Alors que les leaders entrent en guerre, les manifestants tentent de calmer le jeu
Publié le : Modifié le :
Depuis deux jours, le quartier d’Al-Hasaba, à Sanaa, est le théâtre d’affrontements à l’arme lourde entre les partisans du chef tribal Sadek al-Ahmar et les hommes du président Saleh. Mais les manifestants yéménites, qui ont fait du pacifisme leur arme, comptent bien rester en dehors de tout ça.
Membres des forces tribales fidèles au cheikh Sadek al-Ahmar, devant sa maison dans le quartier d’Al-Hasaba, le 24 mai.
Depuis deux jours, le quartier d’Al-Hasaba à Sanaa est le théâtre d’affrontements à l’arme lourde entre les partisans du chef tribal Sadek al-Ahmar et les hommes du président Saleh. Mais les manifestants yéménites, qui ont fait du pacifisme leur arme, comptent bien rester en dehors de tout ça.
Sadek al-Ahmar, chef de la puissante confédération tribale des Hached, avait rallié en mars les protestataires réclamant la chute du chef de l'État, au pouvoir depuis 33 ans. C’est autour de sa résidence, dans le quartier d’Al-Hasaba, que les violences ont éclaté dans la journée du 23 mai. Les abords du domicile du cheikh ont été bombardés par les forces gouvernementales. Après une nuit de calme, les affrontements ont repris le lendemain, à la mi-journée. Les partisans de cheikh Ahmar seraient même parvenus à contrôler, dans la journée du 24 mai, plusieurs bâtiments publics - dont le ministère de l'Industrie.
Quarante-quatre personnes sont mortes dans les combats, les plus importants entre forces gouvernementales et combattants tribaux depuis le début de la contestation, en janvier dernier.
Depuis lundi, les deux camps se rejettent la responsabilité du déclenchement des hostilités. Le 22 mai, le président yéménite avait refusé de parapher un accord de transition pacifique du pouvoir, que les principaux dirigeants de son parti avaient pourtant signé.
Vidéo des affrontements de mardi 24 mai entre les forces tribales et les forces gouvernementales, dans le quartier d'Al Hasaba à Sanaa. Postée sur YouTube par la7jpress. À 2min12, on voit la maison du cheikh Al Ahmar.
Billet écrit en collaboration avec Ségolène Malterre, journaliste à France 24.
"Les autorités s’étaient préparées à attaquer en stockant des armes dans une école"
Rafat al-Akhali est un homme d’affaire de 22 ans. Il est le fondateur de la Coalition civique pour la jeunesse révolutionnaire (CCRY), un groupe qui coordonne les manifestations et relaie, via Twitter et/ou Facebook, les principales informations sur la contestation.
Le cheikh Sadek est le chef de la plus importante confédération tribale du Yémen : les Hached. Ce n’est pas la plus importante par le nombre, mais par son influence. Le président est d’ailleurs, lui-même, issu de cette confédération. Sadek al-Ahmar est aussi le porte-parole du parlement yéménite. C’est une figure politique extrêmement importante. Il a travaillé aux cotés du président Saleh, mais son rôle a toujours été de contrebalancer le pouvoir du président. Sa famille est connue pour être dans l’opposition. Par exemple, son frère Amid est le chef de la formation islamiste Islah, le principal parti d’opposition au Yémen.
On dit qu’au début de la "révolution", il aurait essayé de convaincre le président de quitter le pouvoir comme le demandaient les manifestants. Puis, il y a deux mois, il a choisi de rejoindre ouvertement l’opposition.
"Dans la norme tribale, attaquer la maison de quelqu’un est quelque chose de très grave"
Plusieurs sources affirment que, ces derniers jours, les autorités s’étaient préparées à attaquer en stockant des armes dans une école à quelques pâtés de maison de la résidence de Sadeq. Quand les combats ont éclaté hier, les hommes qui soutiennent le cheikh sont venus par centaines des villages alentours pour combattre les forces gouvernementales. Ils étaient tous armés. [Au Yémen, 60 millions d’armes circulent, ce qui équivaut à plus de deux armes par habitants].
Ces affrontement sont en partie la conséquence du ralliement de Sadek à la cause révolutionnaire. Ils peuvent être vus comme un règlement de compte personnel. Mais beaucoup de gens pensent que le président Saleh a sauté sur cette occasion pour se fabriquer un prétexte afin de réprimer les manifestations.
Jusqu’à aujourd’hui, notre révolution est restée très pacifiste. Même les tribus du Nord qui ont rejoint la Place du changement ont déposé les armes.
Les combats, quelqu'en soient les auteurs, ont été unanimement condamnés par les manifestants. Des médiations ont même eu lieu hier soir pour que les choses reviennent à la normale et que le mouvement ne soit pas discrédité. Personne ne sait quel tournure vont prendre les évènements, mais la situation est explosive. Selon les règles tribales, attaquer la maison de quelqu’un d'autre constitue quelque chose de très grave."
Cette vidéo a été filmée par la blogueuse Raja Althaibani, lundi dans le quartier d’Al-Hasaba, à proximité de la résidence de Sadek al-Ahmar. Les images, transférées en direct sur Bambuser, sont très saccadées, mais on entend des tirs à 1min54 et 3min09.