Deux Marocains volent au secours des habitants de Fukushima
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Malgré les risques pour leur santé, deux Marocains installés au Japon se sont rendus au plus près de la centrale nucléaire de Fukushima pour venir en aide aux habitants des zones sinistrées.
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Malgré les risques pour leur santé, deux Marocains installés au Japon se sont rendus au plus près de la centrale nucléaire de Fukushima pour venir en aide aux habitants des zones sinistrées.
Plus de deux semaines après l’accident nucléaire, la situation de quatre des six réacteurs de la centrale de Fukushima Daïchi reste instable. Lundi 28 mars, l’entreprise Tepco, en charge de la centrale, a demandé l'appui d'EDF, d'Areva et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) pour pouvoir faire face à la crise.
La fuite du réacteur n°2 n’a notamment toujours pas été enrayée et des eaux présentant des taux de radioactivité très élevés sont actuellement évacuées du réacteur. Tepco a assuré que l’évacuation ne se faisait pas par la mer, mais n’a pas exclu qu’elle se fasse par les sols. Or les autorités japonaises ont déjà fait savoir que les terres autour de la centrale avaient été contaminées au plutonium.
La catastrophe du 11 mars a entraîné l'évacuation des 70 000 personnes qui vivaient dans un rayon de 20 km autour de la centrale de Fukushima et les 130 000 Japonais qui habitaient dans un rayon de 20 à 30 km ont été invités à quitter les lieux ou à ne pas sortir de chez eux. Le tremblement de terre et le tsunami ont fait au total près de 10 901 morts et 17 621 disparus.
Sur la route d'Iwaki. Photo envoyée par notre Observateur Rachid Elmerini.
Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.
"C’est l’appel à l’aide d’un habitant d’Iwaki diffusé à la télévision qui m’a convaincu de partir"
Rachid Elmerini dirige une entreprise d’import-export à Nagoya où il vit depuis 15 ans avec sa femme et son fils. Il a organisé une distribution de vivres à Iwaki, une ville de 350 000 habitants située à moins de 70 km de la centrale, une zone qui devra être évacuée si la radioactivité progresse.
Quelques jours après la catastrophe, je regardais la NHK, la première chaîne publique japonaise, et je suis tombé sur l’appel au secours d’un habitant d’Iwaki, une petite ville de la préfecture de Fukushima qui se trouve à proximité de la centrale nucléaire. Il expliquait qu’il n’avait plus rien à manger ni à boire et que les gens étaient cloîtrés chez eux. La première épicerie ouverte était à 125 kilomètres, aucune société de transport n’acceptait de venir les aider et l’armée était débordée. A ce moment là, j’hésitais à quitter le Japon, mais ce témoignage m’a convaincu qu’il fallait que je fasse quelque chose pour ceux qui étaient beaucoup moins chanceux que moi.
"Les conducteurs de camions qui travaillent pour moi ont refusé de m’accompagner"
Avec mon ami Khallouf Mohamed, qui est lui aussi homme d’affaires, nous avons décidé de rassembler des vivres et de les transporter à Iwaki. C’est le seul de mon entourage à avoir accepté de me suivre. Même les conducteurs de camions qui travaillent pour moi ont refusé. On est partis le soir du 21, un jour de pluie car il paraît que ça réduit la radioactivité de l’air, et on a filé en camion à Iwaki, à 660 km au nord. Sur place, on a été accueillis par l’armée qui nous a immédiatement aidés à décharger les camions.
La ville est complètement morte, les seules personnes que l’on y croise se sont des militaires et des pompiers d’élite.
"On a vu un haut-gradé pleurer de détresse"
Nous avons distribué les vivres dans les abris où sont regroupés les sinistrés. En tout, nous avions acheté 5 000 bouteilles d’eau, 12 000 repas préparés, 20 000 masques, 2 400 baguettes, 2 000 rations de riz, 2 000 paires de chaussettes, du lait pour les enfants, des couches et quelques vêtements. Les habitants étaient très émus de nous voir.
L’armée fait tout son possible, mais les besoins sont trop importants.
On a ensuite essayé d’aller un peu plus loin, mais les soldats nous ont arrêtés parce que l’on s’approchait de la ligne rouge qui délimite la zone où la radioactivité est considérée comme dangereuse [un périmètre de sécurité est établi dans un rayon de 30 km]. Pourtant, des gens vivent encore dans cette zone, notamment des personnes âgées qui ont refusé de quitter leur maison [l’évacuation de ce périmètre a été encouragée par les autorités mais n’est pas obligatoire]. Ces gens-là n’ont quasiment aucun accès à l’eau et ont très peu de nourriture, alors les soldats sont allés leur porter nos provisions.
"Nous nous sommes cachés les cheveux parce que cette partie du corps est très réceptive à la radioactivité"
Nous avons pris très peu de précautions. Nous avons pris quelques comprimés d’iodes et nous nous sommes protégés les cheveux, parce qu’ils sont paraît-il très réceptifs à la radioactivité. Bien que non-officielle, nous étions la seule opération d’urgence arabe qui ait été mise en place dans la zone du réacteur. On a croisé des Américains, des Français, des Russes et des Coréens, mais très peu de nations du sud. On est très fiers de représenter l’action du monde musulman sur le terrain.
Je me prépare à repartir avec deux camions à la fin de la semaine. Mais comme l’eau est rationnée à Nagoya, on demande à des amis d’aller chercher leur ration au supermarché et de nous la donner. C’est le seul moyen d’accumuler des vivres pour le prochain voyage.
Cette action est pour moi un prêche de paix ,de solidarité et d`amour pour tous ceux qui ont besoin d`une main tendu, loin de tout idéologie. Je lance un appel aux volontaires. Venez nous aider à collecter et distribuer des vivres (vous pouvez contacter Rachid sur elmerini@hotmail.fr)"