Un commando armé de barres de fer tente de faire évacuer un squat de Montreuil
C’est l’histoire d’un propriétaire aux méthodes mafieuses qui voulait déloger les squatteurs de son nouveau pavillon. Dimanche 25 juillet, il est arrivé avec une bande de "gaillards" encagoulés qui ont mis à sac la maison située dans la ville de Montreuil, en banlieue parisienne. Une scène que les voisins
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C’est l’histoire d’un propriétaire aux méthodes mafieuses qui voulait déloger les squatteurs de son nouveau pavillon. Dimanche 25 juillet, il est arrivé avec une bande de "gaillards" encagoulés qui ont mis à sac la maison située dans la ville de Montreuil, en banlieue parisienne. Une scène que les voisins se sont empressés de filmer.
Situé au 74 rue des Caillots, le squat a toujours été toléré par la municipalité ainsi que par l’ancien propriétaire des lieux. Mais les occupants, pour la plupart des militants du droit au logement, ont appris il y a une semaine que la maison avait été vendue.
Samedi 23 juillet, les squatteurs ont reçu la visite du nouveau propriétaire. Ce dernier était accompagné d’un groupe de casseurs armés de barres de fer. L’armada s’est introduite dans la maison où se trouvaient un couple et leur enfant âgé d’un an. À l’intérieur, ils ont détruit une partie du mobilier. Le lendemain, dimanche, le commando est revenu à deux reprises au 74 rue des Caillots où ils ont insulté et menacé les squatteurs de recommencer leurs attaques jusqu’à ce qu’ils aient quitté les lieux. La seconde intrusion, la plus violente, a été filmée et photographiée par des riverains.
Cette vidéo a été tournée dimanche 24 juillet par un voisin qui habite dans un immeuble en face de la maison attaquée. On l'entend appeler la police, qui venait de quitter les lieux.
Dominique Voynet, le maire de Montreuil, s’est dit "très choquée" par cet incident, selon l’attachée de presse de la mairie, Diane Gaillais, contactée par FRANCE 24. Lundi 25 juillet, elle a adressé une lettre au propriétaire, indiquant qu’elle engageait "une procédure conservatoire à [son] encontre pour trouble manifeste à l’ordre public". (lire la lettre ci-dessous).
"Quatre voitures sont arrivées en trombe. À leur bord, des gaillards armés de barres de fer, de gaz lacrymogènes et de pieds de biche"
Bruno Saunier est enseignant et conseiller municipal non inscrit de gauche. En mai dernier, il a démissionné de son poste de premier adjoint au maire de Montreuil chargé de l’urbanisme. Il tient le blog Chroniques montreuilloises où il a publié un billet sur le sujet.
Je suis arrivé devant la maison dimanche vers 12h30-13h, quelques minutes après le deuxième passage du propriétaire et de ses mercenaires [le premier passage était samedi]. Les gens discutaient de ce qui venait de se passer. Et là, très vite, quatre véhicules sont arrivés en trombe. Des grands gaillards armés de gaz lacrymogènes, de barres de fer, de massues et de pieds de biche sont sortis. Nous avons à peine eu le temps de réagir qu’ils se sont jetés sur les portes et les fenêtres pour tout casser.
"À un moment, un des casseurs a lancé ‘Faut y aller, on a encore deux lieux à faire’"
Pendant deux heures, ils ont mis la maison à sac. Ils étaient une petite quinzaine [lors des deux premiers passages, ils étaient moins d’une dizaine]. Encagoulés pour la plupart, ils fracassaient les murs, les portes et le mobilier qu’il restait. La police a débarqué vingt minutes après leur arrivée avec quatre voitures et deux véhicules de la BAC [Brigade anticriminelle]. Les forces de l’ordre ont formé un cordon de sécurité qui séparait d’un côté les squatteurs et le voisinage et, de l’autre, les casseurs, qui continuaient le saccage. Je suis assez outré par cette intervention policière. À aucun moment, les forces de l’ordre n’ont essayé d’arrêter les assaillants ou de confisquer leurs armes. De ce que j’ai vu, ils n’ont procédé à aucune vérification d’identité. À un moment, un des casseurs a lancé "Faut y aller, on a encore deux lieux à faire".
Les logements vides et les squats sont monnaie courante et j’en sais quelque chose, parce que j’étais adjoint à l’urbanisme jusqu’en mai dernier. Ce n’est pas la première fois que les expulsions se font en dehors du cadre légal. Mais cette fois, le mode opératoire est particulièrement barbare. Le nouveau propriétaire, qui se nomme Hafid Hafed, est un agent immobilier de la société IAD France, responsable de la région Seine-Saint-Denis [Le responsable de IAD France a fait valoir son droit de réponse sur le blog de Bruno Saunier, indiquant que sa société "n'avait en aucun cas commandité les actes commis" lors du week-end dernier. Hafid Hafed a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire]. Mais dans tous les cas, lui et ses hommes ont agi comme une milice qui se fait justice elle-même."
Cette vidéo a été tournée dimanche 24 juillet à bout de bras par un riverain témoin de la scène. On voit au premier plan des policiers qui font barrage et, au deuxième plan, les casseurs poursuivre leur démolition. Toutes les images ont été prises par des riverains et envoyées par Bruno Saunier.
"Afin d’éviter une procédure d’expulsion laborieuse, le propriétaire a embauché des jeunes des quartiers pour venir tout saccager"
Benjamin (pseudonyme) fait parti d’un collectif de militants pour le droit au logement. Il squatte un autre logement vide de la rue des Caillots, non loin du numéro 74, et a été témoin de l’attaque de dimanche.
Ce squat est occupé depuis 2007. Le propriétaire était un vieux monsieur qui a été placé sous curatelle il y a peu de temps. Il y a environ une semaine, la maison a été vendue. La procédure normale pour contraindre des occupants à quitter un logement squatté est encadrée par un juge : c’est à la justice d’ordonner une expulsion. Cette procédure légale, que nous aurions respectée comme nous le faisons à chaque fois, prend du temps. Mais pour aller plus vite, le nouveau propriétaire a embauché des jeunes des quartiers défavorisés pour venir tout saccager.
"Leur but était de détruire les ‘points vitaux’ de la maison afin de la rendre inhabitable"
Le nouveau propriétaire est venu à deux reprises pour demander aux squatteurs de dégager. Le samedi, il faisait semblant de vouloir négocier "Je vous file des billets et vous partez" ou "J’ai de quoi vous reloger ailleurs si vous voulez". Puis il est passé aux méthodes violentes. Leur façon de faire était très réfléchie : ils ont commencé par s’attaquer au compteur électrique puis à l’arrivée d’eau, la porte d’entrée, etc. Leur but était de détruire les ‘points vitaux’ de la maison afin de la rendre inhabitable et faire partir les squatteurs.
Nous avons décidé qu’un certain nombre de squatteurs resteront dans cette maison tant que la procédure légale n’aura pas été respectée. Nous voulons résister parce qu’on n’a pas le droit de déloger des gens comme ça."
La lette adressée par Dominique Voynet, maire de Montreuil, au propriétaire du 74 rue des Caillots.
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.