MEXIQUE

Le narcotrafic fait couler les fontaines d’un rouge sang

Publié le : 08/06/2011 - 16:46Modifié le : 09/06/2011 - 09:36

4 mn

Le sang des victimes du narcotrifc mexicain coule jusque dans les fontaines de Mexico. Voilà comment un groupe de mexicain a voulu symboliser les ravages du trafic de drogue qui gangrène la pays.

La fontaine Diane Cazadora, à Mexico.

Le sang des victimes du narcotrafic mexicain coule jusque dans les fontaines de Mexico. Voilà comment un groupe de Mexicains a voulu symboliser les ravages du trafic de drogue qui gangrène le pays.

Cette initiative fait partie de la campagne populaire “Paremos las balas, pintemos las fuentes" (Arrêtez les balles, peignez les fontaines) au cours de laquelle 23 fontaines de la ville de Mexico ont été teintes en rouge pendant le mois de mai. Dernière en date, une fontaine de l’avenue Paseo de la Reforma, un des axes les plus fréquentés et les plus connus de la ville. Sous le regard des passants, les activistes ont versé la teinture dans la fontaine Diana Cazadora, (Diane chasseresse) jusqu’à ce que tous les bassins ressemblent à des mares de sang. Le groupe a ensuite marché autour de la fontaine en scandant "Pas un mort de plus" et "Assez de violence".

Selon les activistes, les fontaines rouges doivent attirer l’attention sur les "rivières de sang" qu’ont déversé les violences liées au trafic de drogue. Des membres de cartels sont régulièrement retrouvés décapités suite à des règlements de compte mais les violences font aussi des victimes collatérales parmi les citoyens. Dernièrement, une classe de maternelle s’est retrouvée entre les feux de la police et des trafiquants.

Selon le gouvernement mexicain, 34 612 personnes ont été tuées dans ce type de violences sur les quatre dernières années. Avec 15 273 meurtres liés au narcotrafic, l’année 2010 a été la plus meurtrière. Les violences sont concentrées dans l’état de Chihuahua dans le nord du pays, une plaque tournante du crime organisé où les armes transitent vers le sud et la drogue vers les États-Unis. Avec 3100 meurtres en 2010, c’est la ville de Ciudad Juarez, située en face d’El Paso au Texas, qui compte le plus de victimes, dont de nombreuses femmes.

La fontaine Diana Cazadora teinte en rouge, le 28 mai. Photos postées ici.

"Les passants ont des réactions très fortes à la vue de ce rouge sang"

Victor Garcia Zapata milite contre le trafic de drogue à Mexico. Il est l'un des organisateurs du mouvement ‘Paremos las balas, pintemos las Fuentes’.

Cette idée nous est venue alors que nous discutions avec un groupe d’amis – essentiellement des artistes et des militants politiques – de la manière d’exprimer notre soutien au poète mexicain Javier Sicilia qui a appelé à la mise en place d’un "pacte national pour la paix" le 8 mai dernier. [Une liste de propositions pour remplacer l’approche militaire de la guerre contre le crime organisé par une approche axée sur la sécurité publique et la lutte contre la corruption. Texte intégral disponible ici en espagnol]

Nous voulions organiser un événement qui attirerait l’attention sur ce message afin que le plus de citoyens et d’organisations possibles se joignent à ce pacte. La composition de cette teinture est végétale et se dissout facilement. Il n’y a aucun risque qu’elle ne colore les monuments.

“Notre message s’adresse surtout au gouvernement”

Les “fontaines de sang”, qui font partie d’une série de différentes actions publiques (manifestations, vidéos-projections, installations artistiques), ont particulièrement attiré l’attention des passants. Les gens ont eu des réactions très fortes à la vue de ces mares rouges. La plupart se sont arrêtés, certains ont posé des questions, d’autres ont été profondément bouleversés. Peut-être que la connotation biblique joue [Selon l’Ancien Testament, l’une des dix plaies de l'Egypte est le changement de l’eau des fleuves en sang], ou peut-être que ces fontaines leur rappellent les "narco-pozos", [des puits où avaient été jetées des têtes coupées] découverts ces dernières semaines à travers le pays.

Notre message s’adresse aux trafiquants de drogue, bien sûr, mais surtout au gouvernement. Nous pensons qu’il doit changer de stratégie dans son combat contre le narcotrafic. Rien ne sert d’utiliser la violence contre la violence. Si des actions comme celles-ci aident à mobiliser l’opinion publique pour faire pression sur le gouvernement et le pousser à changer, alors, ce sera un succès."