YÉMEN

Des femmes yéménites dans la rue pour "dégager" le président Saleh

 Deux mois après les premières manifestations, le mouvement de contestation au Yémen vient de connaître une de ses semaines les plus sanglantes. Une répression qui a poussé les femmes de la ville d’Al-Hodeïda, dans l'ouest du pays, à sortir mercredi dans la rue. Une marche d'une grande portée symbolique dans ce pays où les femmes restent marginalisées.

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Deux mois après les premières manifestations, le mouvement de contestation au Yémen vient de connaître une de ses semaines les plus sanglantes. Une répression qui a poussé les femmes de la ville d’Al-Hodeïda (Ouest) à sortir mercredi dans la rue. Une marche d'une grande portée symbolique dans ce pays où les femmes restent marginalisées.

 

Le Yémen, parent pauvre de la péninsule Arabique, est aussi un pays où le statut de la femme est particulièrement précaire. Selon l’Indice sexo-spécifique de développement humain (ISDH), le Yémen arriverait en tête des pays où la discrimination envers les femmes est la plus importante. Les femmes sont quasiment absente des institutions politiques du pays - une seule femme siège au Parlement, qui compte 301 membres. Certains faits divers ont par ailleurs fait les gros titres des médias internationaux ces dernières années, notamment celui de Nojoud, une petite fille mariée de force… à l’âge de 9 ans.

 

Depuis le début du mouvement de contestation, des manifestantes distribuent aux manifestants des pains sur lesquels est écrit "Dégage". Le 6 avril, à Al-Hodeïda, quatrième ville du Yémen, elles ont encore franchi une étape dans la mobilisation en organisant une marche réservée aux femmes.

 

Vidéo des manifestations à Al-Hodeïda. Publiée sur YouTube.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24.

"Les femmes, ici, sont le plus souvent analphabètes, mais elles sont pleinement conscientes de leurs droits"

Mariam Hussein Aboubaker al-Attaf, 40 ans, est professeur de lycée et militante.

 

Nous ne sommes pas la première ville du Yémen à organiser une manifestation entièrement féminine. Il n’a d’ailleurs pas été facile, ici, de convaincre les femmes de se mobiliser, notamment à cause de la violence de la répression.

 

Pour convaincre nos concitoyennes, nous avons fait du porte-à-porte. Nous leur avons expliqué à quel point leur engagement pour cette cause, au même titre que les hommes, était important. Nous demandions ensuite à chaque nouvelle recrue de ramener à son tour cinq autres femmes. Un élément a été déterminant pour les convaincre : la mort de deux adolescents le 4 avril. Elles ont voulu afficher leur solidarité avec la mère de ces deux jeunes et avec toutes celles qui ont perdu leurs enfants dans les manifestations depuis deux mois.

 

Les femmes qui ont participé à cette manifestation viennent de tous bords : des militantes, des mères de familles, des étudiantes… Nous étions toutes réunies autour d’un seul et même slogan : 'le peuple veut la chute du régime !' Nous n’avions pas de demandes spécifiques concernant les femmes, car aucun changement concernant la condition de la femme au Yémen n’est possible tant que ce gouvernement reste en place. Comment voulez-vous acquérir plus de droits pour les femmes et appeler à l’égalité des sexes dans le cadre d’un système totalement contrôlé par un parti unique corrompu ?

 

Au Yémen, agresser une femme est perçu comme un acte déshonorant. Nous avons donc voulu placer les autorités devant un dilemme : soit elles nous laissaient manifester et appeler au départ de Saleh, soit elles commettaient une infamie en nous réprimant. Des femmes ont déjà été molestées dans des manifestations, mais s’attaquer frontalement à une marche de femmes aurait été trop mal vu. La manifestation s’est donc déroulée de manière pacifique et les forces de l’ordre ne sont pas intervenues.

 

Nous en avons assez de cette mauvaise image que le monde entier a de notre pays. Certes, les femmes ici sont le plus souvent analphabètes [environ 70% des femmes yéménites ne savent ni lire ni écrire] mais cela ne les empêche pas d’être pleinement conscientes de leurs droits."