux, la consommation d’insectes est pourtant une solution envisagée par l’ONU pour combattre la faim dans le monde.
Criquets en Thaïlande. Photo publiée par Xosé Castro Roigsur Flickr.
Les Mexicains se délectent de sauterelles grillées, les Japonais raffolent de cookies aux guêpes et les fourmis coupeuses de feuilles sont une friandise en Colombie, tout comme les chenilles en Afrique du sud. Et en Thaïlande, on cuisine de tout, des araignées de mer, aux vers de bambou en passant par les papillons. Peu appétissante à nos yeux, la consommation d’insectes est pourtant une solution envisagée par l’ONU pour combattre la faim dans le monde.
L’entomophagie (la consommation d’insectes par l’être humain) est pratiquée dans plus de la moitié des pays du monde. Selon une étude de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas, il existe pas moins de 1462 sortes d’insectes comestibles, des scarabées aux libellules en passant par les grillons, les œufs de fourmis et les larves de papillons. Les Mexicains mangent à eux seuls plus de 250 espèces.
Bien plus qu’un délicieux casse-croûte, la consommation d’insectes serait une solution pour la planète à plus d’un titre, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : elle serait une réponse possible à l’augmentation du nombre d’habitants sur Terre - environ 2.3 milliards de plus en 2050 – notamment pour sa richesse en protéines. C'est aussi une alternative à l’élevage de bétail, responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Puisque les besoins en élevage pourraient doubler au cours des quarante prochaines années – avec comme conséquence, la déforestation massive -, il devient crucial de trouver d’autres moyens pour se nourrir.
Vendeur en Thaïlande. Photo publiée par Mitchell Slep sur Flickr.
Mais pourquoi les insectes ? D’abord, ils possèdent une qualité nutritionnelle équivalente à celle du bœuf, du poulet ou du poisson. Ensuite, la culture d’insectes est éco-responsable car elle ne demande pas autant d’eau et de terre que l’élevage des vaches, des cochons et des chèvres. Et les insectes se reproduisent bien plus vite que leurs cousins à quatre pattes. Enfin, les habitants des pays en voie de développement pourront s’alimenter sans avoir à acquérir de terre et à faire d’énormes investissements.
La FAO fait déjà la promotion des fermes écologiques de crickets au Laos. Aux États-Unis et en Europe, plusieurs chefs cuisinier et gourmets vantent aussi les avantages de la consommation d’insectes. Et des épiceries comme Sligro aux Pays-Bas ont commencer à les commercialiser.
“Les insectes ont un goût plutôt 'normal', à la différence des moules ou du fromage”
Danielle Martin est gourmet aux États-Unis et une adepte des insectes. Elle publie des recettes d’insectes sur son blog 'Girl Meets Bug' et tient des conférences sur la cuisine des insectes dans les musées et les écoles.
J’ai commencé à manger des insectes au Mexique en achetant mon premier paquet de ‘chapulines’ [des sauterelles frites]. Je me rappelle m’être soudainement retrouvée entourée d’enfants. Ils voulaient tous en manger. J’ai été frappée de voir que l’entomophagie se pratiquait encore.
Même si manger des insectes n’est pas si rare que ça aux États-Unis, les gens viennent écouter mes conférences par curiosité. Il y a un côté sensationnel : ils veulent généralement voir la fille qui mange des insectes. Mais quand ils me regardent, et qu’ils sentent une odeur de nourriture, ils réalisent que les insectes peuvent être bons.
Cookies de guèpes au Japon. Photo publiée par Eric Gjerde sur Flickr.
Il y a tout un rituel pour la plupart des personnes mangeant des insectes pour la première fois : d’abord, ils ferment les yeux. Ils mettent la bestiole dans la bouche et sont sur leurs gardes. Quand ils commencent à mâcher, ils ouvrent les yeux et leur visage s’illumine. "Ce n’est pas si mauvais", disent-ils. Et ils en attrapent une autre. Les enfants sont plus ouverts d’esprit : ils ne passent pas le même processus, mais ils sont bien plus enthousiastes !
Il y a quelques règles pour savoir quel insecte manger. Je dis toujours : ‘Noir, vert et marron, mange-le ; rouge, bleu et jaune, laisse-le’. C’est mieux d’éviter les insectes avec des couleurs criardes, car c’est un signe de la nature qu’ils ne sont pas mangeables ! Je préfère personnellement manger des insectes quand ils sont à l’état de larve. Mes préférés sont les larves d’abeilles, qui ont un goût de bacon et de champignon, et les criquets, qui ont une saveur entre l’amande et la crevette grise.
Danielle Martin cuisinant des tacos aux larves.
Quand les gens essaient ces bestioles, ils décrivent souvent leur goût comme proche de la noisette, du champignon, de la terre ou de la crevette. Les insectes ont un goût plutôt 'normal', pas comme d’autres aliments qui ont des saveurs fortes et inhabituelles, comme les moules ou le fromage. Au 19e siècle aux États-Unis, les langoustes et les crustacés n’étaient pas considérés comme des mets de choix. Ils servaient à nourrir le bétail ou comme engrais pour la terre. Cela montre bien que les comportements alimentaires évoluent. Au Cambodge, les criquets sont tellement appréciés qu’il y a déjà eu des pénuries. Je pense donc qu’il est possible que les insectes deviennent plus que des friandises, c'est-à-dire une source importante de nourriture.
Les insectes ne sont pas seulement un aliment alternatif. Ils sont bien meilleurs pour la santé que les protéines traditionnelles. Les criquets sont un très bon substitut au bœuf : ils offrent la même quantité de protéines, mais avec davantage de fer. Les larves sont riches en oméga 3, 6 et 9, que l’on trouve aussi dans le poisson, mais elles n’ont pas de mercure. Et cela ne pose pas de problème de les élever par millier. Contrairement à l’élevage d’une vache, tout le monde peut cultiver des insectes. Cela demande peu d’expertise, peu de dépense et peu d’espace. Moi, j’élève des larves dans mes toilettes."
Poelée d'insectes de mer en Thaïlande. Photo publiée par Xosé Castro Roig sur Flickr.
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Andrés Bermúdez Liévano, journaliste freelance.