Réactions au discours de Bachar al-Assad : "Il fait des promesses parfaitement irréalisables"
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Après le discours de Bachar al-Assad, lundi, alors que la télévision syrienne passait en boucle des images de foule en liesse, du nord au sud du pays, des manifestants sortaient dans la rue pour demander le départ du président syrien. L’allocution du chef de l’État est loin d'avoir convaincu. Nos Observateurs dans le pays nous disent pourquoi.
Après le discours du Bachar al-Assad, lundi, alors que la télévision syrienne passait en boucle des images de foule en liesse, du nord au sud du pays, des manifestants sortaient dans la rue pour demander le départ du président syrien. L’allocution du chef de l’État n’a pas convaincu.
Lors de son discours à l’université de Damas, le président syrien a alterné menaces et main tendue. Encore une fois, il a fait des promesses : une réforme de la Constitution, une évolution du fonctionnement des médias et la tenue d’élections législatives d’ici le mois d’août prochain. Il a également décrété une amnistie pour tous les crimes ayant été commis avant le 20 juin, sans donner plus de précisions, et appelé les réfugiés syriens du Nord à rentrer chez eux. Il n’a cependant pas dévié des explications habituelles quant à l’origine des troubles dans son pays, imputés à des "terroristes armés", et il a réitéré ses menaces contre ceux qui "complotent contre la Syrie".
Vidéo des manifestations des réfugiés syriens près de la frontière turque. Vidéo publiée sur YouTube.
"Bachar al-Assad fait des promesses parfaitement irréalisables"
Bassam est un habitant de Homs, dans l'ouest du pays.
On ne peut pas dire que l’on attendait avec impatience ou fébrilité le discours de Bachar… Ces promesses arrivent trop tard, car la répression a atteint un degré tel que les Syriens ne sont plus prêts à faire aucune concession.
Nous connaissons ce régime depuis 40 ans maintenant, puisque la politique du fils est en parfaite continuité avec celle menée par le père [Hafez al-Assad]. Nous savons donc ce qu’il est réellement en mesure de nous donner ou pas. Parler de réformer la Constitution est typiquement le genre de promesses irréalisables pour Bachar. Toucher à l’article 8, qui stipule que le parti Baas est le parti unique en Syrie, c’est toucher au socle sur lequel repose le régime, ce qui est tout simplement impensable. Cette promesse ne sera jamais tenue car elle signerait la fin du règne des Al-Assad.
La chute effective du régime va encore à mon avis prendre du temps, mais pour bon nombre de Syriens, notamment à Homs (Ouest), les citoyens se sont déjà en partie affranchis de l’autorité de l’État, qu’ils jugent illégitimes. Ils ne payent plus par exemple les factures d’eau et d’électricité, ni leurs impôts. Ils savent que ces actes de désobéissance peuvent leur coûter cher, mais ils n’ont plus peur."
Manifestations nocturnes à Homs contre le régime. Vidéo publiée sur YouTube.
"Il y a un point sur lequel on est tous d’accord : il n’y aura pas de retour en arrière"
Abdullah Abazid fait partie des Comités locaux de coordination (LCC Syria) qui regroupe des opposants syriens de l’intérieur et de l’extérieur du pays.
Pour être honnête, nous avions rédigé nos appels à poursuivre les protestations avant même d’écouter ce que Bachar avait à dire. Nous n’avons évidement pas été surpris pas son discours.
Beaucoup de manifestants ici disaient que la chute du régime ne pouvait être que proche puisqu’il s’agissait du troisième discours de Bachar al-Assad depuis le début du mouvement de contestation [les présidents tunisien et égyptien ont quitté le pouvoir après leur troisième allocution télévisée, ndlr]. J’ai aussi entendu des gens qui scandaient 'les microbes veulent la chute du régime', car Bachar avait qualifié de microbes ceux qui 'conspirent' contre la stabilité de la Syrie.
Je crois que s’il y a un point du discours présidentiel sur lequel on est tous d’accord, c’est sur le fait qu’il n’y aura pas de retour en arrière [Bachar al-Assad a utilisé cette formule lors de son discours]. Pour le reste, ses promesses ne sont que du vent. Par exemple, il évoquait plus de liberté et de transparence au niveau des médias et, 10 minutes après la fin de son discours, la télé syrienne nous servait encore les images des fosses communes à Jisr Al Choughour, qu’elle présentait comme étant l’œuvre de 'groupes armés' [les opposants affirment que ces fosses communes sont remplies des cadavres de soldats tués parce qu’ils tentaient de faire défection]."
Manifestations à Hama. Vidéo publiée sur YouTube.
Manifestations à Daria, près de Damas, vidéo publiée sur YouTube.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à FRANCE 24.